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17/06/2024 | FRANCE | N°23MA01968

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 17 juin 2024, 23MA01968


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nice, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 16 février 2023, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre portant la mention " membre de la famille

d'un ressortissant européen " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nice, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 16 février 2023, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre portant la mention " membre de la famille d'un ressortissant européen " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, en troisième lieu, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2301219 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2023, M. D..., représenté par Me Carrez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre portant la mention " membre de la famille d'un ressortissant européen " dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué, dont les formules sont stéréotypées, est insuffisamment motivé ;

- le tribunal administratif n'a pas répondu à ces arguments ;

- il remplit les conditions prévues par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il peut se prévaloir des articles 20 et 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant capverdien né le 3 mars 1994, a sollicité la délivrance d'un titre portant la mention " membre de la famille d'un ressortissant européen " le 9 août 2021. Par arrêté en date du 16 février 2023, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par le jugement attaqué, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Dans son mémoire, enregistré le 1er juin 2023 au greffe du tribunal administratif de Nice, M. D... a soulevé un nouveau moyen, tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué. Le jugement attaqué n'a pas analysé ce moyen, et n'y a pas répondu. Il est donc irrégulier.

4. Il y a donc lieu pour la Cour d'annuler le jugement, et d'évoquer le litige pour y statuer immédiatement.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :

5. En premier lieu, le préfet des Alpes-Maritimes a délégué sa signature à Mme B... A..., directrice de la réglementation de l'intégration et des migrations, à l'effet de signer en son nom les actes et documents relevant du domaine de compétence de la direction précitée, par un arrêté n° 2022-1023 du 14 décembre 2022, publié au recueil des actes administratifs spécial n° 290-2022 le 14 décembre 2022. M. D... n'est donc pas fondé à soutenir que la signataire de l'acte attaqué était incompétente.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

7. L'arrêté attaqué relève que M. D... " ne justifie pas exercer d'activité professionnelle en France ", " qu'il n'apporte pas non plus la preuve qu'il dispose pour lui et sa famille de ressources suffisantes ainsi que d'une assurance maladie de sorte qu'il ne puisse être considéré comme susceptible de devenir une charge pour le système d'assurance sociale ", qu'il " n'apporte pas la preuve de son inscription au sein d'un établissement d'enseignement " et qu'il " ne justifie pas être conjoint ou enfant à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne ", qu'il " ne démontre pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant européen à charge ", et que l'intéressé " se déclarant en concubinage et avec un enfant à charge, n'a produit (...) aucun élément de nature à établir qu'il aurait fixé durablement en France le centre de sa vie privée et familiale ", pour en déduire que l'intéressé ne justifie pas bénéficier d'un droit au séjour au titre des articles L. 233-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette motivation en fait et en droit satisfait aux exigences des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, entré en vigueur le 1er mai 2021, et reprenant l'ancien article 121-1 de ce code : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° Ils sont inscrits dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantissent disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour eux et pour leurs conjoints ou descendants directs à charge qui les accompagnent ou les rejoignent, afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° Ils sont le conjoint ou le descendant direct à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées au 3° ". Aux termes de l'article L. 233-2 du même code, reprenant l'alinéa 1 de l'ancien article 121-2 : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / Il en va de même pour les ressortissants de pays tiers, conjoints ou descendants directs à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées au 3° de l'article L. 233-1 ".

9. Comme le relève l'arrêté attaqué, le requérant, s'il soutient vivre en concubinage avec une ressortissante de l'Union européenne, n'a ni la qualité de conjoint, ni celle de descendant direct à charge d'un citoyen de l'Union européenne. Pour ce seul motif le préfet pouvait opposer un rejet sur le fondement des articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En quatrième lieu, M. D..., qui n'est pas citoyen de l'Union européenne, ne peut utilement invoquer les stipulations des articles 20 et 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

11. En cinquième lieu, si M. D... soutient résider en France depuis 2014, il n'établit pas le caractère habituel et continu de son séjour en France, et vivre en concubinage depuis près de quatre ans avec une ressortissante portugaise dont il a eu un enfant, les éléments produits notamment un contrat d'électricité aux deux noms, une attestation de vie commune datée de mai 2021 et une facture d'électricité ne suffisent pas à démontrer la réalité de la communauté de vie ainsi alléguée, la mère de l'enfant se bornant à attester de ce qu'il participe financièrement à l'entretien de l'enfant et indiquant, dans son attestation datant de 2023, une adresse à Vallauris, alors que les correspondances produites par M. D... font état d'une adresse située à Grasse. Par ailleurs, M. D... ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dès lors, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, et qu'elle aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En sixième lieu, pour les mêmes motifs de fait, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas, en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation, commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ce refus sur la situation personnelle de M. D....

13. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une obligation de quitter le territoire notamment, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

14. Ainsi qu'il a été dit au point 11, M. D... ne démontre pas l'intensité de ses liens avec son enfant. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

15. Il résulte de tout ce qui précède, que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté pris par le préfet des Alpes-Maritimes, le 16 février 2023 doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais de l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2301219 du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. D..., ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2024.

N° 23MA01968 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01968
Date de la décision : 17/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : CARREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-17;23ma01968 ?
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