Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 avril 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par l'article 1er du jugement n° 2404865 du 25 juin 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a admis M. A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, et par son article 2 a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2024 sous le n° 24MA02359, M. A..., représenté par Me Gilbert, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 avril 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation, de l'admettre au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé au regard de son état de santé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le préfet a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance de l'article 3 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 juillet 2024.
II. Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2024 sous le n° 24MA02360, M. A..., représenté par Me Gilbert, demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à l'exécution du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 2024 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens d'annulation sur lesquels est fondée sa requête au fond présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 septembre 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 29 avril 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé M. A..., ressortissant nigérian né en 1987, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par une requête, enregistrée sous le n° 24MA02359, M. A... relève appel du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 2024 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une requête enregistrée sous le n° 24MA02360, il demande qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 24MA02359 et 24MA02360 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 24MA02359 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".
4. Après avoir visé les textes dont il a été fait application, notamment les articles L. 611-1-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision contestée relève notamment que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), que cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), et précise les motifs tenant à sa situation personnelle et familiale pour lesquels la mesure d'éloignement n'est pas contraire au droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans la mesure où il n'est ni établi ni même allégué que le préfet, qui n'était pas saisi d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, aurait eu connaissance d'éléments relatifs à l'état de santé de M. A..., il n'était pas tenu de préciser les motifs pour lesquels il estimait que l'intéressé ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Ainsi, l'arrêté en litige, contrairement à ce qui est soutenu, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français, et qui permettent de vérifier que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressé.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ".
6. M. A... ne peut utilement soutenir, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, s'il soutient qu'il souffre des conséquences d'un psycho-traumatisme sévère pour lequel il est suivi en France depuis septembre 2022, que cette affection est la conséquence de menaces subies au Nigeria en raison de son orientation sexuelle et s'il verse aux débats des certificats et ordonnances attestant du suivi et de la délivrance d'antidépresseurs et d'anxiolytiques, les seuls certificats médicaux rédigés par un psychiatre le 15 novembre 2023 et le 30 juillet 2024 attestant que la nature des troubles contre-indique le retour au Nigéria où M. A... serait exposé à une dangerosité qui réactiverait les troubles et que le traitement ainsi que les soins, ne sont pas disponibles au Nigéria ne suffisent pas à démontrer que l'appelant ne pourrait pas bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement adapté à son état de santé alors, au surplus, que les évènements qui seraient à l'origine de ce syndrome post-traumatique n'ont pas été tenus pour établis par l'OFPRA puis par la CNDA. Il en va de même des rapports et articles de presse décrivant, de façon générale, la situation du système de santé de son pays d'origine. Ainsi, à supposer que M. A... ait entendu soutenir qu'il devait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour en qualité d'étranger malade, et que cette circonstance faisait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement forcée, ce moyen doit être écarté.
7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Pour l'application des stipulations précitées, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger ne l'expose pas à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. M. A... soutient que le préfet des Bouches-du-Rhône, en fixant le pays de destination, a méconnu l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en faisant valoir qu'il serait soumis à des traitements inhumains dès lors qu'il ne pourrait pas avoir accès aux soins qui lui sont nécessaires au Nigéria, que la législation nigériane pénalise l'homosexualité et qu'il a été victime d'une violente agression du fait de son orientation sexuelle dans son pays d'origine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 4 octobre 2023, confirmée par la CNDA le 21 février 2024. M. A..., qui n'a pas sollicité de réexamen de sa demande d'asile, n'apporte aucun élément de fond autre que ceux dont il s'est prévalu devant le juge de l'asile quant à sa situation personnelle, notamment son orientation sexuelle. Par ailleurs, eu égard à ce qui a été dit au point 6, M. A... ne saurait faire valoir qu'il serait exposé à des risques au motif qu'il ne pourrait pas avoir accès aux soins qui lui sont nécessaires dans son pays d'origine. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la décision contestée méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. A... doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône.
Sur la requête n° 24MA02360 :
10. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. A... n° 24MA02359 tendant à la réformation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. A... de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24MA02360 tendant au sursis à l'exécution du jugement.
Article 2 : La requête de M. A... n° 24MA02359 et le surplus des conclusions de sa requête n° 24MA02360 sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à Me Gilbert et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2025.
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N° 24MA02359 - 24MA02360