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03/02/2025 | FRANCE | N°24MA00044

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 03 février 2025, 24MA00044


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 8 août 2023, par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.



Par une ordonnance n° 2308506 du 5 décembre 2023, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une r

equête et un mémoire, enregistrés le 8 janvier 2024 et 14 janvier 2025, M. A..., représenté par Me Diouf, demande à la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 8 août 2023, par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par une ordonnance n° 2308506 du 5 décembre 2023, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 janvier 2024 et 14 janvier 2025, M. A..., représenté par Me Diouf, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2023 l'obligeant à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa situation et lui octroyer un récépissé ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance est insuffisamment motivée ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'auteur de cet arrêté est incompétent ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard de sa situation professionnelle et de son insertion à ce titre ;

- il justifie de l'ancienneté, de la stabilité de ses liens personnels et familiaux et attaches familiales.

Les parties ont été informées, par lettre du 15 janvier 2025, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public relevé d'office, tiré de l'incompétence de la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille à avoir rejeté la demande de M. A... par voie d'ordonnance sur le fondement du 7° de l'article R. 221-1 du code de justice administrative.

Par une décision en date du 29 mars 2024, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 31 mars 1986 à Ziguinchor, a sollicité le 23 mai 2023, son admission exceptionnelle au séjour en tant que salarié. Par arrêté du 8 août 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en mentionnant le pays de destination. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire ainsi émise à son encontre. Par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 7ème chambre du tribunal a rejeté cette demande. M. A... relève appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) ".

3. Il ressort de l'examen de l'ordonnance attaquée que la présidente de la 7ème chambre du tribunal, considérant que les moyens soulevés par M. A... n'étaient " dirigés qu'à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour et non envers la décision litigieuse laquelle porte l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ", a estimé que le demandeur ne pouvait utilement se prévaloir de ces moyens, et a rejeté pour ce motif la demande de M. A... sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

4. Or, M. A... avait présenté un moyen tiré de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, qui était opérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen de régularité soulevé par M. A..., c'est à tort que la présidente de la 7ème chambre du tribunal de Marseille a statué par voie d'ordonnance sur la demande de M. A.... Par suite, son ordonnance est entachée d'incompétence et doit être annulée. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire.

Sur le bien-fondé de la demande de M. A... :

6. En premier lieu, par arrêté du 16 mai 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département du même jour, le préfet des Bouches-du-Rhône a donné délégation à Mme C... B..., attachée, cheffe du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile, signataire de la décision attaquée, à l'effet de signer tout document relatif à la procédure de délivrance de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

7. En deuxième lieu, l'arrêté en litige vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Il est donc suffisamment motivé. En critiquant l'appréciation du préfet des Bouches-du-Rhône tant sur l'ancienneté de son séjour que sur la justification de son activité professionnelle, l'appelant remet en cause non pas la motivation de l'arrêté mais son bien-fondé.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ".

9. M. A... se prévaut de son insertion socioprofessionnelle ainsi que de ses liens personnels. Toutefois, la circonstance qu'il a d'abord occupé un emploi temporaire de serveur au sein de l'établissement Marseille Centre Connection durant le mois de mai 2022, et qu'il a été recruté par la société So Mochi ne saurait être regardée comme attestant d'une insertion professionnelle particulière. De même, en invoquant la présence de plusieurs membres de sa famille depuis plusieurs années, il n'établit pas davantage justifier d'une insertion au sein de la société française. En tout état de cause, ces seules circonstances ne sauraient constituer un motif exceptionnel ou relever de considérations humanitaires au sens des dispositions précitées. Aussi, le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de régulariser la situation de M. A... sur le fondement de ces dispositions, ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation.

10. En quatrième lieu, M. A... ne peut utilement invoquer la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, dès lors, d'une part, que celle-ci ne revêt pas un caractère réglementaire et, d'autre part, que les critères de régularisation y figurant ne présentent pas le caractère de lignes directrices susceptibles d'être invoquées mais constituent de simples orientations pour l'exercice, par le préfet, de son pouvoir de régularisation. Pour les mêmes raisons, il ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 5 février 2024, au demeurant postérieure à la date de l'arrêté en litige.

11. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. Pour les raisons de fait rappelées au point 9, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2023 doivent être rejetées. Ses conclusions à fin d'injonction doivent donc être rejetées par voie de conséquence, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2308506 du 5 décembre 2023 de la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : La demande de première instance de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le surplus de la requête d'appel de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Diouf.

Copie en sera transmise au préfet des Bouches-du-Rhône

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2025, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère,

- Mme Caroline Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2025.

N° 24MA00044 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00044
Date de la décision : 03/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : DIOUF

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-03;24ma00044 ?
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