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17/10/2024 | FRANCE | N°22MA02917

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 17 octobre 2024, 22MA02917


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Combined Property Home Ltd a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2016 à 2018.



Par un jugement n° 2002562 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 no

vembre 2022, 16 mai 2023 et 8 février 2024, la société Combined Property Home Ltd, représentée par Me Losappio, demande à la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Combined Property Home Ltd a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2016 à 2018.

Par un jugement n° 2002562 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 novembre 2022, 16 mai 2023 et 8 février 2024, la société Combined Property Home Ltd, représentée par Me Losappio, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002562 du 26 septembre 2022 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de prononcer la décharge ou la réduction des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ainsi que le prévoient ses statuts, son objet social se limite à la mise à disposition gratuite de ses associés du bien immobilier ;

- la forme de société civile n'existe pas au Royaume-Uni ;

- le montant des recettes à réintégrer devrait être limité au montant de ses déficits résultant de ses charges enregistrées en comptabilité, aboutissant à un résultat nul, ou à titre subsidiaire, à un montant égal à 5 % des charges suivant une méthode des coûts majorés adaptée à la gestion du patrimoine privé des particuliers voire à une réintégration égale à 10 % des coûts.

Par des mémoires en défense enregistrés les 18 avril 2023, 26 septembre 2023 et 21 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société Combined Property Home Ltd ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du Royaume-Uni, de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôt sur le revenu et sur les gains du capital signée le 19 janvier 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit britannique Combined Property Home Ltd est propriétaire d'un bien immobilier à usage d'habitation situé à Saint-Tropez, composé de trois parcelles dominant la mer d'une superficie totale de 22 000 m² et comprenant deux maisons de 462 m² et 100 m², qu'elle met à la disposition gratuite de ses associés. Elle a déposé des déclarations de résultats au titre des exercices 2016, 2017 et 2018 comprenant chacune une réintégration extra-comptable de 540 000 euros, correspondant à la valeur locative annuelle du bien immobilier. Elle relève appel du jugement du 26 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'impôt sur les sociétés dû au titre de ces exercices résultant de ces réintégrations.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 206 du code général des impôts : " (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée (...) et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ". Aux termes du I de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45,53 A à 57, 108 à 117, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Aux termes de l'article 164 B de ce code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : / a. Les revenus d'immeubles sis en France ou de droits relatifs à ces immeubles (...) ".

3. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier dans un premier temps, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.

4. Il résulte de l'instruction que la société Combined Property Home Ltd, " private company limited by shares " inscrite au registre du commerce et des sociétés dans laquelle la responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports, est assimilable à une société à responsabilité limitée, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas. Ainsi que l'a jugé le tribunal, dès lors qu'elle n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, elle est ainsi passible de l'impôt sur les sociétés en application des dispositions précitées du code général des impôts, sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère lucratif de son activité et sans qu'ait d'incidence la circonstance que la forme de société comparable aux types de sociétés de droit français mentionnés à l'article 8 du code général des impôts n'existe pas au Royaume-Uni.

5. En second lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Au regard de ces principes, la circonstance qu'une renonciation à recettes par une société de capitaux au bénéfice de ses associés serait conforme à l'objet social de l'entreprise n'est pas à elle seule de nature à faire regarder cette renonciation comme étant dans l'intérêt propre de l'entreprise, ni que satisfaire par cette gratuité l'un des objets pour lequel la société a été créée soit une contrepartie suffisante.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en mettant à la disposition gratuite de ses associés le bien immobilier en litige, alors même qu'une telle mise à disposition est conforme à l'objet social prévu par ses statuts, la société Combined Property Home Ltd a renoncé sans contrepartie à percevoir des recettes qu'une gestion normale de ses biens eut procurées, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas, pas plus que le montant de la valeur locative annuelle qu'elle a elle-même déclarée. A cet égard, la société Combined Property Home Ltd ne conteste pas utilement l'existence et le montant de la renonciation sans contreparties à percevoir des recettes en se bornant à se prévaloir de son " intérêt social " et à proposer des montants, calculés de façon totalement arbitraire, qui n'ont d'autre objet que de neutraliser son résultat fiscal afin d'éluder ou d'atténuer le montant de l'impôt sur les sociétés dont elle est légalement redevable.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité, que la société Combined Property Home Ltd n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge ou de réduction des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Combined Property Home Ltd demande au titre des frais qu'elle a exposés.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de la société Combined Property Home Ltd est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Combined Property Home Ltd et au ministre du budget et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2024.

2

N° 22MA02917


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02917
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : LOSAPPIO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;22ma02917 ?
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