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30/01/2025 | FRANCE | N°24MA02577

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 30 janvier 2025, 24MA02577


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Par un jugement n° 2003822 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme B... et lui a enjoint de réexaminer cette demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.



Par un jugement n° 2400876 du 30 avril 2024, le tribunal a prononcé une astreinte à l'encontre du préfet des Alpes-Maritime

s s'il ne justifiait pas avoir, dans les huit jours suivant sa notification, exécuté le jugement n° 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par un jugement n° 2003822 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme B... et lui a enjoint de réexaminer cette demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 2400876 du 30 avril 2024, le tribunal a prononcé une astreinte à l'encontre du préfet des Alpes-Maritimes s'il ne justifiait pas avoir, dans les huit jours suivant sa notification, exécuté le jugement n° 2003822 du 6 décembre 2022. Le taux de cette astreinte a été fixé à 100 euros par jour à compter de l'expiration du délai de huit jours suivant la notification du jugement.

Par une requête enregistrée le 20 juin 2024, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nice de procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement n° 2400876 du 30 avril 2024.

Par un jugement n° 2403341 du 24 septembre 2024, le tribunal administratif de Nice a fait droit à sa demande et a condamné l'Etat à lui verser la somme de 13 800 euros au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par le jugement du 30 avril 2024.

Procédure devant la cour

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 et 15 octobre 2024 sous le n° 24MA02577, le préfet des Alpes-Maritimes demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 24 septembre 2024 ;

2°) à titre subsidiaire, de modérer le montant alloué à de plus justes proportions.

Il soutient que :

- afin d'exécuter le jugement du 6 décembre 2022, il a adressé une demande de pièces complémentaires à Mme B..., à laquelle elle a répondu par courriel, sur une messagerie structurelle, et non par courrier ; ce courriel ne mentionnait pas son nom en objet et émanait d'un nouvel avocat ; ces éléments, imputables à Mme B..., ont retardé le traitement de son dossier, dans un contexte de saturation du service ;

- une décision statuant sur la demande de l'intéressée est en cours de notification ;

- il convient de réviser le montant alloué au taux maximum par le tribunal administratif.

Par un mémoire enregistré le 14 novembre 2024, Mme B..., représentée par Me Traversini, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que les moyens invoqués par le préfet ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2024.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 et 15 octobre 2024 sous le n° 24MA02578, le préfet des Alpes-Maritimes demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 24 septembre 2024 ;

Il soutient que les moyens présentés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire, enregistré le 5 décembre 2024, Mme B..., représentée par Me Traversini, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 décembre 2024.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Quenette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante philippine née le 3 novembre 1979, a sollicité le 30 janvier 2020 la délivrance d'un titre de séjour. Par un jugement du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande et lui a enjoint de réexaminer cette demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par un jugement du 30 avril 2024, le même tribunal a prononcé, à la demande de Mme B..., une astreinte à l'encontre du préfet des Alpes-Maritimes, fixée à 100 euros par jour de retard, s'il ne justifiait pas avoir, dans les huit jours suivant sa notification, exécuté le jugement du 6 décembre 2022. Par un jugement du 24 septembre 2024, le tribunal administratif de Nice a procédé à la liquidation provisoire de cette astreinte et condamné l'Etat à verser à Mme B... la somme de 13 800 euros. Le préfet des Alpes-Maritimes relève appel de ce dernier jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution.

2. Les affaires enregistrées sous les n° 24MA02577 et 24MA02578 concernent un même ressortissant étranger et sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 24MA02577 :

3. Aux termes de l'article L. 911-6 du code de justice administrative : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts ". Aux termes de l'article L. 911-7 de ce code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ".

4. Il résulte de l'instruction qu'à la date du jugement contesté, le 24 septembre 2024, le préfet des Alpes Maritimes n'avait pas procédé à l'examen du droit au séjour de Mme B..., en dépit du jugement du 6 décembre 2022 lui impartissant un délai de deux mois pour y procéder et du jugement du 30 avril 2024 prononçant à son encontre une astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut d'exécution sous huit jours, soit un délai écoulé de 138 jours depuis la date de notification de ce dernier jugement. Si le préfet des Alpes-Maritimes justifie avoir adressé, le 16 février 2024, un courrier à Mme B... afin qu'elle produise, sous quinze jours, les justificatifs nécessaires à l'actualisation de sa situation, il est constant que son conseil, Me Traversini, a communiqué les éléments demandés par courriel adressé à la préfecture une première fois le 24 février 2024, et une seconde fois le 28 février suivant. A cet égard, les circonstances que les pièces demandées ont été envoyées par courriel et non par courrier comme demandé, et que ce courriel ne mentionnait pas, en objet, le nom de Mme B... et a été adressé par un nouveau conseil, ne saurait, à elles seules, expliquer le retard pris dans le traitement du dossier, alors que l'objet de ce courriel, à savoir l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nice n° 2003822 était suffisamment explicite. Par ailleurs, s'il résulte de l'instruction que Mme B... s'est vue délivrer une autorisation provisoire de séjour valable du 23 mai au 22 août 2024 il est constant que le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas procédé, pendant cette période, au réexamen du droit au séjour de l'intéressée, à l'encontre de laquelle un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement n'a été édicté que le 6 octobre 2024, quelques jours après la notification du jugement liquidant l'astreinte du 24 septembre 2024. Il n'y a donc pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de moduler le taux de l'astreinte liquidée par le tribunal administratif.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont liquidé l'astreinte prononcée par le jugement du 30 avril 2024 au taux maximum de 13 800 euros.

Sur la requête n° 24MA02578 :

6. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions du préfet des Alpes-Maritimes tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 24 septembre 2024 sont devenues sans objet.

Sur les frais liés aux litiges :

7. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les deux instances. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser son conseil, Me Traversini, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

D É C I D E:

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24MA02578.

Article 2 : La requête n° 24MA02577 du préfet des Alpes-Maritimes est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Traversini une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Traversini et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au ministère public près la Cour des comptes en application de l'article R. 921-7 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président de chambre,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2025.

2

N° 24MA02577-24MA02578

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA02577
Date de la décision : 30/01/2025

Analyses

54-06-07-01-04 Procédure. - Jugements. - Exécution des jugements. - Astreinte. - Liquidation de l'astreinte.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : TRAVERSINI;TRAVERSINI;TRAVERSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-30;24ma02577 ?
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