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14/10/2024 | FRANCE | N°24MA00901

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 14 octobre 2024, 24MA00901


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait interdiction d'exercer pour une durée de dix ans les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport, et l'arrêté du même jour par lequel ce préfet lui a fait interdiction d'exercer pour une durée de dix ans toutes fonctions auprès de mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de

l'action sociale et des familles.



Par un jugement nos 2101506 - 2101507 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait interdiction d'exercer pour une durée de dix ans les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport, et l'arrêté du même jour par lequel ce préfet lui a fait interdiction d'exercer pour une durée de dix ans toutes fonctions auprès de mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles.

Par un jugement nos 2101506 - 2101507 du 14 mars 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2024, M. D..., représenté par Me Bellais, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2020-564 du 2 septembre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a interdit d'exercer pendant dix ans quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-1 du code de l'action sociale et des familles ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il justifie d'un intérêt pour agir contre la mesure d'interdiction dont il a fait l'objet ;

- sa demande de première instance n'est pas tardive ;

- la mesure d'interdiction ne pouvait se fonder sur des condamnations réputées non avenues ;

- l'arrêté préfectoral n° 2020/75 a été pris à tort sans consultation du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative, l'urgence n'étant pas constituée ;

- il fait l'objet d'un suivi psychologique et n'est pas dangereux ;

- il n'a pas gardé le silence pendant l'enquête administrative ;

- son absence lors de la séance du 9 juillet 2020 n'était pas de son fait ;

- le conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative s'est prononcé au vu d'un rapport à charge.

Par un mémoire, enregistré le 23 septembre 2024, la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques conclut au rejet de la requête d'appel en soutenant que les moyens présentés à son soutien sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code du sport ;

- le décret n° 2006-665 du 7 juin 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Bellais pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Bonneville en date du 20 août 2015, confirmé par la cour d'appel de Chambéry le 2 mars 2016, M. D..., titulaire d'un brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et des sports mention " activités gymniques de la forme et de la force ", a été condamné pour des faits d'exhibition sexuelle à une peine de huit mois de prison avec sursis assorti d'une interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs pendant une durée de quatre ans. Par une décision du 29 janvier 2020, le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait interdiction, à titre conservatoire et pour une durée de six mois, d'une part, d'exercer les fonctions prévues à l'article L. 212-1 du code du sport et, d'autre part, d'exercer toutes fonctions auprès de mineurs. Par deux arrêtés en date du 2 septembre 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a prononcé à son encontre, d'une part, une interdiction d'exercer pendant une durée de dix ans les fonctions prévues à l'article L. 212-1 du code du sport et, d'autre part, une interdiction d'exercer, pendant la même durée, toutes fonctions auprès de mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles. Par deux requêtes distinctes, M. D... a saisi le tribunal administratif de Nice de demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice, après avoir joint ces deux requêtes, les a toutes deux rejetées. M. D... relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2020-564 du 2 septembre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a interdit d'exercer pendant dix ans quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-1 du code de l'action sociale et des familles.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le cadre juridique :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 227-1 du code de l'action sociale et des familles : " Tout mineur accueilli hors du domicile de ses parents (...) est placé sous la protection des autorités publiques (...) ". Aux termes de l'article L. 227-4 du même code : " La protection des mineurs, dès leur inscription dans un établissement scolaire en application de l'article L. 113-1 du code de l'éducation qui bénéficient hors du domicile parental, à l'occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs, d'un mode d'accueil collectif à caractère éducatif entrant dans une des catégories fixées par décret en Conseil d'Etat, est confiée au représentant de l'Etat dans le département (...) ". Et aux termes de l'article L. 227-10 dudit code : " Après avis de la commission départementale compétente en matière de jeunesse et de sport, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer à l'encontre de toute personne dont la participation à un accueil de mineurs mentionné à l'article L. 227-4 ou à l'organisation d'un tel accueil présenterait des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs mentionnés à l'article L. 227-4, ainsi que de toute personne qui est sous le coup d'une mesure de suspension ou d'interdiction d'exercer prise en application de l'article L. 212-13 du code du sport, l'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une fonction particulière ou quelque fonction que ce soit auprès de ces mineurs, ou d'exploiter des locaux les accueillant ou de participer à l'organisation des accueils. En cas d'urgence, le représentant de l'Etat dans le département peut, sans consultation de ladite commission, prendre une mesure de suspension d'exercice à l'égard des personnes mentionnées à l'alinéa précédent. A... mesure est limitée à six mois. Dans le cas où l'intéressé fait l'objet de poursuites pénales, la mesure de suspension s'applique jusqu'à l'intervention d'une décision définitive rendue par la juridiction compétente ". Ces dispositions permettent à l'autorité administrative, pour assurer la protection des mineurs bénéficiant d'un mode d'accueil collectif à caractère éducatif hors du domicile parental à l'occasion des vacances ou des loisirs, de prononcer une mesure d'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une fonction particulière ou quelque fonction que ce soit auprès de ces mineurs, ou d'exploiter des locaux les accueillant ou de participer à l'organisation des accueils, lorsqu'il existe " des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale " de ces mineurs.

3. D'autre part, aux termes de l'article 132-35 du code pénal : " La condamnation pour crime ou délit assortie du sursis simple est réputée non avenue si le condamné qui en bénéficie n'a pas commis, dans le délai de cinq ans à compter de celle-ci, un crime ou un délit de droit commun suivi d'une nouvelle condamnation ayant ordonné la révocation totale du sursis (...) ". Aux termes de l'article 775 du code de procédure pénale : " Le bulletin n° 2 est le relevé des fiches du casier judiciaire applicables à la même personne, à l'exclusion de celles concernant les décisions suivantes : (...) 4° Les condamnations assorties du bénéfice du sursis, avec ou sans mise à l'épreuve, lorsqu'elles doivent être considérées comme non avenues (...) ".

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté :

4. En premier lieu, d'une part, si le jugement correctionnel rendu le 20 août 2015 par le tribunal de grande instance de Bonneville, confirmé par la cour d'appel de Chambéry le 2 mars 2016, a infligé à M. D... une peine de huit mois de prison avec sursis, il a assorti cette condamnation d'une peine complémentaire lui interdisant d'exercer " toute activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ". A... dernière peine, n'étant pas assortie de sursis, n'était donc pas réputée non avenue. Dès lors, en visant cette peine complémentaire dans sa décision, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pu méconnaître les dispositions précitées du code pénal. D'autre part, aucun principe ne s'oppose à ce qu'une mesure de police administrative se fonde sur des faits ayant donné lieu à une condamnation pénale, alors même que cette condamnation aurait ultérieurement été réputée non avenue par application des dispositions précitées de l'article 132-35 du code pénal.

5. En deuxième lieu, si l'arrêté attaqué rappelle, dans son sixième considérant, que M. D... a fait l'objet le 29 janvier 2020 d'une mesure d'interdiction à titre conservatoire, ce simple rappel ne constitue pas un motif de l'arrêté attaqué. A... décision du 29 janvier 2020 ne constituant pas la base légale de l'arrêté attaqué, la circonstance qu'elle aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 2 septembre 2020, qui est seul en litige.

6. En troisième lieu, si M. D... soutient que les faits qui lui ont été reprochés, qui datent du mois de mai 2015, n'ont été ni précédés ni suivis de faits semblables, l'expertise psychiatrique réalisée sur M. D..., et qu'il ne conteste pas utilement, retient qu'il souffre d'une " perversion sexuelle (...) qui présentait un état de dangerosité au sens criminologique du terme ". Si le docteur C..., médecin psychiatre, a conclu dans un rapport du 2 mars 2021, postérieur à l'acte attaqué, que " les éléments que j'ai recueillis me permettent d'assurer que les faits qui lui sont reprochés ne sont que l'expression d'un trouble prépsychotique et non celle d'un sujet intelligent pervers et manipulateur " et que ces faits " ne sont [que des] tentatives maladroites pour éviter cette décompensation psychotique ", cette analyse, peu circonstanciée, n'est pas de nature à contredire le caractère de dangerosité de M. D....

7. En quatrième lieu, M. D... ne critique pas sérieusement l'exactitude du motif tiré du " silence qu'[il] a gardé durant l'enquête administrative face aux sollicitations de l'administration, qui avaient pour finalité d'évaluer si l'intéressé présentait encore un danger dans l'exercice de sa profession auprès d'un public mineur, féminin ou fragile notamment ". A ce titre, il ne peut faire grief à l'administration de ne l'avoir pas spécifiquement invité à se soumettre à des examens médicaux, et d'avoir attendu de lui qu'il justifie de son innocuité, en considérant que l'absence de condamnation pendant la période d'interdiction judiciaire ne suffisait pas à remettre en cause la dangerosité de son comportement.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 28 du décret du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions administratives : " Il est institué, dans chaque département (...) : 1° Le conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative ". Et aux termes de son article 29 : " I. - Le conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative (...) émet les avis prévus aux articles L. 227-10 et L. 227-11 du code de l'action sociale et des familles et à l'article L. 212-13 du code du sport (...) ".

9. Si M. D... soutient que l'arrêté attaqué ne pouvait lui faire grief de ne pas s'être présenté à la séance du 9 juillet 2020, dès lors qu'il a été empêché de s'y rendre, il n'établit pas avoir été dans l'impossibilité matérielle de se rendre à cette séance, à laquelle son conseil a pu assister.

10. En sixième lieu, M. D... soutient que le conseil départemental s'est prononcé au vu d'un rapport à charge. Toutefois, rien n'imposait que le rapport adressé au conseil comportât le questionnaire qu'il avait renseigné, et rien n'interdisait qu'il comportât la copie des décisions pénales qui permettaient d'établir les faits qui lui étaient imputés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2020. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et à la ministre du travail et de l'emploi.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 octobre 2024.

N° 24MA00901 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00901
Date de la décision : 14/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-04-02 Professions, charges et offices. - Discipline professionnelle. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : BELLAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-14;24ma00901 ?
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