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08/01/2025 | FRANCE | N°24MA00133

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 08 janvier 2025, 24MA00133


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite de rejet née le 24 août 2020 du silence gardé par le maire de la commune de Régusse et la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du Var sur leur recours gracieux exercé à l'encontre du certificat d'urbanisme opérationnel négatif du 24 janvier 2020, par lequel, ledit maire a indiqué que la construction d'une maison d'habitation sur la parcelle

cadastrée section D n° 1153, située Allée " la Grande Cadenière " sur le territoire co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite de rejet née le 24 août 2020 du silence gardé par le maire de la commune de Régusse et la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du Var sur leur recours gracieux exercé à l'encontre du certificat d'urbanisme opérationnel négatif du 24 janvier 2020, par lequel, ledit maire a indiqué que la construction d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section D n° 1153, située Allée " la Grande Cadenière " sur le territoire communal, n'était pas réalisable.

Par un jugement n° 2002827 du 21 novembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2024, M. A... B... et Mme C... B..., représentés par Me Dragone, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 novembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 24 août 2020 rejetant leur recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la commune de Régusse de leur délivrer au nom de l'Etat le certificat d'urbanisme sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Régusse la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la maire de Régusse n'était pas compétente pour étudier sa demande alors que la commune n'était pas dotée d'un plan local d'urbanisme et était soumise au règlement national d'urbanisme ; elle n'a pas instruit le dossier ; elle s'est estimée liée par l'avis des services de l'Etat ;

- leur parcelle est située en continuité du village et est incluse dans un groupe d'habitations au sens de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, et la maire de Régusse a commis une erreur d'appréciation ;

- aucun risque majeur d'incendie n'est identifié dans le secteur de la parcelle et le motif de refus fondé sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est également entaché d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, la commune de Régusse, représentée par Me Reghin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire présenté pour M. et Mme B... a été enregistré le 21 novembre 2024 et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Faure-Bonaccorsi, représentant la commune de Régusse.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., propriétaires d'un terrain cadastré section D n° 1153 situé allée La Grande Cadenière à Régusse, ont sollicité du maire de la commune la délivrance d'un certificat d'urbanisme opérationnel en vue de la construction d'une maison d'habitation et de ses annexes. Par une décision du 24 janvier 2020, le maire de la commune a indiqué que le terrain objet de la demande ne peut être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée. Ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 novembre 2023 qui a rejeté leur requête à l'encontre de la décision implicite rejetant leur recours gracieux à l'encontre de la décision du 24 janvier 2020.

Sur l'étendue du litige :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les conclusions aux fins d'annulation de M. et Mme B... à l'encontre de la décision rejetant leur recours gracieux doivent être regardées comme dirigées également à l'encontre du certificat d'urbanisme négatif opposé le 24 janvier 2020 à leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4 : En premier lieu, l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dispose : " Le certificat d'urbanisme est délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat par l'autorité compétente mentionnée au a et au b de l'article L. 422-1du présent code. ". Aux termes de l'article L. 422-1 de ce code : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale avant cette date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil municipal. En l'absence de décision du conseil municipal, le maire est compétent, au nom de la commune, à compter du 1er janvier 2017. Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Régusse disposait d'un plan d'occupation des sols, approuvé le 4 juillet 1987, puis modifié les 30 novembre 2005 et 1er décembre 2006. Le transfert de compétence en matière de délivrance du permis de construire, et donc de certificat d'urbanisme, était ainsi intervenu, et dès lors définitif. Le moyen tiré de ce que la maire de Régusse aurait été incompétente pour délivrer le certificat d'urbanisme litigieux doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu ; ". Ces dispositions, relatives au régime des autorisations d'urbanisme et des déclarations préalables, ne sont pas applicables aux certificats d'urbanisme. Aucune autre disposition ne subordonne la délivrance d'un certificat d'urbanisme à un avis conforme du préfet. Il s'ensuit que s'il est loisible au maire ou, par délégation, au président de l'établissement public de coopération intercommunale de recueillir l'avis du préfet sur une demande de certificat d'urbanisme dont il est saisi, il n'est toutefois pas lié par cet avis.

7. Si le territoire de la commune de Régusse n'était pas couvert par un document d'urbanisme à la date du certificat d'urbanisme litigieux, la maire de Régusse était, ainsi qu'il vient d'être dit au point 5, compétente pour délivrer ce certificat au nom de la commune. En outre, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., il ressort des termes de ce certificat que la maire de Régusse a bien instruit le dossier, sans recueillir l'avis des services de l'Etat, et ne s'est a fortiori pas estimée en situation de compétence liée pour le délivrer. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 2, ceux-ci ne peuvent utilement soutenir à l'appui de leurs conclusions que la maire de Régusse n'était pas compétente pour rejeter leur recours gracieux ou, à supposer qu'elle le soit, se serait estimée lié par l'avis des services de l'Etat. A ce dernier égard au demeurant, il ressort au contraire des termes de sa lettre du 17 mars 2020 accusant réception de ce recours qu'elle le transmet pour instruction et que " le défaut de réponse de ma part, à l'expiration du délai de deux mois à compter de la date de réception de votre lettre, fera naître une décision implicite de rejet de votre recours ". Il n'est donc pas davantage établi que la maire de Régusse se serait estimée en situation de compétence liée pour rejeter ce recours.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. " Aux termes de l'article L. 122-5-1 du même code : " Le principe de continuité s'apprécie au regard des caractéristiques locales de l'habitat traditionnel, des constructions implantées et de l'existence de voies et réseaux. " l'article L. 122-6 dispose : " Les critères mentionnés à l'article L. 122-5-1 sont pris en compte : / (...) b) Pour l'interprétation des notions de hameaux et de groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, lorsque la commune n'est pas dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale. "

9. Il résulte de ces dispositions que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants " et qu'est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble. Pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant.

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la parcelle du projet en litige est située à plus de 900 mètres du centre de la commune de Régusse en étant séparé par une vaste zone boisée, au sein de laquelle ne se trouvent que quelques rares habitations éparses. D'autre part, si M. et Mme B... soutiennent que leur parcelle se trouve au sein d'un groupe d'habitations au sens de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, elle s'ouvre sur une vaste zone naturelle boisée au sud et n'est entourée que de trois habitations au nord-ouest, au nord-est et à l'est, distantes de plusieurs dizaines de mètres, qui se trouvent elles-mêmes isolées d'une zone d'habitation diffuse à l'ouest, située à plus de 50 mètres et 100 mètres des habitations suivantes, implantées sans cohérence entre elles ou caractéristiques communes. Par suite, la parcelle en litige ne saurait être considérée comme située en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existant.

11. Il résulte de l'instruction que la maire de Régusse aurait pris la même décision de certificat d'urbanisme opérationnel non réalisable si elle s'était fondée uniquement sur le motif tiré de la non-conformité du projet aux dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, ce motif suffisant à la justifier légalement. Dès lors, le moyen dirigé contre l'autre motif de la décision attaquée, tiré de la violation de l'article R. 111-2 du même code, est inopérant.

12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme B.... Il n'appelle donc aucune mesure d'exécution et les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses frais.

D É C I D E

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Régusse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme C... B... et à la commune de Régusse.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente-assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 janvier 2025.

2

N° 24MA00133


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00133
Date de la décision : 08/01/2025

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. - Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : DRAGONE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-08;24ma00133 ?
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