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15/02/2024 | FRANCE | N°22MA01250

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 15 février 2024, 22MA01250


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... et Mme E... B... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge ou à défaut la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2000621 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
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Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 avril 2022 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme E... B... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge ou à défaut la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2000621 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 avril 2022 et le 25 janvier 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Georges, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 mars 2022 ;

2°) de prononcer la décharge ou à défaut la réduction des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le contrôle de la société civile immobilière (C... est irrégulier, dès lors que M. A... n'est ni gérant ni associé de cette société, et qu'une autre société, la SCI J.E.V., est propriétaire des immeubles ;

- l'administration fiscale a irrégulièrement imposé les revenus fonciers de la C... entre les mains de M. et Mme A..., en l'absence d'une notification personnelle des rehaussements ;

- l'administration ne pouvait imposer entre les mains de M. A... une quote-part des revenus d'une société dont il n'est pas associé ;

- l'administration a ainsi méconnu les énonciations de la doctrine administrative référencée 13 L-1513 n°s 37 à 39 et BOI-CF-IOR-10-30, n° 290 à 310 ;

- aucun loyer n'a été perçu au titre des locaux situés 8/10 rue Leblanc à Marseille et loués à la société le Carthage jusqu'en août 2016 ;

- les autres locataires des locaux situés 8/10 rue Leblanc à Marseille n'ont pas versé la totalité des loyers ;

- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration pour manquement délibéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leurs déclarations au titre des années 2015, 2016 et 2017, à l'issue duquel l'administration fiscale les a assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant du rehaussement de leurs revenus fonciers et de ceux de la C..., laquelle a parallèlement fait l'objet d'un contrôle. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 11 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt, et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, l'article 8 du code général des impôts dispose : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. / Il en est de même (...) : 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les membres d'une société de personnes telle que celles énumérées à l'article 8 du code général des impôts sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société et que l'administration ne peut légalement mettre des suppléments d'imposition à la charge personnelle des associés sans leur avoir notifié, dans les conditions prévues à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les corrections apportées aux déclarations qu'ils ont eux-mêmes souscrites, en motivant cette notification au moins par une référence aux rehaussements apportés aux bénéfices sociaux et par l'indication de la quote-part de ces bénéfices à raison de laquelle les intéressés sont imposés.

4. Il résulte de l'instruction que l'administration a procédé au contrôle sur pièces des déclarations des sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés déposées au titre des années 2015, 2016 et 2017 par la C..., dont le siège est situé au domicile de M. et Mme A... à Marseille, et dont le n° siren est 439 882 622. Après avoir rehaussé les revenus perçus par cette société à raison des quatre immeubles mentionnés sur ses déclarations, situés à Marseille, 70-72 rue de la Joliette, 8-10 rue D... Leblanc, 188 et 190 avenue des Olives, elle a tiré les conséquences de ces rectifications dans le cadre du contrôle sur pièces de M. et Mme A..., qui détiennent la totalité du capital de la société, et auxquels elle a adressé une proposition de rectification datée du 28 novembre 2018. Les requérants font valoir que l'administration a irrégulièrement procédé au contrôle des déclarations de la C..., dont M. A... n'est ni gérant ni associé, et que les immeubles en cause appartiennent à une autre société, la SCI J.E.V., dont le siège est situé à Lurs (Alpes-de-Haute-Provence), qui est immatriculée au répertoire sirène sous le n° 338 901 994, et dont le capital est détenu par Mme A... et son fils. Toutefois, alors que les déclarations déposées par la C... immatriculée sous le n° 439 882 622 au titre des années 2015 à 2017, de même d'ailleurs que celles déposées postérieurement au contrôle, au titre des années 2019 et 2020, mentionnent qu'elle détient les quatre immeubles situés à Marseille, les requérants ne justifient pas que ces immeubles appartiendraient en réalité à la SCI J.E.V. immatriculée sous le n° 338 901 994 par la production d'un acte d'acquisition d'un immeuble situé 180/188 avenue des Olives enregistré en 1986, de documents relatifs à l'adjudication, en 1990, de locaux situés au 70/72 rue de la Joliette, et en 1996, de locaux situés au 8/10 rue D... Leblanc, qui mentionnent la " SCI J.E.V. ", en l'absence de précision du n° d'immatriculation au répertoire sirène, et de baux commerciaux relatifs aux immeubles en cause n'ayant pas date certaine. De même, s'ils versent aux débats un état hypothécaire établi en avril 2022 qui serait relatif à la SCI J.E.V. et mentionne des locaux situés 2 rue D... Leblanc et 70/72 rue de la Joliette, l'administration démontre par la production de fiches d'évaluation foncière des propriétés bâties établies en mai 2022 que des locaux situés à cette adresse appartenaient à cette date à la C.... Enfin, la production d'attestations rédigées par un notaire et de compromis de vente postérieurs aux années en litige est insuffisante pour justifier que la C... n'aurait pas été propriétaire des immeubles à raison desquels elle a déclaré des revenus au cours des années 2015 à 2017. Par conséquent, doit être écarté le moyen tiré de ce que le contrôle de la C... serait irrégulier. Pour les mêmes motifs, M. et Mme A..., qui ont d'ailleurs répondu à la proposition de rectification du 28 novembre 2018 qui leur a été adressée à titre personnel, ne sont pas fondés à soutenir que l'administration fiscale aurait irrégulièrement imposé les revenus fonciers de la C... entre leurs mains, en l'absence d'une notification personnelle des rehaussements.

5. En deuxième lieu, les requérants ne peuvent utilement invoquer les doctrines administratives référencées 13-L-1513 et BOI-CF-IOR-10-30 dès lors que leurs énonciations, qui traitent de questions touchant à la procédure d'imposition, ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. et Mme A... ont été régulièrement imposés à raison des résultats fonciers de la C... immatriculée au répertoire sirène sous le n° 439 882 622. La circonstance que M. A... n'est pas associé de la SCI J.E.V. immatriculée au répertoire sirène sous le n° 338 901 994 est sans incidence sur le bien-fondé des impositions.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 28 du code général des impôts, le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. Aux termes de l'article 29 du même code : " (...) le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires (...) ".

8. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue du contrôle de la C..., l'administration fiscale a déterminé le montant des loyers imposables à raison notamment de quatre locaux situés 8/10 rue Leblanc en tenant compte des baux fournis par la société et de ses explications, ainsi que des bilans déposés par les sociétés locataires.

9. D'une part, les requérants, en se bornant à produire une attestation rédigée postérieurement à la notification de la proposition de rectification par le gérant de la société Carthage, locataire d'un des locaux, selon lequel le loyer mensuel de 1 800 euros stipulé par le bail conclu le 15 décembre 2014 n'a pas été versé avant le mois de septembre 2016, en contrepartie de la réalisation de travaux, ne justifient pas que les loyers n'auraient pas été versés pendant vingt mois, le gérant de la société locataire précisant d'ailleurs que l'activité a pu débuter en janvier 2015. Dès lors, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les revenus fonciers des années 2015 et 2016 devraient être réduits des montants respectifs de 21 600 euros et 14 400 euros.

10. D'autre part, les pièces versées aux débats par les requérants, constitués d'une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille du 5 juin 2014 condamnant le locataire d'un autre local situé 8/10 rue Leblanc à verser les loyers impayés à la C..., au titre d'arriérés dus en 2014, et d'un décompte de frais établi le 28 avril 2015 par un huissier de justice, portant également sur une période antérieure, sont insuffisantes pour démontrer que la C... n'aurait pas effectivement perçu les loyers dus par ce locataire au cours des années en litige. Par ailleurs, si M. et Mme A... font valoir que le locataire suivant, avec lequel un bail a été conclu le 13 avril 2017, n'a pas versé les loyers, et produisent à cet égard une copie du bail et d'une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille du 13 juillet 2018, ils ne démontrent pas que la C... n'aurait pas perçu les loyers imposés par l'administration, alors qu'ils ont eux-mêmes indiqué au cours du contrôle qu'un nouveau bail relatif à ce local avait été conclu le 1er juin 2015, moyennant un loyer mensuel de 1 300 euros. Par conséquent, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les revenus fonciers des années 2015, 2016 et 2017 devraient être réduits des montants respectifs de 7 800 euros, 15'600 euros et 3 900 euros.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

12. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré, l'administration fait état des importantes omissions en matière de revenus fonciers, correspondant à la minoration de certains loyers perçus, à des loyers encaissés et non déclarés, et à la déclaration de charges non justifiées, tant pour les biens loués en nom propre par M. et Mme A... que pour les biens loués par le biais de la C... au titre des trois années en litige. Par suite, elle justifie le caractère délibéré de l'insuffisance de déclaration et donc l'application de la majoration pour manquement délibéré.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme A... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et Mme E... B... épouse A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2024.

2

N° 22MA01250


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01250
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : IKHLEF

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;22ma01250 ?
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