Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2305157 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2024, Mme B... A..., représentée par Me Coulet-Rocchia, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée, et de lui délivrer un autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler durant le temps de l'examen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet n'a pas fait mention dans l'arrêté en litige de son concubinage avec un ressortissant français ;
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'est seulement visé l'article " L. 511-1 " du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans que ne soit précisé le cas qui justifiait l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est privée de base légale dès lors que les dispositions de l'article " L. 511-1 I " du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec l'article 12 de la directive 2008/115/CE ;
- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas présenté d'observations en défense.
Mme B... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 décembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., de nationalité comorienne, a sollicité le 14 novembre 2022 son admission au séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 1er mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Par un jugement du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme B... A... tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme B... A... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des termes du jugement que le tribunal administratif a explicitement écarté, au point 3, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué, en ce qu'il a refusé à Mme B... A... la délivrance d'un titre de séjour. Le tribunal qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par la requérante n'a pas entaché son jugement d'irrégularité, en ne précisant pas que le défaut de mention par l'arrêté d'une communauté de vie avec son compagnon depuis novembre 2021 était, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité formelle de sa motivation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet des Bouches-du-Rhône a visé les dispositions les articles L. 423-23 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il mentionne de manière suffisamment précise les faits qui en constituent le fondement, en relevant particulièrement que Mme B... A... ne justifie pas l'ancienneté et la stabilité des liens personnels et familiaux dont elle pourrait se prévaloir, et qu'elle ne démontre pas une insertion sociale ou professionnelle significative sur le territoire. Il précise également qu'elle est mère de deux enfants de trois et six ans et qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine. Par suite, alors même que le préfet n'a pas fait référence au concubin de Mme B... A... ni à la scolarisation de ses deux enfants dans la décision contestée, le moyen tiré de ce que cette décision est insuffisamment motivée doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
5. Mme B... A... déclare être entrée en France en 2015, sans toutefois l'établir, et soutient y résider depuis cette date. Si elle se prévaut de sa vie commune avec un ressortissant français depuis novembre 2021, les preuves qu'elle produit à cet égard, constituées principalement par le bail à usage d'habitation rédigé à leurs deux noms le 27 novembre 2021, de ses avis d'impôt sur les revenus des années 2021 et 2022 libellés à l'adresse commune, de quelques courriers et de quittances de loyer à compter du mois de janvier 2023 ne permettent pas d'établir la réalité de cette communauté de vie alors qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que ses enfants sont toujours scolarisés à leur ancienne école qui est très éloignée du domicile commun invoqué et que les documents de liaison de l'école sont toujours adressés à l'ancien domicile de Mme B... A.... A supposer même que cette communauté puisse être regardée comme établie depuis quinze mois ainsi que le soutient la requérante, cette durée est récente à la date de l'arrêté en litige. Mme B... A... se prévaut également de la présence de sa sœur de nationalité française, mais elle ne produit aucun élément au dossier qui démontrerait l'existence de liens stables entre elles et n'établit d'ailleurs pas qu'elle serait dépourvue de toute fratrie dans son pays d'origine, en dépit du décès de ses parents. Ses enfants sont nés en France le 28 juin 2016 et le 5 novembre 2019 et sont scolarisés à la date de l'arrêté en litige respectivement en cours préparatoire et en classe de petite section. Aucune des pièces versées au dossier ne permet d'établir qu'ils auraient développé des liens personnels avec leurs pères respectifs ou avec des tiers, et Mme B... A... ne se prévaut d'aucun obstacle à ce que leur scolarité se poursuive normalement aux Comores. Enfin, aucune intégration sociale ou professionnelle ne ressort des pièces du dossier. Dans ces conditions, à supposer même que Mme B... A..., qui a résidé aux Comores jusqu'à l'âge de 33 ans, réside habituellement en France depuis l'année 2015 ainsi qu'elle le soutient, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent par conséquent être écartés. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision de refus de séjour sur sa situation personnelle doit également être écarté.
6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments mentionnés au point 5, qu'il n'existe aucun obstacle à ce que les enfants de Mme B... A... poursuivent leur scolarité aux Comores, pays dont ils sont ressortissants. Par suite, en l'absence de tout autre élément invoqué relatif à la situation des enfants, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui précède que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour opposée à Mme B... A... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ne peut qu'être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, antérieurement codifié à l'article L. 511-1 : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. ".
10. Le préfet des Bouches-du-Rhône a suffisamment motivé la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ainsi qu'il a été dit au point 3. Si le préfet n'a pas visé le cas de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui s'applique à la situation de Mme B... A..., il ressort sans ambigüité de cette motivation que la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise en conséquence du refus de titre de séjour ainsi que prévu au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En vertu des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision.
11. Les dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, antérieurement codifiées à l'article L. 511-1, prévoient que l'obligation de quitter le territoire français, si elle doit être motivée, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans le cas, comme en l'espèce, où un titre de séjour a été refusé à l'étranger. Ces dispositions ne sont pas incompatibles avec les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dont l'article 12 dispose que : " les décisions de retour (...) indiquent leurs motifs de fait et de droit (...) ", lesquels n'excluent pas que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français puisse se confondre avec celle du refus de titre de séjour qu'elle assortit et dont elle découle alors nécessairement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ne peut qu'être écarté.
12. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 5, le moyen tiré de ce la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de ce que cette décision serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B... A... doivent être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1 : La requête de Mme B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... A..., à Me Coulet-Rocchia et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2024.
N° 24MA003772