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22/01/2025 | FRANCE | N°24MA01699

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 22 janvier 2025, 24MA01699


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un délai de 10 ans et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



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Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 2 juillet 2024, M. B..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un délai de 10 ans et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2402232 du 14 mars 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Belaïche, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2024 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de dix ans ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une attestation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est signé par une autorité incompétente, en l'absence de décision portant nomination du signataire permettant de s'assurer qu'il peut recevoir délégation de signature en application du décret du 29 avril 2004 ;

- la décision d'éloignement est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il excipe de l'illégalité du refus de renouvellement de sa carte de résident, lequel est entaché d'erreur de droit en méconnaissance des dispositions de l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale, dès lors qu'il démontre l'ancienneté de ses liens avec la France.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 31 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Dyèvre, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, a fait l'objet d'un arrêté du 1er mars 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de dix ans. Par un jugement du 14 mars 2024, dont M. B... relève appel, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que : " Le préfet de département peut donner délégation de signature, notamment en matière d'ordonnancement secondaire : (...) / 2° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département ; ces chefs de service peuvent recevoir délégation afin de signer les lettres d'observation valant recours gracieux adressées aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics ; / (...) 7° Aux agents en fonction dans les préfectures, pour les matières relevant des attributions du ministre de l'intérieur, y compris les lettres d'observation valant recours gracieux formés auprès des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, pour les matières relevant des ministères qui ne disposent pas de services dans le département ainsi que pour la transformation en états exécutoires des ordres de recettes mentionnés aux articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du 1er mars 2024 a été signé par M. A... D..., lequel bénéficiait, en sa qualité d'adjoint à la cheffe du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile à la préfecture des Bouches-du-Rhône d'une délégation de signature à l'effet de signer les décisions attaquées par arrêté n° 13-2023-10-06-00006 du 6 octobre 2023 régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que cet arrêté vise la nomination de l'agent bénéficiaire de la délégation. Aussi, la circonstance que cet arrêté ne mentionne pas la décision de nomination de M. A... D... est sans incidence sur la régularité de l'arrêté du 6 octobre 2023. Dans ces conditions, l'arrêté contesté du 1er mars 2024 n'a pas été signé par une autorité incompétente, alors même que l'autorité administrative n'aurait pas justifié la nomination de l'agent signataire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sous réserve des dispositions des articles L. 411-5 et L. 432-3, une carte de résident est renouvelable de plein droit. ". Aux termes de l'article R. 431-5 de ce code : " Si l'étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants : / 1° L'étranger qui dispose d'un document de séjour mentionné aux 2° à 8° de l'article L. 411-1 présente sa demande de titre de séjour entre le cent-vingtième jour et le soixantième jour qui précède l'expiration de ce document de séjour lorsque sa demande porte sur un titre de séjour figurant dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2. Lorsque sa demande porte sur un titre de séjour ne figurant pas dans cette liste, il présente sa demande dans le courant des deux mois précédant l'expiration du document dont il est titulaire ; (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une demande de renouvellement de carte de résident doit être présentée, à peine d'irrecevabilité, au cours des deux derniers mois précédant l'expiration de cette carte. Lorsque le préfet est saisi d'une demande de renouvellement d'une carte de résident après l'expiration de ce délai, cette demande doit être regardée comme tendant à la première délivrance de cette carte.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 7 mars 2016, reçu le 9 mars suivant en préfecture de Vaucluse, M. B... a sollicité le renouvellement de sa carte de résident qui expirait le 1er mars 2016. Par un jugement du 20 juin 2019 n° 1702501, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir requalifié la demande de M. B... en première demande dès lors qu'elle n'a pas été présentée dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de son précédent titre, a annulé la décision implicite opposée par le préfet à la demande de l'intéressé et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B.... Par un arrêté du 12 juillet 2021, le préfet de Vaucluse a refusé de délivrer à M. B... le titre de séjour qu'il sollicitait. Par un jugement n° 2202205 du 7 mars 2024, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2021. Dans ces conditions, si M. B... soutient que sa carte de résident aurait dû être renouvelée de plein droit en vertu des dispositions citées au point 6 du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier qu'il a bénéficié, en dernier lieu, d'une carte de résident valable du 2 mars 2006 au 1er mars 2016. Ainsi, en sollicitant le 9 mars 2016 une carte de résident, soit après l'expiration de son précédent titre, sa demande doit être regardée comme une nouvelle demande de carte de résident pour laquelle les dispositions de l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'appliquent pas. Par suite, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus opposé à sa demande de titre de séjour le 12 juillet 2021, à l'encontre de la mesure d'éloignement du 1er mars 2024.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. B... soutient résider en France depuis 1979 et s'être maintenu depuis cette date sur le territoire français sous couvert de titres de séjours valables jusqu'au 1er mars 2016. L'intéressé est père de sept enfants, majeurs à la date de la décision en litige, dont l'un au moins réside en France et a attesté l'héberger en 2016. M. B... a fait l'objet d'une condamnation à une peine de seize années de réclusion criminelle pour s'être rendu coupable, d'une part, de courant 2002 au 3 octobre 2003, par violence, contrainte, menace ou surprise, d'avoir commis des actes de pénétration sexuelle de quelque nature qu'ils soient sur la personne de sa fille avec la circonstance que celle-ci était, à la date des faits âgées de moins de 15 ans, d'autre part, du 4 octobre 2004 à courant novembre 2004, par violence, contrainte, menace ou surprise, d'avoir commis des actes de pénétration sexuelle de quelque nature qu'ils soient sur la personne de sa fille. Si M. B... verse aux débats quelques témoignages faisant état qu'il maintient des relations avec l'un de ses fils ainsi qu'avec ses deux frères, qui attestent en février 2024, rendre visite au requérant, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé est divorcé et dépourvu de toute autre relation privée ou familiale en France. Dans ces conditions, M. B... ne contestant pas ne pas être dépourvu d'attaches privées ou familiales au Maroc, eu égard aux conditions de son séjour en France et à la gravité des faits pour lesquels il a été condamné, l'arrêté en litige lui faisant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision soit entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) " et aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

9. Pour la mise en œuvre de ces dispositions, il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve la personne étrangère concernée. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressée au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de cette personne sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont elle a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de la personne intéressée sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent que M. B... ne démontre pas l'intensité de ses liens privés et familiaux en France. Eu égard à la gravité du comportement de l'intéressé, la seule ancienneté de la présence alléguée en France de M. B..., n'est pas de nature à avoir entaché d'erreur d'appréciation la décision du préfet des Bouches-du-Rhône de lui interdire le retour sur le territoire français pour une durée de dix ans.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2025, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- Mme Dyèvre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025.

2

N° 24MA01699

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01699
Date de la décision : 22/01/2025

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Constance DYEVRE
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : BELAICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-22;24ma01699 ?
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