Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Coordination Bâtiment Ltd a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2012 et 2013 et de la retenue à la source mise à sa charge au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 2105763, 2105764 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juin 2022 et 21 mars 2023, la société Coordination Bâtiment Ltd, représentée par Me Kraus, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105763, 2105764 du 17 février 2022 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses demandes de première instance n'étaient pas tardives, dès lors que les décisions de rejet de sa réclamation préalable n'ont pas été régulièrement notifiées et n'ont pas été adressées à son représentant fiscal ;
- elle est fondée à se prévaloir du paragraphe n° 180 du BOI-CTX-PREA-10-80 et du paragraphe n° 280 du BOI-CTX-PREA-10-50 du 12 septembre 2012, sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a manqué à son devoir de loyauté ;
- la procédure d'imposition est irrégulière, en l'absence de preuve de l'envoi des mises en demeure, alors qu'elle avait déposé ses déclarations de résultats, et de la notification régulière des documents de procédure, alors qu'elle avait désigné un représentant fiscal emportant élection de domicile ;
- l'administration aurait dû la mettre en garde des difficultés de notification des documents de procédure, notamment de l'avis de vérification de comptabilité, conformément aux paragraphes n° 210 et 220 BOI-CF-IOR-40 ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- la méthode retenue pour déterminer la valeur vénale de son bien est inappropriée, dès lors qu'elle n'est pas fondée sur les données du marché locatif ;
- les termes de comparaison retenus ne portent pas sur des biens intrinsèquement similaires et ne sont pas en nombre suffisant ;
- l'administration ne justifie pas du taux de rendement de 4 % ;
- l'administration a appliqué la majoration pour opposition à contrôle fiscal, alors qu'elle ne justifie pas de la réception des documents de procédure à son siège social.
Par des mémoires en défense enregistrés les 12 octobre 2022 et 11 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la société Coordination Bâtiment Ltd ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société de droit britannique Coordination Bâtiment Ltd a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle elle a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2012 et 2013, assorties des intérêts de retard et de la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts et à la retenue à la source au titre des mêmes années, assortie des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 de ce code. Elle relève appel du jugement du 17 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition (...) ". Aux termes de l'article R. 197-5 du même livre : " Tout réclamant domicilié hors de France doit faire élection de domicile en France ". Aux termes de l'article R. 198-10 de ce livre : " Le service compétent pour statuer sur une réclamation est celui à qui elle doit être adressée en application de l'article R. 190-1 (...) Les décisions de l'administration sont notifiées dans les mêmes conditions que celles prévues pour les notifications faites au cours de la procédure devant le tribunal administratif. ". Aux termes de l'article R. 199-1 dudit livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ". Aux termes de l'article R. 751-3 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, les jugements, les ordonnances et arrêts sont notifiés par les soins du greffe à toutes les parties en cause, à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) ".
4. Le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de la société Coordination Bâtiment Ltd enregistrées le 6 novembre 2020 comme tardives, au motif que sa réclamation préalable du 12 novembre 2018 a été rejetée par deux décisions du 16 janvier 2019, notifiées au lieu de son siège social au Royaume-Uni le 21 janvier 2019.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que si l'administration reconnaît ne pas disposer des accusés de réception des plis qui contenaient les décisions de rejet de la réclamation, mentionnant les voies et délais de recours, elle a produit des attestations des services postaux, qui mentionnent les numéros des deux envois distincts qui contenaient ces décisions ainsi que leur destinataire. Ces documents confirment que les plis ont été distribués le 21 janvier 2019. Sont joints en annexe de ces attestations des copies des données de suivi émanant des services postaux britanniques intitulés " proof of delivery " qui mentionnent les mêmes numéros d'envoi même si elles ne mentionnent pas l'identité de l'expéditeur et du destinataire, confirment une distribution à cette date à 10h25 et portent chacune une signature numérisée. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments précis, clairs et concordants, qui ne sont pas remis en cause par la seule absence de signature des attestations des services postaux français, il est établi que les décisions de rejet de la réclamation ont été effectivement notifiées au lieu du siège social de la société Coordination Bâtiment Ltd au Royaume-Uni le 21 janvier 2019.
6. En second lieu, il résulte de la combinaison des dispositions mentionnées aux points 2 et 3 qu'en indiquant que les décisions par lesquelles l'administration statue sur une réclamation sont notifiées dans les mêmes conditions que celles prévues pour les notifications faites au cours de la procédure devant le tribunal administratif, l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales a entendu renvoyer aux dispositions du code de justice administrative qui régissent la notification des décisions clôturant l'instance. Il suit de là que le délai de recours devant le tribunal administratif ne court qu'à compter du jour où la notification de la décision de l'administration statuant sur la réclamation du contribuable a été faite au contribuable lui-même, à son domicile réel, alors même que cette réclamation aurait été présentée par l'intermédiaire d'un mandataire. Par ailleurs, la circonstance que le contribuable, résidant à l'étranger, a élu domicile auprès d'un mandataire établi en France, conformément aux dispositions de l'article R. 197-5 du livre des procédures fiscales est, en l'absence de dispositions contraires, sans incidence sur l'application de cette règle.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Coordination Bâtiment Ltd n'est pas fondée à soutenir que la notification des décisions de rejet de sa réclamation au lieu de son siège social n'a pas fait courir le délai de recours et que ce délai n'aurait pu être déclenché qu'à la suite de la notification de ces décisions à son avocat, mandataire chez qui elle aurait élu domicile. Par suite, dès lors que les décisions du 16 janvier 2019 de rejet de la réclamation de la société Coordination Bâtiment Ltd du 12 novembre 2018 ont été régulièrement notifiées au lieu du siège social au Royaume-Uni le 21 janvier 2019, le tribunal administratif de Nice n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en jugeant que les demandes de la société Coordination Bâtiment Ltd enregistrées le 6 novembre 2020 étaient irrecevables comme tardives.
8. A cet égard, l'administration ayant fait une correcte application des textes en vigueur, la société Coordination Bâtiment Ltd n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que l'administration aurait manqué à son devoir de loyauté en ne notifiant pas les décisions de rejet de la réclamation préalable à son conseil.
9. Par ailleurs, la société Coordination Bâtiment Ltd n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, de l'interprétation administrative mentionnée au paragraphe n° 180 du BOI-CTX-PREA-10-80 et au paragraphe n° 280 du BOI-CTX-PREA-10-50 du 12 septembre 2012, dès lors que ces instructions, concernant la procédure contentieuse, ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens des articles précités du livre des procédures fiscales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Coordination Bâtiment Ltd n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Coordination Bâtiment Ltd demande au titre des frais qu'elle a exposés.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de la société Coordination Bâtiment Ltd est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Coordination Bâtiment Ltd et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.
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N° 22MA01691