Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 24 avril 2024 par lequel le préfet du Var a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans.
Par un jugement n° 2401633 du 23 juillet 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 23 août 2024, M. B..., représenté par Me Dhib, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 24 avril 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé ;
- la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors que le trouble à l'ordre public invoqué par le préfet n'est pas caractérisé ;
- cette décision méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Var, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1992, est entré en France le 24 juillet 2018 selon ses déclarations. Il a obtenu un titre de séjour pluriannuel valable du 28 mars 2019 au 27 mars 2023 en qualité de bénéficiaire de la protection subsidiaire. Le 2 mars 2023, il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 24 avril 2024, le préfet du Var a refusé de faire droit à sa demande, au motif que son comportement constitue une menace à l'ordre public, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans. M. B... relève appel du jugement du 23 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2018 avec son épouse, Mme A..., également de nationalité afghane, avec laquelle il est marié depuis 2012, et leurs deux enfants, nés en 2013 et 2016. Ils ont tous deux obtenu un titre de séjour pluriannuel en qualité de bénéficiaires de la protection subsidiaire, valable du 28 mars 2019 au 27 mars 2023, après que cette protection leur a été accordée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en décembre 2018. Le couple a eu trois autres enfants, nés en France en 2019, 2021 et 2024. Mme A... est titulaire, depuis le 1er décembre 2023, d'une carte de résident valable jusqu'au 30 novembre 2033. M. B... justifie, par la production d'avis d'imposition communs faisant état de revenus au titre des années 2020 à 2022, d'un bail daté du 12 avril 2024, d'une facture EDF du 23 avril 2024 et d'une attestation de la caisse d'allocations familiales pour le mois d'avril 2024 de sa résidence commune avec son épouse, au demeurant non contestée par le préfet du Var, qui n'a pas produit de mémoire en défense, que ce soit en première instance ou en appel. Si l'arrêté attaqué relève que M. B... a été condamné, le 10 novembre 2020 à une peine de trois mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Toulon pour violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours commis le 15 novembre 2019 sur conjoint, le couple a eu deux enfants postérieurement à cette date et Mme A... a attesté, le 20 août 2024, que la vie commune n'a pas cessé et que son époux subvient aux besoins de la famille et s'occupe de leurs enfants. Dans ces conditions, en refusant de renouveler le titre de séjour de M. B..., le préfet du Var, a, dans les circonstances de l'espèce, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs poursuivis. La décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour pour une durée de cinq ans, contenues dans l'arrêté attaqué du 24 avril 2024, doivent, dès lors, être annulées.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2024.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, et en l'absence de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'autorité préfectorale délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. B.... Il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Var d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et ne justifie pas avoir engagé de frais supplémentaires pour sa défense. Par suite, ses conclusions tendant au remboursement des frais liés au litige, présentées sur le seul fondement des dispositions énoncées au point 6, ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E:
Article 1er : Le jugement n° 2401633 du tribunal administratif de Toulon du 23 juillet 2024 et l'arrêté du préfet du Var du 24 avril 2024 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Var de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Dhib
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2025.
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N° 24MA02229
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