Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Free Mobile a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Gap s'est opposé à la réalisation des travaux déclarés le 21 février 2019 pour l'implantation d'une station relais sur un terrain cadastré section EL n° 129 sis lieu-dit " A... ".
Par un jugement n° 1905563 du 6 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 avril 2023 et le 20 septembre 2024, la société Free Mobile, représentée par Me Martin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 février 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Gap s'est opposé à sa déclaration de travaux ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Gap de lui délivrer une décision de non-opposition à travaux dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Gap la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle a été méconnu, dès lors que le tribunal s'est fondé sur une pièce non produite à l'instance ;
- l'arrêté en litige a été pris par une autorité incompétente ;
- le projet en litige ne méconnaît pas les dispositions de l'article 2.2 de la zone N du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article 1.2 de la zone N du règlement du plan local d'urbanisme ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2024, la commune de Gap, représentée par Me Ducrey-Bompard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérant la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;
- le projet ne pouvait être délivré, dès lors qu'il relève de la catégorie des permis de construire ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 1.2 de la zone N du règlement du plan local d'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dyèvre, rapporteure,
- et les conclusions de M. Quenette, rapporteur public.
Les parties n'étaient ni présentes, ni représentées.
Considérant ce qui suit :
1. La société Free Mobile a déposé, le 21 février 2019, une déclaration préalable portant sur l'installation d'une station relais de téléphonie composée d'un pylône en treillis métallique supportant des antennes de téléphonie mobile et d'installations techniques en pied sur une parcelle cadastrée section EL, n° 129 située sur un terrain lieu-dit " A... " sur le territoire de la commune de Gap. Par une décision du 17 mai 2019, le maire de Gap s'est opposé à cette déclaration préalable. Par un jugement n° 1905563 du 6 février 2023, dont la société Free Mobile relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 2.2. de la zone N du règlement du plan local d'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
3. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur un site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents compte tenu de la nature et des effets que le projet pourrait avoir sur le site.
4. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige s'implante sur une parcelle située au nord de la ville de Gap, au cœur d'une vaste zone naturelle jouxtant une autre zone de nature agricole et forestière. Le terrain assiette du projet, en grande partie boisé et entouré de champs cultivés, ne présente pas d'intérêt particulier, outre son caractère naturel. Si le projet consiste en l'installation d'un pylône de type treillis métallique orné d'antennes radios et de trois paraboles, il ressort du dossier de déclaration préalable, selon les photographies d'insertion du projet que, tant le pylône que les matériels qui y seront installés seront peints en vert olive limitant leur visibilité de la route des bassets, qui passe en contrebas du projet. Ainsi, malgré la hauteur de 20,25 mètres de ce pylône, ses caractéristiques et son implantation à proximité immédiate d'arbres, permettent son impact limité sur le paysage. Dans ces conditions, en opposant les dispositions de l'article 2.2. de la zone N du règlement du plan local d'urbanisme, le maire de Gap a fait une inexacte application de ces dispositions.
5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire. (...) " et aux termes de l'article L. 421-4 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux (...) qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l'exigence d'un permis et font l'objet d'une déclaration préalable (...) ".
7. En vertu de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme, les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire à l'exception des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8, qui sont dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme, et des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à R. 421-12, qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable. Selon le a) de l'article R. 421-2 du même code, les constructions nouvelles dont la hauteur au-dessus du sol est inférieure à douze mètres et qui ont pour effet de créer une surface de plancher et une emprise au sol inférieures ou égales à cinq mètres carrés sont dispensées, en dehors des secteurs sauvegardés et des sites classés, de toute formalité au titre du code de l'urbanisme. Aux termes de l'article R. 421-9 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 10 décembre 2018 relatif à l'extension du régime de la déclaration préalable aux projets d'installation d'antennes-relais de radiotéléphonie mobile et à leurs locaux ou installations techniques au titre du code de l'urbanisme : " En dehors du périmètre des sites patrimoniaux remarquables, des abords des monuments historiques et des sites classés ou en instance de classement, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d'une déclaration préalable, à l'exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : / (...) c) Les constructions répondant aux critères cumulatifs suivants : / - une hauteur au-dessus du sol supérieure à douze mètres ; / - une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés ; / - une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés. / Toutefois, ces dispositions ne sont applicables ni aux éoliennes, ni aux ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire installés au sol, ni aux antennes-relais de radiotéléphonie mobile ; (...) / j) Les antennes-relais de radiotéléphonie mobile et leurs systèmes d'accroche, quelle que soit leur hauteur, et les locaux ou installations techniques nécessaires à leur fonctionnement dès lors que ces locaux ou installations techniques ont une surface de plancher et une emprise au sol supérieures à 5 m² et inférieures ou égales à 20 m² ".
8. Le décret du 10 décembre 2018 a modifié l'article R. 421-9, notamment en y insérant un j), pour étendre la procédure de déclaration préalable aux projets créant une surface de plancher et une emprise au sol supérieures à 5 mètres carrés, dans la limite de 20 mètres carrés au-delà de laquelle la délivrance d'un permis de construire reste requise. Au regard de cet objet, les dispositions des c) et j) de l'article R. 421-9, dans leur rédaction issue de ce décret, doivent être lues comme soumettant à la procédure de déclaration préalable la construction d'antennes-relais de radiotéléphonie mobile, de leurs systèmes d'accroche, et des locaux ou installations techniques nécessaires à leur fonctionnement lorsque soit, quelle que soit la hauteur de l'antenne, la surface de plancher et l'emprise au sol créées sont supérieures à 5 mètres carrés et inférieure ou égale à 20 mètres carrés, soit, s'agissant des antennes d'une hauteur supérieure à douze mètres, la surface de plancher et l'emprise au sol créées sont inférieures ou égales à 5 mètres carrés. Pour l'appréciation des seuils applicables à ces projets de constructions, s'agissant tant de ceux fixés au j) de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme, que de ceux mentionnés au c) de cet article et au a) de l'article R. 421-2, seules la surface de plancher et l'emprise au sol des locaux et installations techniques doivent être prises en compte, et non l'emprise au sol des pylônes.
9. Il ressort des pièces du dossier que le projet consiste à l'installation, sur une emprise de 10 m², d'une antenne relais d'une hauteur supérieure à 12 mètres et comportant une zone technique au pied du pylône créée sur une dalle béton de 2.20 mètres de longueur sur 0.70 mètre de largeur. Contrairement à ce que soutient la commune, l'emprise du scellement du pylône n'a pas à être prise en compte pour l'appréciation de la surface de plancher et l'emprise au sol des locaux et installations techniques, quand bien même celui-ci serait en pente. Par suite, eu égard aux caractéristiques de la station relais de téléphonie en litige, le projet était soumis à la procédure de la déclaration préalable conformément au c) de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme. Par suite, la commune de Gap n'est pas fondée à demander que soit substitué le motif tiré de ce que la demande en cause relèverait du régime du permis de construire.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1.2 de la zone N du règlement du plan local d'urbanisme : " Sont admis sous conditions les usages, affectations, constructions et activités suivantes : / toutes zones / les constructions, installations nécessaires à des équipements collectifs ou de services publics lorsqu'ils sont nécessaires à la zone (...) ou que leur localisation est impérative dans la zone pour raison technique ou économique (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que dans le cadre des autorisations d'utiliser diverses fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique de troisième et quatrième génération et de très haut débit délivrées par l'autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), la société Free Mobile, pour respecter les cahiers des charges qui lui sont imposés, précise qu'un dispositif d'antennes et d'équipements de relais de téléphonie devait être implanté pour des raisons techniques de création et de continuité de réseau sur la commune de Gap. Celle-ci ne conteste pas utilement que la localisation de l'antenne relais est justifiée pour de telles raisons. Par suite, contrairement à ce que soutient la commune, la société Free mobile justifie que la localisation de la station relais de téléphonie en litige est impérative dans la zone pour des raisons techniques et ne contrevient pas aux dispositions précitées de l'article 1.2. de la zone N du règlement du plan local d'urbanisme. Par suite, la commune de Gap n'est pas fondée à demander que soit substitué le motif tiré de ce que la demande en cause méconnaîtrait ces dispositions.
12. Il résulte de ce qui précède que la société Free Mobile est fondée à demander l'annulation de la décision du 17 mai 2019 par laquelle le maire de Gap s'est opposé à sa déclaration préalable. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation, en l'état du dossier, de l'arrêté du 17 mai 2019.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, que la société Free Mobile est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2019 par laquelle le maire de Gap s'est opposé à la déclaration préalable déposée par la société Free Mobile et donc à demander l'annulation de ce jugement ainsi que de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.
15. Aucune des dispositions ou des circonstances décrites au point précédent ne fait obstacle à ce que soit ordonné au maire de Gap de prendre une décision de non-opposition à la déclaration préalable déposée par la société Free Mobile. Dès lors, il y a lieu de lui adresser une injonction de prendre une décision de non-opposition, en lui impartissant un délai d'un mois pour s'exécuter. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Free Mobile, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Gap au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gap une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la société Free Mobile.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1905563 du tribunal administratif de Marseille en date du 6 février 2023 est annulé.
Article 2 : La décision du 17 mai 2019 par laquelle le maire de Gap s'est opposé à la déclaration préalable déposée par la société Free Mobile est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Gap de prendre une décision de non-opposition à la déclaration préalable déposée par la société Free Mobile dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Gap versera à la société Free Mobile une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Free mobile est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Free Mobile et à la commune de Gap.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- Mme Dyèvre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
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N° 23MA00802
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