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30/01/2025 | FRANCE | N°24MA02038

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 30 janvier 2025, 24MA02038


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 mars 2024 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2402520 du 18 juillet 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 31 juillet 2024, Mme C..., représentée par Me Tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 mars 2024 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2402520 du 18 juillet 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2024, Mme C..., représentée par Me Traversini, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 juillet 2024 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2024 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler et portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une attestation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle excipe de l'illégalité du refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dyèvre, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante géorgienne, est entrée en France le 8 octobre 2022. Après avoir été déboutée de sa demande d'asile par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 janvier 2023, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 31 août 2023, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade pour le compte de son enfant malade. Par un arrêté du 22 mars 2024 le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2402520 du 18 juillet 2024, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) " et aux termes sur l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 27 juin 2023, que l'état de santé de Mme D..., fille de Mme C..., nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que l'enfant peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par ailleurs, il ressort de cet avis que son état de santé n'est pas de nature à l'empêcher de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour remettre en cause cet avis, Mme C... verse au dossier outre diverses ordonnances médicales et analyses peu lisibles ainsi qu'un certificat médical en date du 21 novembre 2022 émis par le docteur B..., du service d'onco-hématologie pédiatrique, faisant état de ce que Mme D... a " un résidu suprasellaire d'un xanthoastrocytome pléomorphe stable, trois ans après sa chirurgie " et que son état nécessite " une prise en charge multidisciplinaire avec une consultation de neuropédiatrie dans le cadre de son épilepsie et de son déficit moteur (...), un suivi et une consultation en endocrinologie en raison du panhypopituitarisme, une prise en charge auprès du centre Clément Ader pour sa cécité et la mise en place d'un kinésithérapie en raison de son hémiparésie spastique droite ". Elle se prévaut également de deux certificats médicaux faisant état de ce que l'enfant ne peut faire de longs trajets quotidiens et nécessite l'assistance d'une tierce personne au quotidien. Si Mme C... soutient que les médicaments prescrits ainsi que le suivi médical dont bénéficie sa fille en France ne pourront être poursuivis en Géorgie en raison du coût qu'ils représentent, elle ne démontre pas qu'elle ne pourrait en bénéficier effectivement dans son pays d'origine. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposé méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.(...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'est présente en France, avec ses trois filles, que de manière très récente, eu égard à son entrée en France le 8 octobre 2022. En dépit de la scolarité poursuivie par deux de ses enfants et du suivi médical de son troisième enfant, elle n'y dispose d'aucune attache privée ou familiale. Elle n'apporte, en outre, aucun élément de nature à démontrer des perspectives d'insertion professionnelle et sociale dans la société française. Dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme ayant établi en France le centre de ses intérêts privés et familiaux alors qu'elle n'établit pas, par ailleurs, être dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, la décision contestée ne méconnaît ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision soit entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

5. Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'enfant de la requérante ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié à son état en Géorgie. Par ailleurs, eu égard à la durée de la présence en France de Mme C... et de ses filles, qui y sont entrées le 8 octobre 2022, la scolarisation de ses deux filles aînées est également particulièrement récente. Dans ces conditions, en prenant la décision contestée, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants de la requérante. Par suite, en prenant une décision portant obligation de quitter le territoire français, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

7. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) "

8. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment, s'agissant de la situation personnelle et familiale de l'appelante, qu'elle ne peut être regardée comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que l'illégalité de la décision portant refus de séjour n'est pas établie. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait privée de base légale.

10. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...)3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".Aux termes de l'articles L. 613-1 de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. ".

11. Si Mme C... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, dès lors que seules sont citées les dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, l'intéressée s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision portant refus de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me Traversini et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- Mme Dyèvre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.

2

N° 24MA02038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA02038
Date de la décision : 30/01/2025

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Constance DYEVRE
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : TRAVERSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-30;24ma02038 ?
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