Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 12 juillet 2023 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé leur admission au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de ces mesures d'éloignement.
Par un jugement n° 2309681 et 2309726 du 12 janvier 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 24MA01215 le 13 mai 2024 et le 21 août 2024, M et Mme C..., représentés par Me Carmier, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 janvier 2024 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler les arrêtés du 12 juillet 2023 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé leur admission au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de ces mesures d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de leur délivrer un certificat de résident algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Carmier renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés litigieux sont entachés d'un défaut d'examen particulier de leur situation ;
- les décisions portant refus de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien ainsi que les dispositions des articles L. 423-23 et R. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu son pouvoir de régularisation ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- les mesures d'éloignement sont illégales par voie d'exception de l'illégalité des refus de séjour ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- les décisions fixant le pays de destination des mesures d'éloignement sont illégales par voie d'exception de l'illégalité des mesures d'éloignement.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 juin 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Mme C... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille ;
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 24MA01537 le 13 juin 2024 et le 21 août 2024, M et Mme C..., représentés par Me Carmier, demandent à la Cour :
1°) de suspendre l'exécution du jugement du 12 janvier 2024 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que leur conseil renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
- Les mesures d'éloignement contestées emportent des conséquences difficilement réparables, dès lors qu'elles auraient pour effet de séparer les requérants d'une de leurs filles ;
- les décisions contestées sont entachées d'un défaut d'examen particulier de leurs situations ;
- elles méconnaissent l'article 6-5) de l'accord franco-algérien ;
- le préfet aurait dû faire usage de son pouvoir discrétionnaire ;
- les décisions en litige méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elles sont illégales par voie d'exception de l'illégalité du refus de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est illégalité, par voie d'exception de l'illégalité des mesures d'éloignement.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 juin 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les requérants n'établissent pas que le jugement attaqué emporterait des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Mme C... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dyèvre, rapporteure,
- et les observations de Me Carmier, représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants algériens, ont sollicité les 9 et 22 mars 2023 leur admission au séjour sur le fondement de la vie privée et familiale. Par deux arrêtés du 12 juillet 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de ces mesures d'éloignement. Par un jugement du 12 janvier 2024, le tribunal administratif, après les avoir jointes, a rejeté les requêtes présentées par M. et Mme C... tendant à l'annulation de ces arrêtés. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 12 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 12 juillet 2023 et demandent à la Cour d'ordonner la suspension de l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes n° 24MA01215 et 24MA01537, présentées par M. et Mme C..., sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt.
Sur les conclusions de la requête n° 24MA01215 tendant à l'annulation du jugement attaqué :
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier ainsi que des termes motivant les arrêtés contestés que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation des requérants.
S'agissant des décisions portant refus de séjour
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
5. M. et Mme C... soutiennent être entrés en France en 2017 et y résider continument depuis. Toutefois, les éléments produits qui consistent en la production de divers documents administratifs tels que des relevés de comptes, quelques quittances de loyers, des factures et quelques ordonnances médicales ne permettent pas d'établir que les appelants auraient fixé le centre de leurs intérêts privés et familiaux en France ou qu'ils auraient tissé des liens suffisamment anciens et stables sur le territoire. Si M. et Mme C... se prévalent de la scolarisation de leurs deux filles depuis leur entrée en France, de l'engagement bénévole de Mme C... auprès du Secours Populaire depuis août 2020 ainsi que de l'emploi occupé par M. C... depuis mai 2022, ces éléments au demeurant récents et peu détaillés ne démontrent pas une insertion sociale et professionnelle particulière en France. Enfin, les intéressés, qui ont vécu hors de France jusqu'à l'âge de 39 ans pour M. C... et de 43 ans pour Mme C..., ne justifient pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France des intéressés, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés du 12 juillet 2023 auraient porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquelles ils ont été pris et qu'ils auraient ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Mme et M. C... ne peuvent utilement invoquer les dispositions des articles L. 423-23 et R. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle et les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés.
7. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
8. Compte tenu des éléments rappelés au point 5, M. et Mme C... n'établissent pas qu'en s'abstenant de faire usage de son pouvoir général de régularisation, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, laquelle ne justifie pas une admission au séjour en raison de considérations humanitaires ou au regard de motifs exceptionnels.
9. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. M. et Mme C... soutiennent que les arrêtés contestés portent atteinte à l'unité de leur famille et méconnaît l'intérêt supérieur de leurs deux filles. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les enfants des appelants, âgées respectivement de 18 et 15 ans à la date des arrêtés contestés, sont de nationalité algérienne et ont vécu dans ce pays jusqu'à l'âge de 11 ans pour l'aînée et 9 ans pour la cadette. Bien que scolarisées sur le territoire français depuis l'année 2017, rien ne démontre qu'elles sont dépourvues d'attaches quant à leur pays d'origine dans la mesure où leurs deux parents résident en situation irrégulière sur le territoire français et que la cellule familiale a vocation à se reformer dans leur pays d'origine. Les arrêtés attaqués n'ont ni pour objet, ni pour effet de les priver de la possibilité de suivre une scolarité ou de les séparer de leurs parents. Si l'aînée a obtenu un titre de séjour mention " étudiant ", délivré le 4 octobre 2023, cette dernière étant majeure à la date des arrêtés en litige, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir à son égard d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à arguer de la violation de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
S'agissant des mesures portant obligation de quitter le territoire français
11. Il résulte de ce qui a été précédemment exposé aux points 3 à 10 que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour, pour soutenir que les décisions portant éloignement seraient elles-mêmes illégales.
12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, les moyens tirés de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire sont entachées d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation de la gravité de ses conséquences sur la situation A... et Mme C... doivent être écartés.
13. Ainsi qu'il a été dit au point 10, le moyen tiré de ce que les décisions en litige porteraient atteinte à l'intérêt supérieur des enfants A... et Mme C... en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ne peut qu'être écarté.
S'agissant des décisions fixant le pays de destination des mesures d'éloignement
14. Il résulte de ce qui a été précédemment exposé aux points 11 à 13 que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des mesures d'éloignement, pour soutenir que les décisions fixant le pays de destination de ces mesures seraient elles-mêmes illégales.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les conclusions de la requête 24MA01537 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué :
16. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 12 janvier 2024 du tribunal administratif de Marseille. Il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête, enregistrée sous le n° 24MA01537 A... et Mme C... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de suspension du jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2024 de la requête 24MA01537.
Article 2 : La requête n° 24MA01215 présentée par M. et Mme C... et le surplus des conclusions de la requête 24MA01537 sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et Mme B... C..., à Me Carmier et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- Mme Dyèvre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024.
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N° 24MA01215, 24MA01537