Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI La Buscade a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2016 au 30 juin 2017, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement no 2002550 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a déchargé la SCI La Buscade de la majoration de 40% pour manquement délibéré et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2021, la SCI La Buscade, représentée par la SELARL MCL avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 26 septembre 2022 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2016 au 30 juin 2017 ;
3°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale s'est référée à une réponse ministérielle qui ne pouvait servir de base légale à l'imposition ;
- elle ne pouvait être imposée sur la totalité du prix de cession des terrains à bâtir compte tenu de la jurisprudence en vigueur ;
- les parcelles qu'elle a acquises constituaient des terrains à bâtir au sens du 1° du 2. du I. de l'article 257 du code général des impôts ;
- elles ont fait seulement l'objet d'une division parcellaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SCI La Buscade ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont régulièrement été averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI La Buscade, qui constituait une société civile de construction-vente, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au terme duquel, par une proposition de rectification du 17 juillet 2019, l'administration fiscale a remis en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge dont elle avait entendu bénéficier au titre de la cession de deux terrains à bâtir, les 5 décembre 2016 et 3 mai 2017. La SCI La Buscade fait appel du jugement du 26 septembre 2022 du tribunal administratif de Toulon en tant que celui-ci, après l'avoir déchargée de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des droits rappelés.
2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Le 2. du I. prévoit, au 1°, que sont considérés " comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ". En vertu du 2 du b. de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction alors applicable, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir ou d'une opération mentionnée au 2° du 5 de l'article 261 pour laquelle a été formulée l'option prévue au 5° bis de l'article 260,, si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".
3. Par son ordonnance du 10 février 2022, réf. C-191/21, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir, mais qu'il n'exclut pas l'application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots.
4. Il résulte des dispositions citées au point 2, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.
5. La SCI La Buscade a acquis le 4 avril 2016 une villa à usage d'habitation à Sainte-Maxime, sise sur les parcelles cadastrées section AF nos 534 et 668. Elle a regroupé ces deux parcelles en une seule, qu'elle a ensuite divisée en trois nouvelles parcelles cadastrées section AF nos 1189, 1190 et 1191. Elle a cédé la parcelle n° 1189, sur laquelle la villa est édifiée, le 26 septembre 2016. Elle a cédé les parcelles nos 1190 et 1191 comme terrains à bâtir, les 5 décembre 2016 et 3 mai 2017, en optant pour la taxation sur marge dans les conditions prévues par l'article 268 du code général des impôts. L'administration fiscale a remis en cause l'application de ce régime pour soumettre la totalité du prix de cession des deux parcelles à la taxe sur la valeur ajoutée.
6. En premier lieu, pour fonder les rappels en litige, l'administration fiscale s'est fondée sur le I de l'article 256, le I de l'article 257, le 2 du b. de l'article 266 et l'article 268 du code général des impôts, et non sur les réponses ministérielles Vogel n° 04171 publiée au Journal officiel du Sénat du 17 mai 2018 et Grau n° 4071 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 12 juin 2018. Au demeurant les réponses ministérielles précitées ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle donnée ci-dessus.
7. En deuxième lieu, la SCI La Buscade n'est pas fondée à invoquer des arrêts de cours administratives d'appel au demeurant postérieurs aux opérations en litige pour faire valoir qu'une interprétation différente de celle qui résulte notamment de la jurisprudence de la Cour de justice devrait être donnée aux dispositions citées au point 2.
8. En troisième lieu, les parcelles acquises par la SCI La Buscade le 4 avril 2016 constituaient, ainsi qu'il a été dit, le terrain d'assiette d'une villa. L'acquisition a été exonérée de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 1° du 5 de l'article 261 du code général des impôts, qui porte sur les livraisons de terrains qui ne sont pas des terrains à bâtir. Par suite, et alors même que les parcelles auraient été constructibles au sens du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts, elles revêtaient le caractère d'un terrain bâti, ce qui exclut nécessairement la qualification de terrain à bâtir.
9. En quatrième lieu, conformément à ce qu'à retenu la Cour de justice par l'ordonnance citée au point 3, la circonstance qu'un terrain soit acquis bâti, avant de devenir un terrain à bâtir, exclut l'application du régime de taxation sur la marge à l'opération de livraison. Par suite, la SCI La Buscade ne peut utilement faire valoir que la division parcellaire qu'elle a réalisée n'aurait pas exclu la taxation sur la marge, dès lors que cette division n'a pas porté sur des parcelles acquises comme terrains à bâtir.
10. Il résulte de ce qui précède que la SCI La Buscade n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2016 au 30 juin 2017. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI La Buscade est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Buscade et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président-assesseur,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
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No 22MA02864