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08/01/2025 | FRANCE | N°22MA03067

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 08 janvier 2025, 22MA03067


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les décisions du 23 août 2019 et 9 mars 2020 par lesquelles le préfet de la région Provence Alpes Côte d'Azur a délivré à la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Var Aménagement Développement deux autorisations de travaux portant sur la restauration et la mise en valeur de l'aile ouest et du préau de l'abbaye de la Celle.



Par un jugement n° 1903880 et 2001812 du 18 octob

re 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes.





Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les décisions du 23 août 2019 et 9 mars 2020 par lesquelles le préfet de la région Provence Alpes Côte d'Azur a délivré à la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Var Aménagement Développement deux autorisations de travaux portant sur la restauration et la mise en valeur de l'aile ouest et du préau de l'abbaye de la Celle.

Par un jugement n° 1903880 et 2001812 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 décembre 2022 et les 19 septembre et 16 novembre 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Humbert-Simeone, demandent à la Cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2022 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler les autorisations de travaux délivrées les 23 août 2019 et 9 mars 2020 ;

3°) de constater l'illégalité des décisions du maire de la commune de La Celle du 10 mai 2019 et du 3 mars 2020 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Var Aménagement la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le dossier d'autorisation de travaux est incomplet en méconnaissance des dispositions de l'article R. 621-12 du code du patrimoine, dès lors qu'il ne permet pas de contrôler l'insertion du projet en raison de l'insuffisance du descriptif quantitatif détaillé, du plan de masse et du photomontage ;

- les autorisations de travaux en litige méconnaissent les dispositions de l'article R. 621-12 du code du patrimoine et portent atteinte à leur droit de propriété ;

- les dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article R. 621-13 du code du patrimoine ont été méconnues ;

- ils excipent de l'illégalité des avis rendus par le maire de la commune de La Celle rendus en méconnaissance des articles L. 425-5 et R. 425-23 du code de l'urbanisme ;

- ces avis n'explicitent pas pourquoi le projet dérogerait aux dispositions des articles 7 et 11 de la zone UA du règlement du plan local d'urbanisme et de l'article R. 111-27 du même code, qu'il méconnait ;

- ces avis sont, à cet égard, insuffisamment motivés en méconnaissance de l'article L. 152-4 du code de l'urbanisme ;

- la création d'un étage sur l'aile ouest de l'abbaye ainsi que la mise en place d'un bardage en bois sur le mur extérieur de cette aile portent atteinte à l'abbaye en tant qu'elle est classée monument historique, au regard de l'intérêt public et au point de vue de l'histoire et de l'art, en méconnaissance des articles L. 621-1 et L. 621-9 du code du patrimoine.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 juillet 2023 et le 30 octobre 2023, la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Var Aménagement Développement, représentée par Me Parisi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2023, le ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code civil ;

- le code du patrimoine ;

- l'arrêté du 29 novembre 2007 relatif aux modèles de demandes d'autorisations de travaux sur les monuments historiques et à l'enregistrement des demandes d'autorisations de travaux et des déclarations préalables ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dyèvre, rapporteure,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Humbert, représentant M. et Mme B... et E..., représentant la société Var Aménagement Développement.

Considérant ce qui suit :

1. Par décisions du 23 août 2019 et du 9 mars 2020, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a délivré à la société Var Aménagement Développement, mandatée par le conseil départemental du Var propriétaire du bâtiment, deux autorisations de travaux sur le fondement de l'article L. 621-9 du code du patrimoine en vue de la restauration de l'aile ouest et du jardin du cloître de l'abbaye de La Celle, classée monument historique. M. et Mme B..., voisins immédiats de l'abbaye, ont contesté ces deux autorisations. Par un jugement n° 1903880 -2001812 du 18 octobre 2022, dont M. et Mme B... relèvent appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 621-12 du code du patrimoine : (...) La demande et le dossier qui l'accompagne sont adressés, en quatre exemplaires, au service déconcentré chargé de l'architecture et du patrimoine. / Ce dossier comprend : / 1° Le programme d'opération décrivant et justifiant les travaux projetés et l'avant-projet définitif contenant un rapport de présentation, un descriptif quantitatif détaillé et l'ensemble des documents graphiques et photographiques permettant la compréhension des travaux prévus ; (...) Un arrêté du ministre chargé de la culture fixe, selon l'objet des travaux, les modèles de demande et précise la liste des pièces à joindre au dossier. (...) ". L'arrêté du 29 novembre 2007 du ministre de la culture et de la communication précise les pièces composant les documents graphiques et photographiques à joindre au dossier de demande.

3. Il ressort des dossiers de demande d'autorisation de travaux déposés le 12 mars 2019 et le 19 février 2020 qu'ils comportent le descriptif quantitatif détaillé faisant apparaître de façon suffisamment précise les matériaux utilisés et les modalités d'exécution des travaux ainsi que les modifications apportées par la seconde demande d'autorisation. Ces deux dossiers comportent également un plan de masse de l'existant et du projet, lesquels représentent suffisamment l'aile ouest du projet. Le dossier de demande comporte aussi un dossier photographique, lequel représente l'environnement proche du projet correspondant aux vues actuelles d'ensemble et de détail des différents éléments affectés par le projet, lequel est complété par des photographies jointes aux différents plans de coupe. Il ressort des pièces du dossier que les dossiers de demande ne comportent pas de photomontage, seul étant présent un croquis du projet dans son ensemble dans la notice architecturale. Toutefois, compte tenu de la nature des travaux et compte tenu du fait que les pièces produites, notamment les plans de coupe et les photographies figurant au dossier de demande, font apparaître l'insertion des travaux dans chacun de ces plans, l'absence de photomontage n'a pas privé l'administration d'éléments nécessaires à l'instruction de la demande. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier doit être écarté.

4. Aux termes du paragraphe 1er de l'article R. 621-12 du code du patrimoine : " La demande d'autorisation pour les travaux sur un immeuble classé prévue à l'article L. 621-9 est présentée par le propriétaire ou son mandataire ou par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à y exécuter les travaux projetés ou ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique. (...) ". Aux termes de l'article 653 du code civil : " Dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire. ".

5. Une demande d'autorisation de travaux sur un immeuble classé au titre des monuments historiques, lorsqu'elle concerne un mur séparatif de propriété peut, alors même que les travaux en cause pourraient être contestés par les autres propriétaires devant le juge judiciaire sur le fondement de l'article 653 du code civil, être présentée par un seul coindivisaire.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'autorisation initiale du 23 août 2019 prévoyait " la restitution en pierre de l'aile Ouest de l'abbaye de la Celle " et notamment la surélévation du mur de la galerie ouest pour y adjoindre un étage. M. et Mme B... ont soutenu notamment devant le tribunal administratif que ces travaux empiéteraient, sans leur accord, sur ce mur qui serait mitoyen sur leur parcelle cadastrée section B n° 957, selon le plan d'état des lieux dressé le 25 avril 2019 par M. D..., géomètre expert. Néanmoins, l'autorisation de travaux en litige étant délivrée sous réserve des droits des tiers, cette circonstance alléguée par les époux B... ne pouvait légalement faire obstacle à la délivrance de cette première autorisation délivrée le 23 août 2019.

7. D'autre part et en tout état de cause, l'autorisation délivrée le 9 mars 2020, a eu pour objet de prendre en compte la mitoyenneté du mur de l'aile ouest de l'abbaye au droit de la parcelle B n° 957, en " surélevant le mur avec un remplissage en bardage bois en retrait ", posé de manière provisoire, qui sera " maintenu par deux montants métalliques ancrés sur deux massifs ". Dans ces conditions, à supposer que le mur de l'aile Ouest de l'abbaye appartenant au conseil départemental du Var serait mitoyen avec la propriété des époux B... au droit de la parcelle section B n° 957, la seconde autorisation a eu pour effet de régulariser ce vice, dès lors que les travaux de surélévation du mur de la galerie de l'aile ouest ne prennent désormais plus appui sur le mur mitoyen selon les allégations de M. et Mme B....

8. Enfin, si les époux B... soutiennent que les travaux entrepris sur la galerie de l'aile ouest de l'abbaye de La Celle porteraient atteinte à leur droit de propriété, il résulte de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt qu'au droit de la parcelle cadastrée section B n° 957, la surélévation de l'aile Ouest est en retrait du mur litigieux, le bardage en bois prenant appui sur une dalle béton implantée au sol. La circonstance qu'à l'occasion des travaux, des éléments de constructions soient venus prendre appui sur le mur supposé mitoyen, est sans incidence sur la légalité des autorisations de travaux contestées mais relèvent de leur exécution.

9. En outre, M. et Mme B... ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, dès lors que les dispositions du code du patrimoine régissent entièrement les demandes d'autorisation de travaux sur un immeuble classé au titre des monuments historiques.

10. Aux termes de l'article R. 621-13 du code du patrimoine : " L'autorisation de travaux sur un immeuble classé est délivrée par le préfet de région, à moins que le ministre chargé de la culture n'ait décidé d'évoquer le dossier. (...) La décision d'autorisation peut être assortie de prescriptions, de réserves ou de conditions pour l'exercice du contrôle scientifique et technique sur l'opération par les services chargés des monuments historiques. Elle prend en compte les prescriptions éventuellement formulées par l'autorité compétente pour statuer sur les demandes de permis de construire. ".

11. Si la décision d'autorisation de travaux sur un immeuble classé au titre des monuments historiques peut être assortie de prescriptions, notamment celles résultant de l'autorité compétente pour statuer sur les demandes de permis de construire, il ressort des termes de l'avis daté du 10 mai 2019 du maire de la commune de La Celle qu'il n'est pas prescriptif en se bornant à indiquer que " la restauration du bâtiment devra être fidèle dans ses proportions au monument historique d'origine " et ne s'oppose pas à la réalisation d'un étage supplémentaire. M. et Mme B... ne sont ainsi pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article R. 621-13 du code du patrimoine auraient été méconnues par l'absence, dans les décisions contestées, de la prise en compte de l'avis mentionné du maire de la commune de La Celle.

12. Aux termes de l'article L. 425-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur un immeuble classé au titre des monuments historiques, l'autorisation prévue au premier alinéa de l'article L. 621-9 du code du patrimoine dispense de permis de construire, de permis d'aménager, de permis de démolir ou de déclaration préalable dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente pour statuer sur les demandes de permis de construire. " et aux termes de l'article R. 425-23 du même code : " Lorsque le projet porte sur une construction édifiée sur un immeuble classé monument historique, l'autorisation prévue au premier alinéa de l'article L. 621-9 du code du patrimoine dispense de la déclaration préalable ou du permis de construire, dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente pour statuer sur les demandes de permis de construire. ". Aux termes de l'article L. 152-4 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut, par décision motivée, accorder des dérogations à une ou plusieurs règles du plan local d'urbanisme pour permettre (...) 2° La restauration ou la reconstruction d'immeubles protégés au titre de la législation sur les monuments historiques, lorsque les contraintes architecturales propres à ces immeubles sont contraires à ces règles ; (...) ".

13. M. et Mme B... soutiennent que le maire ne pouvait donner son accord au projet sans l'assortir des prescriptions issues des dérogations aux dispositions des articles UA7, UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

14. D'une part, aux termes de l'article 7 de la zone UA du règlement du plan local d'urbanisme : " Dans une bande de 20M. de largeur mesurée à partir de l'alignement par rapport aux voies ou places (ou de la limite qui s'y substitue), les constructions, quelle que soit la profondeur des immeubles et la longueur sur rue, doivent être implantées en ordre continu sur tous les niveaux, d'une limite latérale à l'autre (...) ".

15. Si les appelants excipent de l'illégalité des avis rendus par le maire sur les autorisations de travaux en litige, dès lors que le projet en litige méconnaitrait les dispositions de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme, il ressort des pièces du dossier que l'abbaye est implantée en ordre continu sur tous les niveaux, d'une limite latérale à l'autre, dans la bande de 20 mètres de largeur délimitée par ces dispositions.

16. D'autre part, aux termes de l'article 11 de la zone UA du règlement du plan local d'urbanisme : " Les constructions doivent présenter une simplicité de volume, une unité d'aspect et de matériaux en harmonie avec les constructions avoisinantes et compatibles avec la bonne économie de la construction, la tenue de l'agglomération et l'harmonie du paysage. / dans un ensemble architectural présentant une unité de volume, de matériaux, de couleur ou de style, lel permis de construire peut être refusé su les travaux projetés sont de nature à rompre l'harmonie de l'ensemble... Les toitures sont simples, généralement à deux pentes opposées. La pente de la toiture doit être sensiblement identique à celle des toitures des constructions avoisinantes(...) " et aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "

17. Il ressort des pièces du dossier que l'abbaye de La Celle est implantée au sein du centre village caractérisé par un tissu urbain dense composé de constructions à usage d'habitation, de commerces, services et activités dont le caractère architectural est structuré par et autour de la présence de l'abbaye et l'Eglise de La Celle. Le projet litigieux consiste en la rénovation de l'abbaye de La Celle, classée monument historique par arrêté du 12 juillet 1886, afin d'en retrouver la structure initiale, notamment de restituer son aile ouest par la rénovation du rez-de-chaussée de la galerie ouest du cloitre ainsi que la surélévation à l'étage d'une aile destinée à abriter des bureaux donnant sur la terrasse. La surélévation de l'aile ouest, qui demeure alignée avec les constructions avoisinantes, n'a ni pour effet, ni pour objet ni pour effet de dénaturer la place de l'Eglise, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B.... En outre, la circonstance que cette place serait privée de tout ensoleillement est sans incidence sur la méconnaissance des règles citées au point 16 du présent arrêt.

18. En outre, si les requérants soutiennent que le toit à une pente choisi pour la couverture de l'aile Ouest méconnait les dispositions de l'article UA11.2.2.a) précitées du règlement du plan local d'urbanisme, il ne résulte pas de ces dispositions qu'un toit à deux pentes opposées devait être prescrit à peine d'illégalité.

19. Dans ces conditions, il ne résulte pas de ce qui a été exposé aux points 12 à 18 que les avis du maire devaient, de manière motivée, exposer les dérogations qu'il entendait accorder aux dispositions du code de l'urbanisme et du plan local d'urbanisme précitées, dès lors qu'aucune de ces dispositions n'étaient méconnues. Par suite, les avis rendus par le maire les 10 mai 2019 et 3 mars 2020, lesquels sont suffisamment motivés, ne sont pas entachés d'illégalité.

20. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 621-1 du code du patrimoine : " Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins de l'autorité administrative ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 621-9 de ce code : " L'immeuble classé au titre des monuments historiques ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l'objet d'un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, sans autorisation de l'autorité administrative ". L'article R. 621-18 du même code précise que le contrôle scientifique et technique assuré par les services de l'Etat chargés des monuments historiques est notamment destiné à " vérifier et garantir que les interventions sur les immeubles classés, prévues à l'article L. 621-9 sont compatibles avec le statut de monument historique reconnu à ces immeubles en application de cette section, ne portent pas atteinte à l'intérêt d'art ou d'histoire ayant justifié leur classement au titre des monuments historiques et ne compromettent pas leur bonne conservation en vue de leur transmission aux générations futures ". Enfin, aux termes de l'article R. 621-19 du code du patrimoine : " Les services de l'Etat chargés des monuments historiques définissent, en fonction des caractéristiques des immeubles concernés, les conditions scientifiques et techniques selon lesquelles les interventions sur ces monuments historiques sont étudiées, conduites et font l'objet de la documentation appropriée. Ils veillent à leur mise en œuvre ".

21. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation au titre du premier alinéa de l'article L. 621-9 du code du patrimoine, il revient à l'autorité administrative d'apprécier le projet qui lui est soumis, non au regard de l'état de l'immeuble à la date de son classement, mais au regard de l'intérêt public, au point de vue de l'histoire ou de l'art, qui justifie cette mesure de conservation.

22. D'une part, il ressort de la notice architecturale que " les fouilles archéologiques de l'aile ouest ont permis de comprendre la juxtaposition des strates historiques de construction de l'abbaye et mettre à jour l'existence de murs et d'espaces datant du monastère (du XIIème siècle : le mur des arcades et le mur de clôture) " et précise dans le projet de mise en œuvre que " l'élévation du mur Ouest étant déjà largement remaniée (au XIXème ), il est fait le choix de surélever ce mur au même nu et dans le même appareil afin d'avoir un mur unifié depuis l'espace public ". Le rapport établi par Yann Codou et Francesco Flavigny en 2002 fait ainsi état de ce que la galerie ouest est " totalement comblée " et servait notamment d'annexes mais que " du fait des destruction puis du comblement que la galerie ouest a subi, il est impossible d'en préciser les dimensions primitives ". Enfin, l'étude générale de mise en valeur de l'édifice datée de novembre 2004 réalisée par Francesco Flavigny, architecte en chef des monuments historiques indique que le cloître des prêtres " dont les encadrements de baies médiévales se voient dans le bâtiment qui le délimitent à l'ouest " " semble avoir comporté deux niveaux ". Il ressort ainsi de ces documents que l'aile ouest de l'abbaye comportait un étage ou à tout le moins des combles. Si M. et Mme B... soutiennent que les combles et annexes ainsi relevées ne correspondaient pas à l'étage tel que restitué dans les dossiers d'autorisations de travaux contestés, ainsi qu'il a été dit, le classement de l'abbaye de La Celle au titre des monuments historiques a eu uniquement pour effet de soumettre l'immeuble à la réglementation sur les monuments historiques, sans protéger la configuration exacte de l'abbaye telle qu'elle existait à la date de ce classement. M. et Mme B... qui, s'ils relèvent que l'aile ouest telle que restituée par les autorisations de travaux contestées, ne correspond pas à celle qui préexistait, ne discutent toutefois pas utilement de ce que cette restitution serait entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'intérêt public et au point de vue de l'histoire et de l'art.

23. D'autre part, si M. et Mme B... soutiennent que l'utilisation d'un bardage en bois sur le mur de l'aile ouest serait incompatible avec le monument historique et porte atteinte à l'intérêt d'art et d'histoire de l'abbaye, il ressort toutefois des pièces du dossier que ce bardage est provisoire et a vocation à être remplacé par un mur en moellons et joints beurrés de chaux. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet aménagement provisoire porterait atteinte, au regard de l'intérêt public et au point de vue de l'histoire et de l'art, au monument historique.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Var Aménagement Développement, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par M. et Mme B... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme B... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAEM Var Aménagement Développement et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme B... verseront à la SAEM Var Aménagement Développement une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et Mme A... B..., à la SAEM Var Aménagement Développement et au ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- Mme Dyèvre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2025.

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N° 22MA03067

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03067
Date de la décision : 08/01/2025

Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Constance DYEVRE
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SCP IMAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-08;22ma03067 ?
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