Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Horizon Cannes a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 18 avril 2019 par laquelle le maire de Cannes a constaté la caducité du permis de construire tacite du 13 avril 2014 dont a bénéficié la société par actions simplifiée Whiterock et qui lui a été transféré le 15 janvier 2019.
Par un jugement n° 1902866 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juillet 2023 et le 13 juin 2024, la commune de Cannes, représentée par Me Gillig, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 11 mai 2023 ;
2°) de rejeter la demande de la SARL Horizon Cannes devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge de la SARL Horizon Cannes la somme de 4 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les travaux réalisés par le bénéficiaire du permis de construire antérieurement au 13 avril 2019 ne sauraient être regardés comme de nature à interrompre le délai de péremption prévu par l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2024, la SARL Horizon Cannes, représentée par Me Vos, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Cannes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la commune de Cannes ne sont pas fondés ;
- la décision contestée a été signée par une autorité incompétente et est intervenue sans mise en œuvre de la procédure contradictoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2014-1661 du 29 décembre 2014 ;
- le décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Vienne, représentant la commune de Cannes.
Considérant ce qui suit :
1. La société Whiterock a déposé une demande de permis de construire une maison de trois niveaux, d'une surface de plancher de 373,90 m², sur la parcelle cadastrée section AT n° 82, située 42 boulevard Leader à Cannes. En l'absence de décision explicite de rejet dans le délai d'instruction expirant le 13 avril 2014, elle est devenue titulaire, à cette date, d'un permis de construire tacite. Par un arrêté du 17 mars 2017, le maire de Cannes lui a délivré un permis de construire modificatif. Par des arrêtés des 6 avril 2017 et 22 décembre 2017, le maire a prorogé deux fois pour une durée d'un an la validité de ce permis, en dernier lieu jusqu'au 13 avril 2019. Par un arrêté du 15 janvier 2019, le maire a transféré le bénéfice de ce permis de construire à la SARL Horizon Cannes, devenue propriétaire, le 14 février 2019, du terrain d'assiette du projet. Par une décision du 18 avril 2019, il a constaté la caducité du permis de construire tacite du 13 avril 2014. La commune de Cannes relève appel du jugement du 11 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance du permis de construire tacite litigieux : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue ". Aux termes de l'article R. 424-21 du même code : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être prorogé deux fois pour une durée d'un an, sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard. (...) ".
3. L'article 1er du décret du 29 décembre 2014 prolongeant le délai de validité des permis de construire, des permis d'aménager, des permis de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable a, pour les permis intervenus au plus tard le 31 décembre 2015, porté à trois ans le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme. En vertu de l'article 2 de ce même décret, cette modification s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication, soit le 30 décembre 2014. Ce délai de validité a ensuite été porté à trois ans, de façon pérenne, par le décret du 5 janvier 2016 relatif à la durée de validité des autorisations d'urbanisme et portant diverses dispositions relatives à l'application du droit des sols et à la fiscalité associée, lequel a modifié l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.
4. En application des dispositions citées aux points 2 et 3, la durée de validité du permis tacite dont la SARL Horizon Cannes est devenue titulaire courait jusqu'au 13 avril 2019. A la suite du transfert de ce permis autorisé le 15 janvier 2019, la SARL Horizon Cannes a commandé une étude géotechnique qui lui a été remise le 12 février 2019. Elle a déposé une déclaration d'ouverture de chantier datée du 22 février suivant mais reçue en mairie le 12 mars 2019. Elle justifie avoir conclu, les 27 mars et 10 avril, deux contrats portant respectivement sur une mission de BET et TCE MOE et sur une mission de coordination SPS. Elle produit copie d'un devis accepté, daté du 28 mars, relatif aux travaux de construction de la villa projetée, d'une lettre de commande, datée du 1er avril, pour des travaux de terrassement de masse et de la facture, datée du 10 avril, d'un montant de 37 152 euros, faisant état de la réalisation d'une partie des travaux mentionnés dans ce devis, à savoir la réalisation complète des travaux d'implantation, la réalisation des premiers travaux de gros œuvre portant sur les fondations, en particulier l'intégralité des terrassements, du gros béton, des fondations type agglo creux et de la semelle de liaison et 90 % des fondations de type agglos à bancher ainsi que des travaux de soubassements à proportion de 5 %. Le procès-verbal de constat, établi le 12 avril 2019 par un huissier à la demande de la SARL Horizon Cannes, accompagné de photographies, confirme la réalisation de ces travaux. Si la commune de Cannes se prévaut d'un procès-verbal de constat de commissaire de justice dressé le 7 juin 2023, selon lequel un léger décaissement est visible à l'emplacement de la maison, mais qu'aucune fondation ou élément de construction n'apparaît alors qu'un sous-sol est prévu dans la future construction, ce constat ne contredit pas la réalité des constatations relevées dans le procès-verbal du 12 avril 2019, la végétation ayant recouvert le terrain dans l'intervalle, alors, en outre, que les travaux débutés n'ont été interrompus qu'en raison de la notification de la décision attaquée constatant la caducité du permis de construire tacite du 13 avril 2014. Ainsi, le chantier avait démarré et des travaux suffisamment importants en lien avec l'opération autorisée avaient été réalisés avant le 13 avril 2019, date de l'expiration du délai de péremption du permis de construire en litige. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, le maire de Cannes a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme en estimant que ce permis de construire était caduc à cette date.
5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cannes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 18 avril 2019 par laquelle le maire de Cannes a constaté la caducité du permis de construire tacite du 13 avril 2014.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Horizon Cannes, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Cannes au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cannes une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la SARL Horizon Cannes.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Cannes est rejetée.
Article 2 : La commune de Cannes versera à la SARL Horizon Cannes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Horizon Cannes et à la commune de Cannes.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.
N° 23MA01723 2