Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Association Familiale Laïque du Var " Transition " a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 14 octobre 2020 par laquelle le préfet du Var l'a informée de ce que sa candidature à l'appel à projets relatif à la mise en place d'un accueil de jour pour les femmes victimes de violences au sein du couple dans le département du Var avait été rejetée et d'annuler la décision décidant du principe de l'appel à projet.
Par un jugement n° 2003379 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 14 octobre 2020 du préfet du Var.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023, et un mémoire enregistré le 27 octobre 2023, le préfet du Var demande à la Cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- le président de la formation de jugement, qui avait préjugé l'affaire lors de l'instance de référé, ne pouvait siéger dans la formation de jugement ;
- la décision de rejet de la candidature de l'Association Familiale Laïque n'avait pas à être motivée ;
- la décision d'attribuer la subvention à l'association En Chemin n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 13 octobre 2023 et le 30 octobre 2023, l'Association Familiale Laïque du Var " Transition ", représentée par Me Taupenas, conclut à la confirmation du jugement ou, subsidiairement, à l'annulation de la décision du 14 octobre 2020, et, en tout état de cause, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.
Par une lettre en date du 21 septembre 2023, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu avant le 31 décembre 2023, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 15 octobre 2023.
Par ordonnance du 21 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Par une lettre du 1er février 2024, les parties ont été informées de ce que l'arrêt à intervenir serait susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public, tiré de ce que, dans le cas où une subvention est attribuée au lauréat d'un appel à projet, les candidats évincés sont seulement recevables à contester, par la voie du recours pour excès de pouvoir, la décision d'attribution de la subvention, leur éviction n'étant que la conséquence nécessaire de cette décision d'attribuer la subvention à un tiers.
Par un mémoire, enregistré le 6 février 2024, l'Association Familiale Laïque Transition a répondu à ce moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la circulaire DGCS / SDFEFH-B2 n° 2012-158 du 13 avril 2012 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Taupenas, pour l'Association Familiale Laïque Transition.
Connaissance prise de la note en délibéré produite pour l'Association Familiale Laïque Transition et enregistrée le 13 février 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par une circulaire du 13 avril 2012 relative au financement d'accueils de jour pour les femmes victimes de violences au sein de leur couple dans chaque département, la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale a adressé aux préfets un modèle d'appel à projets en vue de l'attribution d'une subvention pour financer, dans chaque département, la mise en place d'un accueil de jour pour les femmes victimes de violences au sein du couple. Entre 2012 et 2020, l'Association Familiale Laïque du Var a bénéficié à ce titre, chaque année, d'une subvention d'environ 34 000 euros. A la suite du " Grenelle contre les violences conjugales " qui s'est tenu en septembre 2019, l'identification de nouveaux besoins a conduit le préfet du Var, par un avis du 3 août 2020, à lancer une nouvelle procédure d'appel à projets en vue de la mise en place d'un accueil de jour pour les femmes victimes de violences au sein de leur couple, ouvrant au candidat sélectionné une subvention d'un montant de 40 000 euros. Le 8 octobre 2020, un comité de sélection a rendu son avis, qui classait première la candidature de l'association En Chemin, notée 24 sur 25. Par une lettre du 14 octobre 2020, le préfet du Var a informé l'Association Familiale Laïque, qui était depuis 2012 en charge de l'accueil de jour des femmes victimes de violences dans le département, du rejet de sa candidature. Cette association a alors saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que de la décision du 3 août 2020 décidant du principe d'un appel à projet en vue de l'attribution de la subvention. Par le jugement attaqué, dont le préfet relève appel, le tribunal administratif de Toulon, après avoir rejeté comme irrecevable la demande d'annulation de la décision du 3 août 2020, qu'il a considérée comme une mesure préparatoire, a annulé la décision du 14 octobre 2020, en estimant qu'en attribuant la subvention à l'association En Chemin au lieu de l'attribuer à l'Association Familiale Laïque, le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation.
2. Dans le cas où une subvention est attribuée au lauréat d'un appel à projet, les candidats évincés sont seulement recevables à contester, par la voie du recours pour excès de pouvoir, la décision d'attribution de la subvention, leur éviction n'étant que la conséquence nécessaire de cette décision d'attribuer la subvention à un tiers dont elle n'est pas détachable.
3. Il en résulte que la demande de première instance, qui tendait seulement à l'annulation de la lettre du 14 octobre 2020 informant l'Association Familiale Laïque du rejet de sa candidature, était irrecevable.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, le préfet du Var est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 14 octobre 2020.
5. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 2003379 du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Toulon sont annulés.
Article 2 : Les demandes auxquelles ces dispositions font droit, ainsi que le surplus des conclusions d'appel, sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Premier ministre, à l'Association Familiale Laïque Transition et à l'association En Chemin.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 12 février 2024, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 février 2024.
N° 23MA01345 2