Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 février 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2304877 du 18 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 février 2024 et le 10 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Guarnieri, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2304877 du 18 septembre 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'un an mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, ou, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa demande et de prendre une décision dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée, et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant l'examen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- le préfet s'est estimé lié à tort par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- le préfet a méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est illégale par exception d'illégalité de la décision de refus de séjour, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
La requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a déposé des pièces et des observations enregistrées le 16 mai 2024.
Par une décision du 29 décembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a admis M. B... à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant brésilien, a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé, sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 9 janvier 2023, par un arrêté du 13 février 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 18 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, M. B... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de la motivation insuffisante de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle. En l'absence d'arguments nouveaux, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille au point 3 de son jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425 9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412 1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
4. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B..., le préfet s'est notamment approprié l'avis du 9 janvier 2023, par lequel le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat médical du 20 octobre 2022 établi par un médecin chargé de consultations en maladies infectieuses auprès de l'institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection de Marseille produit à l'appui de la demande de titre de séjour et du rapport médical du 21 décembre 2022 destiné au collège des médecins, que M. B... est atteint du virus d'immunodéficience humaine (VIH) diagnostiqué en juillet 2022 et qu'il suit un traitement dénommé " Biktarvy " ainsi que des examens et consultations réguliers. M. B... fait valoir que ce traitement n'est pas disponible au Brésil, en se prévalant notamment d'un certificat médical établi le 16 août 2022 par le médecin précédemment cité et d'un compte-rendu du 30 octobre 2023 établi par un autre médecin chargé de consultations en maladies infectieuses auprès du même institut qui indique que le traitement n'est pas disponible gratuitement dans le pays d'origine. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier, notamment des observations produites par l'OFII, que l'accès gratuit aux thérapies antirétrovirales est assuré depuis 1996 au Brésil, pays à l'avant-garde du traitement et de la prévention du VIH en Amérique latine, et que si le " Biktarvy ", association de trois antirétroviraux actifs sur les virus du VIH, n'y est pas référencé, de nombreuses alternatives thérapeutiques d'efficacité équivalente y sont référencées. A cet égard, si M. B... soutient que son traitement n'est pas substituable, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, alors que, ainsi que l'observe d'ailleurs l'OFII, aucune résistance virale n'est identifiée s'agissant de ce patient. Dans ces conditions, en estimant que M. B... pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Brésil, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Par ailleurs, si M. B... fait valoir qu'il est atteint d'un papillomarivus anal, de difficultés auditives et d'un syndrome post-traumatique nécessitant une prise en charge psychologique, outre qu'il n'a pas sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé au titre de ces pathologies, il n'apporte en tout état de cause aucun élément de nature à établir qu'elles nécessiteraient une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Brésil, il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision contestée que le préfet des Bouches du Rhône se serait, à tort, estimé lié par l'avis relatif à l'état de santé de M. B... émis le 9 janvier 2023 par le collège des médecins de l'OFII.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 21 mai 2022 à l'âge de trente-sept ans. S'il se prévaut d'une relation " depuis quelques mois " avec un ressortissant français avec lequel il s'est uni en janvier 2024, il n'apporte aucun élément précis à propos de cette relation, qui aurait débuté en mai 2023 ainsi que cela ressort de compte-rendu médical du 30 octobre 2023, soit postérieurement à l'arrêté. M. B... n'apporte en outre aucun élément de nature à justifier d'une insertion sociale ou professionnelle sur le territoire français. Par suite, compte tenu de ce qui a été dit précédemment s'agissant de l'état de santé et de la durée et des conditions du séjour en France de M. B..., le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés doit dès lors être écarté.
9. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment mentionnés, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de titre de séjour sur sa situation personnelle ou une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ce refus doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "
12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 et 5, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du -Rhône aurait méconnu le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés à l'ensemble des points précédents, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B.... Elle ne méconnaît en tout état de cause pas plus l'article 3 de la même convention, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant serait dans l'impossibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé au Brésil et qu'il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 13 février 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône doivent dès lors être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
15. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... doivent ainsi être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Guarnieri et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
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N° 24MA00384