Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D..., Mme B... D... et l'association la ligue de défense des Alpilles ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 juin 2018 par lequel le maire de Saint-Rémy-de-Provence a délivré à la SCEA Domaine de Metifiot un permis de construire.
Par un jugement n° 1810360 du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
I°) Par une requête enregistrée sous le n° 22MA00434 le 3 février 2022, la commune de Saint-Rémy-de-Provence, représentée par Me Petit, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de rejeter la demande d'annulation de l'arrêté de permis de construire délivré le 18 juin 2018 ;
3°) de surseoir à statuer en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
4°) de mettre à la charge des demandeurs de première instance la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. et Mme D... ne justifient pas de leur intérêt pour agir, rendant irrecevable la demande de première instance ;
- l'association la Ligue de défense des Alpilles, au regard de son objet statutaire, ne justifie pas de son intérêt pour agir ;
- l'association la Ligue de défense des Alpilles ne démontre pas avoir déposé ses statuts dans les délais mentionnés à l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme ;
- cette association ne justifie pas de la qualité de son représentant pour ester en justice ;
- le terrain d'assiette du projet est situé dans les parties urbanisées de la commune en application des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ;
- la réalité de l'exploitation agricole n'est pas contestable, en application des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;
- le projet est nécessaire à cette exploitation ;
- le dossier de demande était complet ;
- l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'est pas irrégulier ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- la commune n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas au projet un sursis à statuer ;
- les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 424-3 et R. 111-9 du code de l'urbanisme sont inopérants.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 février 2023 et 13 mai 2024, la SCEA Domaine de Metifiot, représentée par Me Jacquier demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 décembre 2021, de faire application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et ne prononcer que l'annulation partielle du permis de construire en ordonnant la régularisation du projet, à défaut de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en prononçant un sursis à statuer pour la régularisation du projet et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme D... et l'association Ligue de défense des Alpilles la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérants en demande ont justifié de leur intérêt à agir ;
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation, dès lors qu'il omet de répondre au moyen, soulevé en défense, tiré de ce que le projet est conforme aux dispositions du 3° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;
- elle exerce une activité agricole ;
- il y a erreur manifeste d'appréciation du caractère agricole de la construction projetée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 février et les 5 et 13 juillet 2024, M. A... D..., Mme B... D... et l'association La ligue de défense des Alpilles, représentés par Me Berenger, concluent au rejet de la requête et à ce soit mise à la charge de la commune et de la société pétitionnaire la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- ils justifient d'un intérêt pour agir ;
- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
II°) Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22MA00457 le 4 février 2022 et le 13 mai 2024, la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Domaine de Metifiot, représentée par Me Schwing, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) en cas d'annulation encourue de l'arrêté du 18 juin 2018, de ne prononcer que l'annulation partielle du permis de construire en ordonnant la régularisation du projet en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, à défaut, de surseoir à statuer et ordonner la régularisation du projet en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... et de l'association Ligue de Défense des Alpilles la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier et souffre d'un défaut de motivation, en ce qu'il a omis de statuer sur le moyen soulevé en défense tiré de ce que le projet entrait dans le champ d'application du 3° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;
- la requête de première instance est irrecevable, en l'absence de justification par les requérants de leur intérêt pour agir ;
- cette requête était irrecevable car tardive ;
- il y a erreur de fait dès lors qu'elle pouvait valablement produire des éléments de l'EARL Les vergers de Metifiot, dès lors qu'il s'agit de la même société ;
- elle justifie de la réalité de son exploitation agricole ;
- le projet en litige est nécessaire à cette exploitation et pouvait être implanté en dehors des parties urbanisées de la commune, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.
- le projet ne méconnaît pas les dispositions du 2° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;
- en tout état de cause, il pouvait être autorisé sur le fondement du 3° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;
- le dossier de permis n'était pas incomplet ;
- l'arrêté en litige ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme ;
- l'avis rendu par l'architecte des bâtiments de France n'est pas irrégulier ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-9 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- la commune n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas un sursis à statuer à la demande.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2024, M. A... D..., Mme B... D... et l'association La ligue de défense des Alpilles, représentés par Me Berenger, concluent au rejet de la requête et à ce soit mise à la charge de la commune et de la société pétitionnaire la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dyèvre, rapporteure,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Marquet, représentant la commune de Saint-Rémy-de-Provence, de Me Jacquier représentant la SCEA Domaine de Metifiot et de Me Claveau représentant M. et Mme D... et l'association la ligue de défense des Alpilles.
Des notes en délibéré ont été enregistrées le 11 octobre 2024, présentées pour la SCEA Domaine de Metifiot, et n'ont pas été communiquées.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D... et l'association Ligue de défense des Alpilles ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 juin 2018 par lequel le maire de la commune de Saint-Rémy-de-Provence a délivré à la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Domaine de Metifiot un permis de construire pour la construction d'une cave et d'un caveau sur trois niveaux sur un terrain situé chemin des carrières à Saint-Rémy-de-Provence. Par un jugement du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement de la méconnaissance des articles L. 111-3 et L. 111-4 du code de l'urbanisme, annulé le permis de construire. La commune de Saint-Rémy-de-Provence et la SCEA Domaine de Metifiot relèvent chacune appel de ce jugement.
2. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif de Marseille a omis de se prononcer sur le moyen soulevé dans son mémoire en défense par la SCEA Domaine de Metifiot tiré de ce que l'arrêté en litige ne méconnaît pas les dispositions du 3° de L. 111-4 du code de l'urbanisme et que le projet pouvait être autorisé sur ce fondement. Ainsi, le jugement du tribunal administratif de Marseille est entaché d'une insuffisance de motivation et doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... D..., Mme B... D... et l'association la ligue de défense des Alpilles.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 juin 2018 :
Sur la recevabilité de la demande :
5. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions réglementaires qu'à défaut de l'accomplissement des formalités de notification qu'elles prévoient, un recours administratif dirigé contre un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol ne proroge pas le délai du recours contentieux. Il ne peut être remédié à l'omission des formalités de notification du recours administratif que dans le délai de quinze jours qu'elles prévoient. Dans ce cas, la date à laquelle a été formé le recours administratif initial constitue le point de départ de la prorogation du délai de recours contentieux résultant de la formation, dans les formes requises, de ce recours administratif. En revanche, la présentation d'un nouveau recours administratif assorti des formalités de notification après l'expiration du délai de quinze jours ne pallie pas le défaut de notification du premier recours et ne permet donc pas la prorogation du délai de recours contentieux. Cette situation ne fait toutefois pas obstacle à ce que la personne intéressée forme, en respectant les formalités de notification propres à ce recours, un recours contentieux dans le délai de recours de droit commun de deux mois qui lui est imparti.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 14 août 2018 reçue le 17 août suivant par la mairie de Saint-Rémy-de-Provence, et notifiée à la SCEA Domaine de Metifiot par un courrier du même jour, la Ligue de défense des Alpilles a formé un recours gracieux contre l'arrêté en litige. Par courrier du 9 août 2018, reçu le même jour en mairie, et notifié à la société pétitionnaire, M. et Mme D... ont également formé contre l'arrêté en litige un recours gracieux. Ce dernier remédie au premier courrier des époux D... reçu le 3 août 2018 par la commune mais dépourvu des formalités prévues par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, en l'absence de notification à la société pétitionnaire et qui n'a donc pas prorogé le délai du recours contentieux. Dans ces conditions, dès lors que le second recours gracieux a été introduit dans le délai de recours contentieux initial et a été régulièrement notifié aux parties, et quelle que soit la qualification apportée au premier courrier des époux D..., c'est à compter de la réception de ce courrier du 9 août 2018 qu'a été prorogé le délai de recours contentieux. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande est tardive. Cette fin de non-recevoir ne peut qu'être écartée.
8. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".
9. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... sont propriétaires de la parcelle située immédiatement à gauche des parcelles accueillant le terrain d'assiette du projet de la SCEA domaine de Métifiot dont elles sont seulement séparées par un écran végétal. Le projet qui consiste notamment à la création d'une cave et d'un caveau sur trois niveaux d'une surface de plancher de 960 m², même en partie implantés sous le niveau de la voie communale, permettant l'exploitation du domaine vinicole par la production de vin entraînera, eu égard à l'importance du projet, des nuisances olfactives et sonores à proximité de la propriété des demandeurs, dès lors d'une part, que les véhicules nécessaires à cette exploitation emprunteront le chemin communal n° 30 dit des carrières longeant la propriété de M. et Mme D... et, d'autre part, qu'ils justifient d'une vue directe de leur propriété sur le projet. M. et Mme D... justifient ainsi de leur intérêt à agir.
11. L'association La ligue de défense des Alpilles, dont les statuts ont été déposés plus d'un an avant l'affichage en mairie de la demande déposée par la SCEA domaine de Metifiot conformément aux dispositions de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, justifie de la qualité de son représentant pour ester en justice par la production de l'extrait du procès-verbal de la délibération de son conseil d'administration du 4 décembre 2018. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'article 3 des statuts de l'association, qui a pour objet notamment la défense du patrimoine naturel de la chaîne des Alpilles, qu'elle justifie par son objet statutaire d'un intérêt à agir contre le permis de construire délivré le 18 juin 2018. Par suite, l'association la ligue de défense des Alpilles justifie de son intérêt à agir.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
12. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. " et aux termes de l'article L. 111-4 du même code : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : (...) 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; (...) ".
13. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de plan local d'urbanisme sont interdites les constructions implantées en dehors " des parties urbanisées de la commune " c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Ainsi, en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune.
14. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles terrain d'assiette du projet de la SCEA Domaine de Metifiot sont bordées, au nord et à l'est, par des champs de vignes, d'oliviers et des bois, à l'ouest par la parcelle abritant la maison d'habitation des époux D... et au sud, au-delà du chemin communal n° 30, par un habitat diffus. Ainsi, le terrain d'assiette du projet, majoritairement entouré de terrain à vocation agricole, se situe dans une partie du territoire communal qui, si elle comporte des habitations, ne supporte pas un nombre et une densité significative. Par suite, le projet ne peut être regardé comme s'inscrivant en bordure d'une zone qui, par ses caractéristiques, relève des parties urbanisées de la commune au sens des dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.
15. Il résulte des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme que, dans les communes dépourvues de plan local d'urbanisme, de document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, la règle de constructibilité limitée n'autorise, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, que les constructions et installations nécessaires, notamment, à l'exploitation agricole. Pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à cette exploitation, l'autorité administrative compétente doit s'assurer au préalable, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la réalité de l'exploitation agricole, au sens de ces dispositions, laquelle est caractérisée par l'exercice effectif d'une activité agricole d'une consistance suffisante. Elle doit ensuite s'assurer que soit caractérisé un lien de nécessité entre l'exploitation et le projet de construction en cause. Ce lien de nécessité, qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole et, d'autre part, la destination de la construction ou de l'installation projetée.
16. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la SCEA Domaine de Metifiot justifie par la production de ses statuts modifiés le 31 juillet 2018 avoir été créée le 1er janvier 1994 sous la forme d'une exploitation agricole à responsabilité limitée alors dénommée Les vergers de Metifiot avant sa transformation par décision de l'assemblée générale extraordinaire des associés du 30 juillet 2015 en SCEA dénommée " Domaine de Metifiot ". Pour établir la réalité de son exploitation, la société pétitionnaire produit, outre son attestation d'affiliation à la MSA Provence Azur du 19 mai 2017 et son immatriculation au registre de commerce des sociétés depuis le 14 février 1994, ses bilans comptables relatifs aux exercices 2014 et 2017 lesquels retracent son chiffre d'affaires qui est compris entre 31 880 euros et 54 702 euros sur cette période ainsi que son résultat d'exploitation indiquant que sa production s'est significativement accrue à compter de l'exercice 2016. La société produit également diverses factures d'avril, mai et juin 2016 et mai 2017 pour l'achat de plants de vignes et les éléments nécessaires à leur plantation pour un montant de 132 355,53 euros. Elle justifie en outre, selon le relevé d'exploitation du 1er janvier 2017 d'une superficie totale de terres cultivées de 232 622 m², dont 15,5 hectares lui appartenant. Si, en défense, les époux D... et la Ligue de Défense des Alpilles font valoir que l'activité de la SCEA au vu de son chiffre d'affaires était faible, cette seule circonstance est sans incidence sur la réalité de l'exploitation agricole de la société pétitionnaire, dont la production a augmenté à compter de l'exercice 2016. En outre, quand bien même la SCEA organiserait des événements annexes à son activité d'exploitante agricole, les éléments relatifs à l'organisation de ces évènements sont postérieurs à la décision contestée. Il en résulte que, par les éléments produits, la SCEA Domaine de Metifiot justifie de la réalité de son exploitation agricole.
17. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la notice du permis de construire indique notamment que le projet est réparti en deux ensembles : " le premier et le plus important sera celui du volume pour la fabrication du vin depuis la réception du raisin, la cuverie pour la vinification jusqu'au stockage des bouteilles ; le deuxième en partie accessible au public abritera le caveau et la salle de dégustation ". Ainsi, seuls 170 m² sur les 960 m² du projet seront accessibles au public. De plus, le conseil pour l'habitat agricole en méditerranée Provence a rendu, le 23 novembre 2017, un avis favorable au projet présenté par la SCEA pétitionnaire de diversification et de développement de son activité, estimant que " le projet est lié et nécessaire à l'exploitation agricole existante ". Il ressort des pièces du dossier que le projet, compte tenu de son ampleur et de sa nature, est nécessaire à l'exploitation de la SCEA Domaine de Metifiot qui, à la date de l'arrêté contesté et selon l'avis du conseil précité, exploitait 15,5 hectares de vignes.
18. Aux termes de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " La construction de bâtiments nouveaux mentionnée au 1° de l'article L. 111-4 et les projets de constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés aux 2° et 3° du même article ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par l'autorité administrative compétente de l'Etat à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. (...) ".
19. Il ressort des pièces du dossier, notamment du plan de masse PC2, que pour l'édification du projet, seront retirés du terrain d'assiette du projet à l'état existant des chênes et des oliviers, issus de l'activité d'oliveraie précédemment exercée par la société. Dans ces conditions, le projet en litige réduisant la surface cultivée du terrain et relevant du 2° de de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ainsi qu'il a été précédemment dit, devait être préalablement soumis pour avis à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Il est constant que cet avis n'a pas été recueilli entachant l'arrêté contesté d'illégalité.
20. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...) ". Aux termes de l'article L. 153-11 du même code : " (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ".
21. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'élaboration du plan local d'urbanisme de Saint-Rémy-de-Provence a été prescrit par une délibération du 24 octobre 2017 et que le débat du conseil municipal relatif aux orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable de ce plan a eu lieu dès lors que le projet de plan a été arrêté par une délibération du 27 mars 2018, soit trois mois avant l'arrêté attaqué. Il est ainsi constant que ce projet de plan, qui a par ailleurs été approuvé le 18 décembre 2018, était suffisamment avancé le 18 juin 2018, date à laquelle le maire de Saint-Rémy-de-Provence a délivré à la SCEA Domaine de Metifiot le permis de construire qu'elle sollicitait.
22. D'autre part, un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, postérieurement au débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable, qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.
23. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet se situe dans la zone Apnr du futur plan local d'urbanisme dans laquelle sont autorisés " à condition qu'ils soient nécessaires à une exploitation agricole en respectant le caractère de la zone Les bâtiments d'exploitation, installations ou ouvrages techniques nécessaires à la production agricole à condition qu'ils soient implantés à moins de 50 mètres des bâtiments existants (...) ". Il résulte des termes de ces dispositions que les constructions citées nécessaires à la production agricole doivent être implantées à moins de 50 mètres des bâtiments existants de l'exploitation agricole. Il est constant qu'à moins de 50 mètres du terrain d'assiette du projet n'était implanté à la date du permis de construire en litige aucun bâtiment préexistant de l'exploitation agricole. Dans ces conditions, la construction en litige, qui développe une surface de plancher de 960 m²et contrarie les prescriptions du règlement de la zone Apnr de ce futur plan qui rend inconstructible le terrain d'assiette du projet, est de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme de Saint-Rémy-de-Provence.
24. Pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de conduire à l'annulation du permis contesté.
25. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Rémy-de-Provence et la SCEA Domaine de Metifiot ne sont pas fondés à se plaindre que, par le jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté délivrant un permis de construire à la SCEA Domaine de Metifiot.
Sur l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
26. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. " et aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
27. Il résulte de ces dispositions que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
28. Le vice affectant le permis de construire litigieux relevé au point 23 du présent arrêt, n'est pas susceptible d'être régularisé. Dans ces conditions, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme D... et l'association la ligue de défense des Alpilles, qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, les sommes que demandent la SCEA Domaine de Metifiot et la commune de Saint-Rémy-de-Provence au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, de mettre à la charge de la commune de Saint-Rémy-de-Provence et de la SCEA Domaine de Metifiot le versement, à M. et Mme D... et l'association la ligue de défense des Alpilles, d'une somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1810360 du 6 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 18 juin 2018 est annulé.
Article 3 : La commune de Saint-Rémy-de-Provence versera à M. et Mme D... et l'association la ligue de défense des Alpilles pris ensemble une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La SCEA Domaine de Metifiot versera à M. et Mme D... et l'association la ligue de défense des Alpilles pris ensemble une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présenté par la SCEA Domaine de Metifiot et la commune de Saint-Rémy-de-Provence est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Rémy-de-Provence, à la SCEA Domaine de Metifiot, à M. et Mme C... D... et à la Ligue de Défense des Alpilles.
Copie en sera adressée au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Tarascon.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- Mme Dyèvre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
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N° 22MA00434 22MA00457