Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Yacht Club International Saint-Laurent du Var a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2013.
Par un jugement n° 1902323 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 août 2022, la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var, représentée par Me Sollberger, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902323 du 16 juin 2022 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dès lors qu'elle agissait en tant qu'intermédiaire transparent, elle n'était pas redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur les loyers facturés mais sur le montant des commissions facturées aux associés amodiataires ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Yacht Club International Saint-Laurent du Var a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 19 juin 2014 lui a été notifiée. Au terme de la procédure, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2013, assortis des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré au titre de l'année 2011. La société Yacht Club International Saint-Laurent du Var relève appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire (...) IV. 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II (...) sont considérés comme des prestations de services (...) V. L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : a. Pour (...) les prestations de services (...), par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers (...) ; / (...) b. Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : Opérations réalisées par un intermédiaire mentionné au V de l'article 256 (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'intermédiaire agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée à raison du montant total de l'opération incluant sa commission, au taux correspondant aux produits et services qu'il est dans ce cas réputé avoir personnellement acquis et livrés ou reçus et fournis. A l'inverse, l'intermédiaire agissant au nom et pour le compte d'autrui est soumis à la taxe sur la valeur ajoutée à raison des seules sommes perçues en contrepartie de la prestation d'entremise qu'il assure, au taux de droit commun correspondant à cette dernière, indépendamment du taux applicable aux produits ou services faisant l'objet de la prestation d'entremise.
4. La société Yacht Club International Saint-Laurent du Var exploite le A... dans les Alpes-Maritimes, dans le cadre d'un traité de concession conclu avec cette commune en 1975, la métropole Nice-Côte d'Azur étant devenue l'autorité concédante en 2012. Elle procède notamment à la location des anneaux d'amarrage pour le compte des associés-amodiataires qui en ont la jouissance non exclusive et encaisse les revenus correspondants des plaisanciers de passage pour ensuite les reverser aux amodiataires après déduction d'une commission. Au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2013, la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var a déclaré la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur le montant de ces commissions. L'administration a toutefois estimé que les encaissements reçus des plaisanciers devaient être imposés à la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal au même titre que les commissions d'intermédiaire prélevées sur les reversements faits aux associés. Elle a ainsi procédé à la rectification correspondante, sous déduction de la part déjà imposée et déclarée au titre des commissions. La société Yacht Club International Saint-Laurent du Var conteste le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle est un intermédiaire agissant au nom et pour le compte d'autrui et soumis à la taxe sur la valeur ajoutée à raison des seules sommes perçues en contrepartie de la prestation d'entremise, et non pas un intermédiaire agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui et soumis à la taxe sur la valeur ajoutée à raison du montant total de l'opération incluant sa commission.
5. Il résulte de l'instruction que les conditions de location des anneaux d'amarrage du port de plaisance de Saint-Laurent du Var sont déterminées par le règlement intérieur du port, dont il est constant qu'il rappelle qu'en application du cahier des charges de la concession, la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var a compétence exclusive pour accorder des contrats d'amodiation et toute autorisation d'occupation domaniale, et par des contrats d'amodiation d'un poste de mouillage et d'amarrage souscrits avec les associés amodiataires, tels que celui produit par la requérante. Ces contrats stipulent en leur article 3.3 : " En l'absence préalablement déclarée de l'amodiataire, le poste pourra faire l'objet d'une location par l'entremise exclusive du concessionnaire (...). Cette location est au bénéfice de l'amodiataire, moyennant le versement de frais de gestion au concessionnaire. Cette location ne pourra être autorisée qu'aux conditions ci-après (...) : - accord préalable écrit du concessionnaire sur la base d'un document type approuvé par l'autorité concédante, - application du tarif conforme au barème des redevance d'usage des installations, - nécessité pour l'amodiataire d'être à jour de l'ensemble des sommes dues (...), - obligation pour l'amodiataire de demeurer seul responsable vis-à-vis du concessionnaire du respect de l'ensemble des obligations prévues par le présent contrat (...) ". Ils stipulent en leur article 3.4 : " Toutefois, en application du cahier des charges de la concession et de ses avenants, le concessionnaire pourra mettre le poste de mouillage et d'amarrage à titre précaire et immédiatement révocable à la disposition des usagers, dans le cas d'une absence non déclarée, suffisamment prolongée de l'amodiataire, sans que celui-ci puisse prétendre aux revenus de la location dans les conditions susvisées ".
6. Ainsi, en cas d'absence non déclarée suffisamment prolongée de l'amodiataire, le concessionnaire peut mettre le poste de mouillage et d'amarrage à titre précaire et immédiatement révocable à la disposition des usagers sans que l'amodiataire puisse prétendre aux revenus de la location, et lorsque l'amodiataire a prévenu à l'avance le concessionnaire de son absence, ce dernier, qui y aura amarré d'autres navires, reversera au premier le produit de la location, déduction faite d'une commission destinée à couvrir les frais de gestion. A cet égard, si la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var fait valoir que l'ensemble des locations en litige ont été réalisées en application de l'article 3.3 du contrat d'amodiation et jamais sur le fondement de son article 3.4, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations qu'elle seule est en mesure d'apporter, de nature à établir que les amodiataires l'auraient avertie de manière systématique de la disponibilité de leurs postes d'amarrage et que le produit des locations auprès de plaisanciers de passage aurait systématiquement été reversé aux amodiataires après déduction de sa commission. Cette circonstance ne résulte pas de la seule production d'un relevé d'identité bancaire établi à son nom correspondant selon elle à un compte spécifique de maniement de fonds pour le compte de tiers et d'un unique relevé de compte de revenus locatifs d'un amodiataire au titre de l'année 2012 portant sur un emplacement et faisant état du prélèvement d'une commission. Par ailleurs, il n'est pas contesté, ainsi que le mentionne la proposition de rectification, que les factures de location des emplacements de bateaux établies par la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var concessionnaire, ne faisaient pas apparaître l'identité ou l'adresse de l'amodiataire et se bornaient à faire référence en 2011 aux dimensions et au nom du bateau du locataire, en mentionnant d'ailleurs expressément une taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total, et, à compter de l'année 2012, à des numéros de contrat et d'emplacement. Enfin, ni le caractère notoire vis-à-vis des locataires de la qualité d'intermédiaire de la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var chargée de la gestion des anneaux, ni leur connaissance du rôle d'intermédiaire de la capitainerie, qui permettent seulement de tenir pour établie la qualité d'intermédiaire, ne sont de nature à démontrer les conditions dans lesquelles cette intermédiation a été réalisée.
7. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que, eu égard notamment aux stipulations contractuelles applicables et aux factures en litige, la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var n'est pas fondée à soutenir qu'elle devrait être regardée comme présentant la qualité d'un intermédiaire agissant au nom et pour le compte d'autrui, sans qu'elle puisse ainsi en tout état de cause utilement se prévaloir de l'article 1984 du code civil et sans qu'ait d'incidence sur l'appréciation de sa qualité d'intermédiaire n'agissant pas au nom et pour le compte d'autrui dans son activité de location des postes d'amarrage et de mouillage aux plaisanciers non amodiataires, la circonstance qu'elle ne dispose d'aucun droit de propriété ou de jouissance sur ces postes appartenant au domaine public maritime. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre motif invoqué par l'administration au titre de l'année 2011, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée devait être constituée par le montant total des locations et non seulement par la commission perçue par la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var.
Sur les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
9. L'administration a appliqué la majoration pour manquement délibéré au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, au motif que la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total des locations était expressément mentionnée sur les factures à l'intention des locataires, leur ouvrant la possibilité de la déduire, et que cette taxe représentait près de 18 % de la taxe sur la valeur ajoutée nette due de l'année, concernant plusieurs dizaines de factures, sans que la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var n'ait procédé à aucune régularisation. Si la requérante fait valoir que la taxe sur la valeur ajoutée facturée aurait en réalité été reversée aux amodiataires qui n'ont en tout état de cause pas pu la déduire, dès lors qu'ils n'étaient pas assujettis, elle n'apporte aucun élément qu'elle seule est en mesure d'apporter à l'appui de ses allégations, pas plus qu'à l'appui de ses affirmations selon lesquelles elle aurait commis une erreur involontaire en confondant le montant de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures et le montant des commissions prélevées. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve qui lui incombe que la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var ne pouvait ignorer qu'elle éludait le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée pour des montants importants et de manière régulière et justifie par suite du bien-fondé de l'application de la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var demande au titre des frais qu'elle a exposés.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de la société Yacht Club International Saint-Laurent du Var est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Yacht Club International Saint-Laurent du Var et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.
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N° 22MA02226