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16/09/2024 | FRANCE | N°24MA00262

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 16 septembre 2024, 24MA00262


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La fondation Marguerite et Aimé Maeght a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions des 31 mars et 1er juillet 2021, par lesquelles le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a rejeté ses demandes d'aides présentées au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises cofinancé par l'Etat et les régions à raison des pertes d'exploitation constatées au cours des mois de janvier à mai 2021, ainsi que la décision du

4 novembre 2021, par laquelle le directeur général des finances publiques a rejeté son r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fondation Marguerite et Aimé Maeght a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions des 31 mars et 1er juillet 2021, par lesquelles le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a rejeté ses demandes d'aides présentées au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises cofinancé par l'Etat et les régions à raison des pertes d'exploitation constatées au cours des mois de janvier à mai 2021, ainsi que la décision du 4 novembre 2021, par laquelle le directeur général des finances publiques a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 2106306 du 7 décembre 2023, le tribunal administratif de Nice a fait partiellement droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 février 2024, la fondation Marguerite et Aimé Maeght, représentée par Me Vandalle, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions rejetant ses demandes d'aides au titre du fonds de solidarité à raison des pertes d'exploitation constatées au cours des mois de janvier et février 2021 ;

2°) d'annuler les décisions des 28 septembre 2021, 19 octobre 2021 et 4 novembre 2021 portant refus de sa demande d'aide au titre des mois de janvier et février 2021 ;

3°) de lui accorder le bénéfice du fonds de solidarité au titre des mois de janvier et février 2021 pour une somme de 77 120 euros ;

4°) de lui accorder la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions litigieuses sont entachées d'erreurs de droit quant aux organismes éligibles au dispositif d'aide et à la notion de chiffre d'affaires à retenir pour déterminer le quantum de l'aide attribuée dans le cadre du dispositif du fonds de solidarité régi par les dispositions du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;

- l'administration fiscale a ajouté une condition non prévue par la loi et portant sur la l'obligation d'assujettissement du chiffre d'affaires à l'impôt ;

- elle a déclaré le même chiffre d'affaires de référence et obtenu l'attribution des aides au titre des mois de décembre 2020 et de mai 2021, sans que l'administration ne trouve à y redire.

Une mise en demeure a été adressée le 23 avril 2024 au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Un courrier du 21 juin 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 22 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La fondation Marguerite et Aimé Maeght a sollicité l'aide exceptionnelle pour les mois de janvier à mai 2021 au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19. Par décisions des 31 mars et 1er juillet 2021, la direction générale des finances publiques des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à ses demandes. La fondation Marguerite et Aimé Maeght a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de ces décisions. Par le jugement du 7 décembre 2023, le tribunal administratif a annulé la décision du 1er juillet 2021, par laquelle le directeur départemental des finances publiques des Alpes Maritimes a rejeté sa demande d'aide présentée au titre du mois d'avril 2021. La fondation Marguerite et Aimé Maeght relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions rejetant ses demandes d'aides au titre du fonds de solidarité à raison des pertes d'exploitation constatées au cours des mois de janvier et février 2021.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation : " Il est institué, jusqu'au 16 février 2021, un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation (...) ". Aux termes du 1er alinéa de l'article 3 de la même ordonnance : " Un décret fixe le champ d'application du dispositif, les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides, leur montant ainsi que les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds ".

3. L'article 1er du décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation dispose que : " I.- Le fonds mentionné par l'ordonnance du 25 mars 2020 susvisée bénéficie aux personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, ci-après désignées par le mot : entreprises, remplissant les conditions suivantes : / (...) / 5° Lorsqu'elles sont constituées sous forme d'association, elles sont assujetties aux impôts commerciaux ou emploient au moins un salarié ; (...) / Dans le présent décret, la notion de chiffre d'affaires s'entend comme le chiffre d'affaires hors taxes ou, lorsque l'entreprise relève de la catégorie des bénéfices non commerciaux, comme les recettes nettes hors taxes. Pour la détermination du chiffre d'affaires ou des recettes nettes, il n'est pas tenu compte des dons et subventions perçus par les associations. Pour les propriétaires de monuments historiques visés au 5° bis du présent article, le chiffre d'affaires s'entend comme les recettes constituées par les droits d'accès perçus. ".

4. Aux termes de l'article 3-1 de l'ordonnance du 25 mars 2020 : " I. - Les aides versées au titre du fonds le sont sur la base d'éléments déclaratifs prévus par décret (...) / II. - Les documents attestant du respect des conditions d'éligibilité au fonds et du correct calcul du montant de l'aide sont conservés par le bénéficiaire pendant cinq années à compter de la date de versement de cette dernière. Les agents de la direction générale des finances publiques et les agents publics affectés dans les services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat peuvent demander à tout bénéficiaire du fonds communication de tout document relatif à son activité, notamment administratif ou comptable, permettant de justifier de son éligibilité et du correct montant de l'aide reçue pendant cinq années à compter de la date de son versement. Le bénéficiaire dispose d'un délai d'un mois pour produire ces justifications à compter de la date de la demande. (...) ".

5. Par ailleurs, selon les dispositions des articles 3-4 et 3-15 du décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, ces demandes doivent être accompagnées notamment d'une estimation du montant de perte de chiffre d'affaires de l'entreprise ou de l'association concernée. L'attribution de l'aide, fondée sur des éléments déclaratifs, ne peut ainsi être refusée que si les éléments déjà en possession de l'administration sont de nature à créer un doute sérieux quant à la véracité des déclarations de l'entreprise et à justifier une demande d'explications dans le cadre de l'instruction de la demande. Dans le cas où l'absence de perte de chiffre d'affaires serait établie après le versement de l'aide, la récupération de la subvention peut, en revanche, être réclamée.

6. Pour refuser d'accorder à la fondation Marguerite et Aimé Maeght l'aide sollicitée au titre des mois de janvier et février 2021, l'administration a estimé que le chiffre d'affaires de référence dont se prévalait la fondation n'était pas corroboré par les éléments en sa possession et ne permettait pas d'établir la réalité du montant de la perte de son activité. Elle a pris en compte le seul chiffre d'affaires déclaré dans le cadre de l'établissement de l'impôt sur les sociétés. Toutefois, ainsi que le fait valoir l'appelante, l'administration se méprend sur la notion de chiffre d'affaires à prendre en compte qui doit porter sur l'ensemble des activités exercées par les fondations ou associations que ces activités soient ou non soumises à l'impôt sur les sociétés. Il résulte des dispositions du décret du 30 mars 2020 citées au point 3 que, pour déterminer le chiffre d'affaires de référence, il n'y a pas lieu seulement de tenir compte des dons et subventions perçus par les fondations ou associations, sans qu'il soit fait référence au chiffre d'affaires servant de base d'imposition à l'impôt sur les sociétés.

7. En retenant le motif relevé au point précédent, l'administration a entaché ses décisions des 28 septembre, 19 octobre et 4 novembre 2021 portant refus de la demande d'aide sollicitée par l'appelante au titre des mois de janvier et février 2021 d'erreur de droit. Il s'ensuit que les décisions en litige sont entachées d'illégalité et doivent être annulées.

8. Il résulte de ce qui précède que la fondation Marguerite et Aimé Maeght est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 28 septembre 2021, 19 octobre 2021 et 4 novembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard au motif retenu par le présent arrêt et seul susceptible de l'être, l'exécution de cet arrêt implique seulement le réexamen des demandes de l'appelante au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises pour les mois de janvier et février 2021. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la fondation Marguerite et Aimé Maeght présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, lesquelles ne sont au demeurant pas dirigées contre une personne précisément définie.

D É C I D E :

Article 1er : Les décisions des 28 septembre 2021, 19 octobre 2021 et 4 novembre 2021 ainsi que le jugement du tribunal administratif de Nice du 7 décembre 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder au réexamen des demandes de la fondation Marguerite et Aimé Maeght au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises pour les mois de janvier et février 2021 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête de la fondation Marguerite et Aimé Maeght est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la fondation Marguerite et Aimé Maeght et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 septembre 2024.

N° 24MA00262 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00262
Date de la décision : 16/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

14-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Mesures d'incitation.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : FORVIS MAZARS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-16;24ma00262 ?
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