Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2206170 du 21 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2023, M. B..., représenté par Me Quinson, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour lui permettant de travailler dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours sous la même astreinte et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement n'est pas suffisamment motivé dès lors que ne sont pas précisées les périodes déterminées par mois, ni même par année, pour lesquelles les premiers juges ont considéré que le nombre et la nature des pièces produites étaient insuffisants pour attester de sa résidence habituelle en France ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut de motivation révélant un défaut d'examen particulier des circonstances ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions des articles L. 423-23, L. 435-1 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
Par une décision du 3 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant sénégalais, né le 15 juin 1980, a sollicité son admission au séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale. Par arrêté du 30 mars 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement du 21 novembre 2022, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ".
3. En précisant, pour considérer que M. B... n'établissait le caractère continu et régulier de sa présence en France depuis plus de dix ans, que ce dernier se bornait à produire des " pièces peu diversifiées (...), composées en grande majorité de certificats médicaux et de mouvements bancaires, la continuité alléguée de son séjour en France depuis le mois d'octobre 2011, notamment au titre de l'année 2013, pour laquelle il ne produit que deux attestations médicales, une attestation de domicile dans le cadre de l'aide médicale d'Etat et des courriers relatifs à des procédures juridictionnelles ", les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Eu égard aux pièces portées à la connaissance du préfet des Bouches-du-Rhône, il ne peut lui être reproché la mention de ce que l'intéressé ne démontrait pas contribuer à l'éducation et à l'entretien de ses enfants ou l'absence de mention de ce qu'une procédure devant le juge des affaires familiales était en cours afin de se voir proroger un droit de visite qui lui avait été reconnu pour une durée de six mois, renouvelable une fois par jugement du juge des affaires familiales du 21 novembre 2019. Ledit arrêté est donc suffisamment motivé.
5. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué que le préfet des Bouches-du-Rhône s'est livré à un examen réel et sérieux de la situation de M. B....
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., né le 15 juin 1980, est célibataire et père de deux enfants mineurs vivant auprès de leur mère, qui est en situation régulière sur le territoire national. Si l'appelant fait valoir que, par jugement du juge des affaires familiales du 21 novembre 2019, un droit de visite médiatisée à raison de deux visites par mois lui a été reconnu pour une durée de six mois, renouvelable une fois, que le compte-rendu de fin de mission réalisé par le service chargé d'assurer l'effectivité de ces visites médiatisées mentionne que " Malgré plusieurs tentatives du service Archipel auprès de Madame A..., cette dernière reste inflexible à la demande de mise en place de rencontres entre le père et ses enfants " et que sa demande tendant à ce que lui soit reconnu l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur ses deux enfants est pendante, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'un droit de visite ou l'exercice de l'autorité parentale lui ait été toujours reconnu au moment de l'édiction de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement refuser son admission au séjour au titre des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Dès lors ainsi qu'il a été dit au point 7 qu'il n'est pas établi que M. B... s'était vu reconnaître un droit de visite sur des deux enfants, au moment où le préfet a statué, il ne peut être reproché au préfet des Bouches-du-Rhône de ne pas avoir tenu compte de l'intérêt supérieur de ses enfants avant de refuser à M. B... le titre de séjour qu'il sollicitait.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".
11. Si pour justifier de sa présence en France depuis plus de dix ans, M. B... produit de très nombreuses pièces, il s'agit pour l'essentiel, des documents et ordonnances médicaux et des relevés de remboursement de la caisse primaire d'assurance maladie tandis que pour le second semestre 2021, il produit une unique pièce datée de juillet 2021 consistant en un historique de recharges téléphoniques. Par ailleurs, alors qu'il fait valoir qu'il a participé au sauvetage d'une famille confrontée à l'incendie de son domicile, il n'apporte aucune preuve de sa participation effective au sauvetage. Enfin, si l'appelant soutient qu'il souffre d'une récidive volumineuse de la maladie de Basedow, associée à une exophtalmie et qui nécessite une prise en charge sérieuse, ces éléments sont insuffisants pour regarder sa situation comme relevant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de nature à justifier que le préfet fasse usage de son pouvoir exceptionnel de régularisation. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a ni méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. B....
12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
13. Dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B... ait été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, il n'entre pas dans les prévisions des dispositions précitées de l'article L. 435-3 et ne saurait donc se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.
14. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 413-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance. ".
15. M. B... ne justifiant pas d'une durée de présence continue de dix années ni ne pouvant prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait dû saisir la commission du titre de séjour.
16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 février 2024, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 février 2024.
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N° 23MA00998