Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 20 janvier 2020 par laquelle le président de l'université de Corse a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 10 septembre 2018, ensemble la décision du 21 avril 2020 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2000976 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions du 20 janvier 2020 et du 21 avril 2020 et a enjoint au président de l'université de Corse de réexaminer, dans un délai de quatre mois, la demande de Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2022 et le 16 février 2023, l'université de Corse Pasquale Paoli, représentée par Me Carreras Vinciguerra, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 21 octobre 2022 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé, le tribunal n'ayant pas recherché en quoi l'absence d'information du médecin de la prévention avait exercé une influence sur le sens de la décision attaquée ;
- il ne sera pas fait droit à la demande d'expertise de Mme B..., les éléments au dossier étant suffisants pour éclairer la Cour ;
- c'est à bon droit que le président de l'université n'a pas reconnu l'imputabilité au service de l'accident survenu le 10 septembre 2018 ;
- le vice de procédure accueilli par le tribunal n'a pas exercé d'influence sur le sens de la décision attaquée et n'a pas privé Mme B... d'une garantie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Lombardo, conclut à titre principal au rejet de la requête. A titre subsidiaire, elle demande à la Cour d'ordonner une expertise et d'enjoindre à l'université de Corse de réexaminer sa situation. En toute hypothèse, elle demande de mettre à la charge de l'université de Corse la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Un courrier du 15 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par ordonnance du 7 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,
- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... exerce les fonctions d'enseignant-chercheur au sein de l'université de Corse. Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 10 septembre 2018 en raison d'une crise de panique survenue sur son lieu de travail et a sollicité la reconnaissance de sa pathologie en accident de service et en maladie professionnelle. Le président de l'université de Corse Pasquale Paoli, par une décision du 20 janvier 2020, a rejeté cette demande. L'université de Corse relève appel du jugement du tribunal administratif de Bastia du 21 octobre 2022 qui a annulé cette décision ainsi que celle du 21 avril 2020 rejetant son recours gracieux, et a enjoint au président de l'université de réexaminer sa situation.
Sur la régularité du jugement :
2. Les motifs du jugement, qui a estimé que le vice de procédure accueilli avait privé Mme B... d'une garantie, permettaient de comprendre les raisons pour lesquelles le tribunal avait accueilli le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de réforme et l'université de Corse n'est par suite pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier, car insuffisamment motivé.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 18 du décret du 14 mars 1986, relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction à la date des décisions attaquées : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion ; il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43 ci-dessous. ".
4. Le tribunal a accueilli le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure, sur le fondement de l'article 18 du décret du 14 mars 1986 précité, tiré de ce que le médecin de prévention n'aurait pas été informé de la réunion de la commission de réforme appelée à se prononcer sur la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident ou d'une maladie. Il en a déduit que, nonobstant la circonstance que le médecin de prévention avait transmis son avis à cette commission, au demeurant uniquement sur la maladie professionnelle de Mme B... et non pas sur son accident, l'intéressée avait été privée d'une garantie.
5. Si l'université soutient qu'aucune forme précise n'est prévue pour informer le médecin de la prévention, que la forme écrite notamment n'est pas exigée par les textes et que la preuve de cette information peut se faire par tout moyen, elle n'apporte toutefois aucun commencement de preuve qu'une telle information aurait été donnée au médecin de la prévention. Elle ne peut utilement se prévaloir ni du fait que le médecin de la prévention n'aurait pas l'obligation de donner son avis écrit, alors au demeurant que Mme B... n'entrait pas dans les cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43, ni du fait qu'elle a sollicité l'avis d'un médecin agréé en application de l'article 19-1 alors en vigueur, dès lors qu'il s'agit là de formalités distinctes de celle prévue à l'article 18 du décret du 14 mars 1986 qui prévoit que le médecin chargé de la prévention est informé de la réunion et de son objet et peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé et présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Par suite, alors même que l'avis du médecin de la prévention émis le 4 décembre 2018 avait été transmis à la commission de réforme et que le médecin agrée avait été saisi, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la procédure de consultation de la commission de réforme était irrégulière, et que cette irrégularité a privé Mme B... d'une garantie.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'université de Corse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 20 janvier 2020 du président de l'université de Corse et la décision du 21 avril 2020 rejetant le recours gracieux de Mme B..., en tant qu'elles n'ont pas reconnu l'imputabilité au service de l'évènement survenu le 10 septembre 2018 et a enjoint au président de l'université de Corse de réexaminer la demande de Mme B... de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'évènement survenu le 10 septembre 2018, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement.
Sur frais de l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante, dans la présente instance, au titre des frais exposés par elle et non compris dans ces dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'université de Corse une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'université de Corse est rejetée.
Article 2 : L'université de Corse versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'université de Corse et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2024.
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N° 22MA03090