La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2024 | FRANCE | N°23MA00909

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 14 novembre 2024, 23MA00909


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Fontvieille à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des décisions illégales prises par elle et d'enjoindre à la commune de Fontvieille de faire cesser tout stationnement aux abords immédiats du moulin de Daudet et de supprimer tous éléments de mobilier urbain dénaturant le paysage entourant ce patrimoine historique, de supprimer

tout péage relatif au parc de stationnement, de remettre en état initial la zone de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Fontvieille à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des décisions illégales prises par elle et d'enjoindre à la commune de Fontvieille de faire cesser tout stationnement aux abords immédiats du moulin de Daudet et de supprimer tous éléments de mobilier urbain dénaturant le paysage entourant ce patrimoine historique, de supprimer tout péage relatif au parc de stationnement, de remettre en état initial la zone de stationnement en aménageant un parking paysager, de procéder à l'entretien régulier du site entourant le Moulin de Daudet, d'interdire toute vidange et tout épandage des effluents de camping-cars, d'abroger toute autorisation de stationnement des camping-cars et d'interdire tout stationnement de véhicule terrestre à moteur habité aux abords immédiats du Moulin.

Par un jugement n° 1905917 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2023, et des mémoires enregistrés les 29 avril, 22 mai et 21 juin 2024, MM. A..., représentés par Me Cornille, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Fontvieille à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des décisions illégales prises par la commune ;

3°) d'enjoindre à la commune de Fontvieille, sous astreinte de 500 euros par jour de retard :

- de faire cesser tout stationnement aux abords immédiats du moulin de Daudet et de supprimer tous éléments de mobilier urbain dénaturant le paysage entourant ce patrimoine historique,

- de supprimer tout péage relatif au parc de stationnement,

- de remettre en état initial la zone de stationnement en aménageant un parking paysager,

- de procéder à l'entretien régulier du site entourant le Moulin de Daudet,

- d'interdire toute zone de vidange et d'épandage des effluents de camping-cars,

- d'abroger toute autorisation de stationnement des camping-cars et d'interdire tout stationnement de véhicule terrestre à moteur habité aux abords immédiats du Moulin ;

4°) de condamner la commune de Fontvieille à leur verser une somme complémentaire de 10 000 euros au titre de dommages-intérêts compensatoires ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Fontvieille une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué méconnaît l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- ce jugement est insuffisamment motivé, dès lors qu'il ne s'est pas prononcé sur les fautes commises par la commune de Fontvieille ;

- l'action indemnitaire n'est pas prescrite en application de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, qu'il s'agisse du parking, aménagé et devenu payant en 2016, du bloc sanitaire, ou de l'aire de camping-cars qui a fait l'objet d'une plainte pénale avec constitution de partie civile en 2014 ;

- la responsabilité sans faute de la commune est engagée à raison des dommages causés par l'existence et le fonctionnement de ces ouvrages publics ;

- la commune ne pouvait implanter un parking dans le périmètre de protection du moulin de Daudet, en méconnaissance également du règlement de la zone NT de son plan local d'urbanisme : cette implantation est constitutive d'une faute ;

- la commune a également commis une faute en implantant un camping à proximité du moulin, qui plus est au sein d'un site Natura 2000, en violation des articles R. 111-48 et R. 111-33 du code de l'urbanisme, de la réglementation relative à l'accès aux massifs forestiers des Bouches-du-Rhône et de l'article 16.3.1 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Fontvieille ;

- l'existence de ce terrain de camping crée de nombreuses nuisances qu'il appartient au maire de faire cesser en usant de son pouvoir de police ; sa carence en la matière est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- ils justifient d'un préjudice anormal et spécial du fait de ces ouvrages publics et de leur absence d'entretien ;

- les installations de la commune entraînent un préjudice d'image, un manque à gagner et une perte de valeur vénale du moulin de Daudet ; le caractère payant du parc de stationnement et son prix prohibitif sont de nature à dissuader les visiteurs de venir visiter le moulin, dont la fréquentation a baissé, passant de 100 000 visites annuelles recensées en 1995 à un chiffre compris entre 3 000 et 5 000 en 2021 ; l'aire de camping-cars, constitutive d'un véritable camping, en l'absence de tout contrôle de la commune, porte atteinte à l'image du moulin ;

- ils justifient d'un préjudice matériel et moral, résultant de la violation d'aisance de voirie, dès lors que du fait de la présence du parking payant, l'accès des véhicules au moulin est impossible ; ce préjudice et anormal et spécial ;

- ces différents préjudices résultent des ouvrages de la commune et de la carence du maire dans l'exercice de son pouvoir de police ;

- leur demande d'injonction accessoire à la demande indemnitaire est recevable.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 23 avril et 5 juin 2024, la commune de Fontvieille, représentée par Me Merland, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de MM. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions à fin d'injonction, présentées à titre principal, ainsi que les conclusions tendant au versement de dommages-et-intérêts compensatoires, nouvelles en appel et non mentionnées dans la demande préalable, sont irrecevables ;

- les préjudices dont il est demandé réparation sont prescrits ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Eizaga, représentant MM. A... et de Me Merland, représentant la commune de Fontvieille.

Considérant ce qui suit :

1. Messieurs B... et C... A... sont propriétaires du " Moulin de Daudet ", classé monument historique, situé sur le territoire de la commune de Fontvieille. Par lettre du 6 mars 2019, ils ont demandé à la commune de les indemniser des préjudices subis en raison de la création, en contrebas de leur parcelle supportant le moulin, d'un parking de stationnement payant et d'une aire de stationnement de camping-cars. Cette demande a été implicitement rejetée. MM. A... relèvent appel du jugement du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Fontvieille à leur verser la somme de 50 000 euros à parfaire en réparation des préjudices moral et financier qu'ils estiment avoir subis du fait de ces installations.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué, dont seule une ampliation est notifiée aux parties, a été signé par la présidente de la 2ème chambre, le rapporteur du dossier et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précités doit être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

5. En jugeant, aux points 2 et 3 de son jugement, que MM. A... ne justifiaient d'aucun préjudice, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision, l'absence de préjudice faisant obstacle à toute indemnisation des intéressés, que ce soit sur le terrain de la responsabilité pour faute ou sur celui de la responsabilité sans faute de la commune. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué, en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur l'ensemble des fautes invoquées en première instance, doit être écarté.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. MM. A... soutiennent, d'une part, que la responsabilité sans faute de la commune de Fontvieille est engagée à raison de la création et du fonctionnement du parking de stationnement et de l'aire de camping-car implantés en contrebas du moulin de Daudet, en bordure de la route départementale 33 et, d'autre part, que la responsabilité pour faute de la commune est engagée à raison de l'illégalité des décisions de création de ces ouvrages au regard des règles d'urbanisme et de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoir de police. L'engagement de la responsabilité d'une collectivité publique, quel qu'en soit le fondement, est subordonnée à la démonstration, par le demandeur, d'un préjudice.

7. MM. A... se prévalent, en premier lieu, d'un préjudice financier résultant d'une perte de valeur vénale du moulin, classé monument historique et d'un préjudice commercial, qui résulteraient de la création du parking et de son caractère payant à l'année. Toutefois, ils n'apportent aucun justificatif de nature à établir la perte de valeur vénale invoquée, alors que le parking a été créé avant 1982, qu'il est revêtu au moins depuis 2011, ainsi que cela ressort des photographies jointes au constat d'huissier établi à leur demande le 31 décembre 2011 et non depuis 2016 comme ils le soutiennent, qu'il est payant en saison depuis 2003 et à l'année depuis 2016, et que l'aire de camping-car, créée en 2013, fait l'objet d'un arrêté municipal en réglementant l'usage du 27 décembre 2013. MM. A..., gestionnaires du moulin, n'établissent pas davantage l'existence d'une perte de recettes qui résulterait de la création et des conditions de fonctionnement du parking, en se bornant à produire des avis négatifs de visiteurs collectés sur le site internet Trip Advisor mettant en avant le coût du parking. Si le rapport de présentation du plan local d'urbanisme de la commune de Fontvieille fait effectivement état d'une baisse de fréquentation du moulin, sans d'ailleurs la dater, les requérants ne précisent pas les recettes perçues pour les visites du moulin pendant les années précédant leur demande indemnitaire. Au demeurant, aucun élément ne permet de démontrer un lien entre la baisse de recettes alléguées et la mise en place d'un paiement à l'année en 2016, le parking étant payant depuis 2003 en saison et le moulin n'étant lui-même ouvert au public qu'en saison. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'il existe plusieurs aires de stationnement gratuites non loin du moulin, situées pour la plus proche à moins de 300 mètres de l'édifice, qui demeure de ce fait accessible aux touristes ne souhaitant pas payer un stationnement, les requérants ne démontrant pas le caractère dangereux du cheminement piéton menant du village au moulin. Il en va de même pour l'aire de camping-cars, dont il n'est aucunement démontré qu'elle aurait un impact négatif sur les recettes du moulin.

8. En deuxième lieu, les consorts A... font état d'une perte d'image du moulin de Daudet, liée à la proximité du parking et de l'aire de camping-cars. Toutefois, si le moulin est, en partie, visible depuis le parking, au pied du cheminement piéton, cette seule circonstance est insuffisante pour caractériser une atteinte à l'image du moulin, dont seuls les murs bénéficient d'une protection au titre des monuments historiques. Par ailleurs, les pièces produites par les requérants, notamment les photographies faisant apparaître des déchets déposés à proximité des bennes à ordures ou l'allumage d'un barbecue ne suffisent pas à démontrer des conditions anormales de fonctionnement de l'aire de camping-cars, dont l'usage est strictement réglementé, ainsi qu'il a été dit, par un arrêté municipal.

9. En troisième lieu, les consorts A... invoquent une insuffisance d'accès à leur moulin depuis la voie publique, du fait de la présence du parking. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que le moulin, qui n'est pas habité et se situe au sein d'un vaste espace naturel, ne serait pas accessible en voiture à raison de la création de cet ouvrage. Si les requérants font valoir que le parking, qui est le lieu de stationnement le plus proche du moulin, est payant à l'année, ils peuvent accéder à l'édifice en stationnant gratuitement sur l'une des autres aires de stationnement situées à proximité. De plus, la commune relève, outre la possibilité, pour les consorts A..., d'emprunter une voie DFCI dont ils peuvent obtenir, en qualité de propriétaires, une clé en ouvrant la barrière, l'existence d'une voie, certes difficilement carrossable, qui permet néanmoins d'accéder en voiture à proximité du moulin, ce que les requérants ne contestent par aucun élément probant.

10. Il résulte de ce qui précède que MM. A... ne justifient d'aucun préjudice résultant de la création et du fonctionnement de l'aire de camping-car et du parking. Par suite, et sans qu'il soit besoin pour la cour de se prononcer sur l'existence de fautes commises par la commune de Fontvieille et sur la prescription quadriennale opposée en défense, les requérants ne sont pas fondés à prétendre à une indemnisation à ce titre.

11. Il résulte de ce qui précède que les consorts A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande indemnitaire et leurs conclusions accessoires. Par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Fontvieille, les conclusions à fin d'injonction présentées par les intéressés en appel doivent également être rejetées.

Sur les conclusions tendant à la condamnation de la commune de Fontvieille à verser une somme de 10 000 euros au titre de " dommages et intérêts compensatoires " :

12. Ces conclusions, nouvelles en appel et qui n'ont, au demeurant, fait l'objet d'aucune demande préalable, sont irrecevables. La fin de non-recevoir opposée à ce titre par la commune de Fontvieille doit, dès lors, être accueillie.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Fontvieille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par MM. A... sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MM. A... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Fontvieille en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de MM. A... est rejetée.

Article 2 : MM. A... pris ensemble verseront à la commune de Fontvieille la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à M. C... A... et à la commune de Fontvieille.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 novembre 2024.

2

N° 23MA00909

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00909
Date de la décision : 14/11/2024

Analyses

60-04-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Réparation. - Préjudice. - Absence ou existence du préjudice. - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SCP CORNILLE POUYANNE FOUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-14;23ma00909 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award