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16/09/2024 | FRANCE | N°24MA01332

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 16 septembre 2024, 24MA01332


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Les Travaux du Midi Provence, la société par actions simplifiée Les Travaux du Midi Var et la société à responsabilité limitée Senec ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la société par actions simplifiée Unité d'Architecture JC, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Toulon sous le n° 491 315 214, à leur verser la somme de 214 286,76 euros toutes taxes comprises en remboursement de frais supportés en vu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Les Travaux du Midi Provence, la société par actions simplifiée Les Travaux du Midi Var et la société à responsabilité limitée Senec ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la société par actions simplifiée Unité d'Architecture JC, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Toulon sous le n° 491 315 214, à leur verser la somme de 214 286,76 euros toutes taxes comprises en remboursement de frais supportés en vue de la réalisation de travaux d'isolation et d'étanchéité effectués dans le cadre d'un marché de travaux conclu avec le centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer.

Par un jugement n° 2100355 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mai 2024, et un mémoire récapitulatif enregistré le 28 août 2024, la société par actions simplifiée à associé unique Les Travaux du Midi, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Marseille sous le n° 493 275 804, venant aux droits des sociétés Les Travaux du Midi Provence et Les Travaux du Midi Var, et la société Senec, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Toulon sous le n° 679 501 155, toutes deux représentées par Me Engelhard, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la société Unité d'Architecture JC à leur verser la somme de 214 286,76 euros toutes taxes comprises ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant les dépens ainsi que la somme de 5 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur créance n'est pas prescrite ;

- leur demande indemnitaire est fondée ;

- elles ne sauraient être tenues responsables de la présence à l'instance des parties attraites par la société Unité d'Architecture JC, intimée.

Par une lettre du 17 juillet 2024, la Cour a informé les parties de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public, tiré de ce que les conclusions tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont devenues sans objet, dès lors qu'il a déjà été statué, par l'article 3 de l'arrêt n° 21MA00669 du 11 septembre 2023, sur la charge définitive des frais de l'expertise réalisée par M. A... B....

Par un mémoire, enregistré le 26 juillet 2024, la société Edeis Ingénierie, venant aux droits et obligations de la société Edeis et représentée par Me Fournier, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de la société Travaux du Midi et de la société Senec comme irrecevable ou, subsidiairement, comme infondée ;

2°) subsidiairement, de limiter le montant de la condamnation prononcée à 130 275,54 euros ;

3°) en tout état de cause, de condamner la société Les Travaux du Midi, le cabinet Brunet Saunier Architecte, la société Unité d'Architecture JC et la société Socotec Construction à la relever et garantir de toute condamnation ;

4°) de mettre à la charge de la société Les Travaux du Midi et de la société Senec la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'action des sociétés Travaux du Midi Provence, Travaux du Midi Var et Senec est prescrite ;

- les moyens invoqués par ces sociétés sont infondés ;

- subsidiairement, elle doit être garantie de toute condamnation.

Par un mémoire, enregistré le 29 juillet 2024, le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer, représenté par la SELARL Abeille et Associés, demande à la Cour de constater qu'aucune demande de condamnation n'est formulée à son encontre, et de mettre la somme de 5 000 euros à la charge des appelantes ou de toute autre succombante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucune demande n'est présentée à son encontre en appel.

Par un mémoire, enregistré le 29 juillet 2024, la société Socotec Construction, venant aux droits et aux obligations de la société Socotec France, représentée par Me Tertian, demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement attaqué et de rejeter toute conclusion présentée contre elle comme prescrite ;

2°) subsidiairement, de rejeter les conclusions dirigées contre elle comme infondées ;

3°) plus subsidiairement, de condamner solidairement la société Unité d'Architecture, la société Edeis Ingénierie, la société Les Travaux du Midi, la société Senec et le centre hospitalier intercommunal à la relever et garantir de toute condamnation ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge des sociétés Edeis Ingénierie et Unité d'Architecture JC, ainsi que de tout succombant, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'action des appelantes est prescrite ;

- sa responsabilité ne peut être engagée ;

- subsidiairement, elle doit être garantie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouillon, pour les sociétés Les Travaux du Midi et Senec, de Me Meyer, pour la société Unité d'Architecture JC, de Me Blanc, pour la société Edeis Ingénierie, et de Me Martinez, pour la société Socotec Construction.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat conclu le 9 janvier 2003, le centre hospitalier de Toulon - La Seyne-sur-Mer a confié à un groupement conjoint composé des sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC, SIRR Ingénierie, et Christine et Michel Pena SARL, la maîtrise d'œuvre d'une opération de construction de trois nouveaux bâtiments sur le site de Sainte-Musse. Avant l'achèvement des travaux, des défauts affectant le complexe d'étanchéité des toitures-terrasses de ces bâtiments ont été constatés. Ces désordres ont fait l'objet d'une reprise conformément aux préconisations d'un rapport déposé le 10 mars 2011 par un expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif. La société Travaux du Midi Provence, la société Les Travaux du Midi Var et la société Senec ont alors saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à la condamnation de la société Unité d'Architecture JC à leur rembourser, à hauteur de 214 286,76 euros toutes taxes comprises, les frais exposés dans le cadre de ces travaux de reprise. Par le jugement attaqué, dont la société Les Travaux du Midi, venant aux droits des sociétés Les Travaux du Midi Provence et Les Travaux du Midi Var, et la société Senec, relèvent appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande en estimant que la créance était infondée et prescrite.

2. L'article 2224 du code civil dispose que : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. / Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure ". Aux termes de l'article 2242 : " L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ". Aux termes de l'article 2243 : " L'interruption est non avenue (...) si sa demande est définitivement rejetée ". Aux termes de l'article 2231 du code civil : " L'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, devant le juge administratif, un requérant ne peut plus se prévaloir de l'effet interruptif attaché à sa demande lorsque celle-ci est définitivement rejetée, quel que soit le motif de ce rejet, sauf si celui-ci résulte de l'incompétence de la juridiction saisie.

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 2232 du code : " La prescription est (...) suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. / Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. ". Selon l'article 2230 du même code : " La suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru ". Il résulte de ces dispositions, qui sont applicables aux mesures d'instruction ordonnées à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la réforme, que le cours de la prescription est suspendu par l'effet d'une ordonnance de référé-instruction, jusqu'au dépôt, par l'expert, de son rapport.

4. Les travaux de reprise, dont les sociétés appelantes sollicitent le remboursement par la société Unité d'Architecture JC, ont été réalisés entre le 10 mars 2011, date à laquelle un constat des désordres à reprendre a été effectué, et le 7 décembre 2011, date à laquelle les sociétés ont présenté une demande de référé-instruction en vue d'une future action indemnitaire contre la société Unité d'Architecture JC. En application des dispositions précitées de l'article 2241 du code civil, le délai de prescription a été interrompu par cette citation en justice du maître d'œuvre. Ce délai a recommencé à courir, en application de l'article 2242 du même code, à la date du 9 octobre 2012, à laquelle une ordonnance du juge des référés a fait droit à cette demande. Ce délai a toutefois été suspendu, en application de l'article 2232 du code civil, jusqu'à la date du 20 mai 2015, à laquelle l'expert, M. B..., a rendu son rapport. Le délai de la prescription quinquennale a donc commencé à courir à cette dernière date du 20 mai 2015.

5. Par la suite, les sociétés appelantes ont, par un mémoire enregistré le 27 janvier 2020, présenté, dans le cadre du litige initié par le centre hospitalier intercommunal et opposant ce dernier aux constructeurs, une demande tendant à la condamnation de la société Unité d'Architecture JC à leur payer la somme de 214 286,76 euros en remboursement des frais exposés en vue de la reprise des désordres. Toutefois, par un arrêt n° 21MA00669 du 11 septembre 2023, devenu définitif à la suite du désistement du pourvoi n° 489358 présenté au Conseil d'Etat, la Cour a définitivement rejeté cette demande, comme soulevant un litige distinct du litige principal. Compte tenu de ce rejet, définitif, l'interruption est réputée non avenue, ce qui fait obstacle à ce que les intéressées s'en prévalent, fût-ce au profit d'une action en justice engagée avant ce rejet définitif. Il en résulte que les sociétés appelantes ne peuvent plus se prévaloir de l'effet interruptif attaché à cette demande définitivement rejetée. Le délai de la prescription quinquennale a donc expiré le 20 mai 2020. A la date d'introduction de la demande de première instance, le 15 février 2021, la créance en litige était donc prescrite.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Les Travaux du Midi et Senec ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin d'annulation et de condamnation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont quant à elles devenues sans objet, dès lors qu'il a déjà été statué, par l'article 3 de l'arrêt n° 21MA00669 du 11 septembre 2023, sur la charge définitive des frais de l'expertise réalisée par M. A... B.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge des appelantes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Les Travaux du Midi et de la société Senec est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer, de la société Edeis Ingénierie et de la société Socotec Construction tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Travaux du Midi, à la société Senec, à la société Unité d'Architecture JC, à la société Edeis Ingénierie, à la société Socotec Construction et au centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 septembre 2024.

N° 24MA01332 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01332
Date de la décision : 16/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution technique du contrat. - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. - Marchés. - Mauvaise exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : ENGELHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-16;24ma01332 ?
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