Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2305744 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée 24 avril 2024 M. D..., représenté par Me Archenoul, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du19 avril 2023 ;
3°) A titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. C... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 décembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Portail a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant comorien, relève appel du jugement du 29 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2023, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal a répondu de manière circonstanciée et suffisamment motivée aux moyens soulevés par M. D.... Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ce jugement ne peut, dès lors, qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions :
4. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté serait insuffisamment motivé par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille, aux points 3 et 7 de son jugement, le requérant ne faisant état devant la Cour d'aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation.
En ce qui concerne la décision portant refus du titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Si le requérant soutient vivre en concubinage avec une compatriote, il ressort des pièces du dossier que cette situation est récente. S'il fait valoir la naissance d'un enfant, E... D..., née le 6 octobre 2022, et que sa compagne a également eu un enfant, B... A..., de nationalité française, issue d'une précédente union avec un ressortissant français, M. D... ne démontre pas que cet enfant vivait effectivement au domicile du couple à la date de l'arrêté attaqué. En se bornant à produire des attestations dépourvues de précisions, une requête conjointe aux fins d'homologation d'une convention parentale, en date du 4 septembre 2023 et un relevé des caisses d'allocations familiales du 19 juin 2023 précisant que les deux enfants sont rattachés au dossier du couple, documents au demeurant postérieurs à l'arrêté en litige, M. D... n'établit pas que l'enfant résiderait chez sa mère. Il ne ressort pas des pièces du dossier que sa compagne, de nationalité étrangère, disposait d'un titre de séjour à la date de cet arrêté. Si le requérant se prévaut de la présence de deux frères en France, l'un étant titulaire d'une carte de résident et l'autre étant de nationalité française, il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales et personnelles aux Comores, où il a vécu pour le moins jusqu'à l'âge de 23 ans. Si M. D... soutient résider habituellement sur le territoire français depuis 2015 et s'il ressort des pièces du dossier qu'il a exercé une activité professionnelle de 2016 à 2019, qu'il est investi depuis septembre 2022 au sein d'une association et qu'il donne des cours particuliers ou de soutien scolaire, ces seuls éléments ne permettent pas de justifier d'une insertion professionnelle particulière en France. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, M. D... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".
8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
9. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale "
10. Comme il a été développé au point 6, la simple production d'une carte d'identité de l'enfant, de l'acte de naissance de l'enfant, de la requête conjointe aux fins d'homologation d'une convention parentale déposée le 4 septembre 2023, soit plusieurs mois après la date de l'arrêté en litige, ainsi que d'un relevé de la caisse d'allocations familiales précisant que deux enfants sont rattachés au dossier du requérant et de sa compagne, dont B... A... et E... D..., ne permettent pas de démontrer que cette dernière vivrait effectivement au domicile du couple à la date de cet arrêté. En outre, dans les circonstances de l'espèce, aucun élément ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se poursuivre aux Comores, pays dont est originaire sa compagne et leur enfant commun. Dans ces conditions, par l'arrêté attaqué, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
11. Ainsi qu'il a été dit au point 6, M. D... ne justifie pas avoir constitué en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés aux instances :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais de l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au ministre de l'intérieur et à Me Archenoul.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2025.
N° 24MA01062 2