Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Asten a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner, à titre principal, l'office public de l'habitat Toulon Habitat Méditerranée (OPHTHM) ou, à titre subsidiaire, M. C... B... à lui verser la somme de 161 379,73 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal, en règlement du solde du décompte général du marché public de travaux conclu le 20 novembre 2017.
Par un jugement n° 2102017 du 30 mai 2024, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, la société Asten, représentée par Me de Angelis, doit être regardée comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 mai 2024 ;
2°) de condamner, à titre principal, l'office public de l'habitat Toulon Habitat Méditerranée ou, à titre subsidiaire, M. B... à lui verser la somme de 161 379,73 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal, en règlement du solde du décompte général du marché public de travaux conclu le 20 novembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré son mémoire en réclamation comme tardif au regard des dispositions du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux de 2009 ;
- les pénalités de retard appliquées par l'OPHTHM ne sont pas justifiées ;
- la retenue d'un montant de 3 430 euros hors taxes, relative à la facture de la société SAPE Etanchéité, n'est pas justifiée ;
- les sommes supplémentaires demandées, à hauteur de 40 808,28 euros hors taxes, sont justifiées par des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
- elle détient une créance d'une somme de 10 399,70 euros hors taxes, correspondant à la location de deux nacelles durant cent trois jours ;
- elle détient une créance d'une somme de 10 526 euros hors taxes, correspondant au débarrassage des terrasses, lequel aurait dû être effectué préalablement à son intervention ;
- elle détient une créance d'une somme de 9 282 euros hors taxes, correspondant à la reprise de maçonnerie des seuils, nécessaire à la réalisation des travaux d'étanchéité conformément aux règles de l'art ;
- elle a subi des préjudices liés à l'allongement de la durée du chantier pour un montant total de 69 646,79 euros hors taxes, dont elle estime être l'addition de la somme de 3 840 euros hors taxes du fait des réunions de chantier, de la somme de 17 596,94 euros hors taxes du fait d'une perte de marge brute, de la somme de 1 657,17 euros hors taxes du fait de l'augmentation, en cours de chantier, du prix des matériaux, de la somme de 37 639 euros hors taxes du fait du surcoût de la main d'œuvre, et de la somme de10 570,85 euros hors taxes du fait du surcoût engendré par l'intervention du lot voirie et réseaux divers ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle du maître d'œuvre, M. B..., peut être engagée, en raison des carences de celui-ci dans les études et diagnostics.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 29 septembre 2024 et le 27 janvier 2025, l'office public de l'habitat Toulon Habitat Méditerranée, représenté par Me Pilliard, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire ou à défaut, in solidum, de M. B..., de M. D... et de la société Betem PACA à le relever et le garantir de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre ; à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation de M. B... à le relever et le garantir à hauteur de 37,20 %, à la condamnation de M. D... à le relever et le garantir à hauteur de 36,39 %, et à la condamnation de la société Betem PACA à le relever et le garantir à hauteur de 26,41 % ;
3°) en toute hypothèse, à ce que soit mise à la charge de toutes parties perdantes la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable au regard des dispositions des articles R. 811-13, R. 411-1 et R. 811-2 du code de justice administrative ;
- la requête de première instance était irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- la requête de première instance était irrecevable car tardive, au regard des articles 50.1.1 du CCAG Travaux et L. 227-6 du code de commerce ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, il doit être relevé et garanti par M. B..., M. D... et la société Betem PACA, maîtres d'œuvre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Dersy, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et au rejet de l'appel en garantie formé à son encontre par l'OPHTHM, à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Betem PACA à le relever et le garantir de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre, et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requête et de l'appel en garantie formé à son encontre par l'OPHTHM ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2024, la société par actions simplifiée Betem PACA, représentée par Me Fournier, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête et de l'appel en garantie formé à son encontre par l'OPHTHM ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que sa part de responsabilité soit limitée à 26,41 %, à la condamnation de M. B... à la relever et la garantir à hauteur de 37,20 % et à la condamnation de M. D... à la relever et la garantir à hauteur de 36,39 % ;
3°) à ce que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête et de l'appel en garantie formé à son encontre par l'OPHTHM ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- les observations de Me Petit pour la société Asten, de Me Borrione pour l'OPHTHM et de Me Chanaron pour la société Betem PACA.
Considérant ce qui suit :
1. L'office public de l'habitat Toulon Habitat Méditerranée (OPHTHM) a lancé une procédure d'appel d'offres portant sur la conclusion d'un marché public de travaux en vue de la réhabilitation de l'ensemble immobilier à loyer modéré Rodeilhac. Par un acte d'engagement du 20 novembre 2017, le lot n° 5 - Etanchéité et protection a été confié à la société Asten, pour un montant de 82 939,25 euros hors taxes. Les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 15 septembre 2020, lesdites réserves ayant été levées le 27 octobre 2020. Par un courrier du 27 novembre 2020, la société Asten a adressé à l'OPHTHM un projet de décompte final, pour un montant de 249 090,07 euros hors taxes. Par un courrier du 18 décembre 2020, l'OPHTHM a notifié à la société Asten le décompte général, pour un montant de 75 943,26 euros hors taxes. La société Asten relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à ce que, à titre principal, l'OPHTHM ou, à titre subsidiaire, M. B..., soit condamné à lui verser la somme de 161 379,73 euros hors taxes en règlement du solde du décompte général du marché conclu le 20 novembre 2017.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales du marché : " (...) 13.3.1. Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. (...) 13.4.1. Le maître d'œuvre établit le projet de décompte général (...). 13.4.2. Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général (...). 13.4.3. Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. (...) 13.4.5. Dans le cas où le titulaire n'a pas renvoyé le décompte général signé au représentant du pouvoir adjudicateur dans le délai de trente jours fixé à l'article 13.4.3, ou encore dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves, en précisant le montant de ses réclamations comme indiqué à l'article 50.1.1, le décompte général notifié par le représentant du pouvoir adjudicateur est réputé être accepté par lui ; il devient alors le décompte général et définitif du marché. (...) ". Selon l'article 50 de ce même cahier : " (...) 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. (...) ".
3. Il résulte des stipulations citées au point précédent que, dans le cas d'un différend sur le décompte général du marché, le titulaire doit transmettre un mémoire en réclamation au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai de trente jours à compter de la date à laquelle ce dernier lui a notifié le décompte général et en adresser une copie au maître d'œuvre dans le même délai. Le respect de ce délai s'apprécie à la date de réception du mémoire tant par le pouvoir adjudicateur que par le maître d'œuvre.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'accusé de réception établi par La Poste, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que le décompte général envoyé par l'OPHTHM à la société Asten a été réceptionné par celle-ci le 23 décembre 2020. Si la société requérante se prévaut, pour contester cette date et alléguer que ce décompte aurait en réalité été réceptionné le 24 décembre 2020, d'une attestation rédigée par Mme Fonkenel, secrétaire administrative de la société, le 26 juillet 2024, soit plus de quatre ans et demi après les faits, ainsi que d'un tableau intitulé " Fiche enregistrement des insatisfactions de la clientèle ", document interne au fonctionnement de la société daté de décembre 2020, ces deux documents ne sauraient, à eux seuls et en l'absence de valeur probante suffisante, remettre en cause les mentions portées sur l'accusé de réception susmentionné. Dans ces conditions, le délai de trente jours mentionné par les stipulations précitées a commencé à courir le 24 décembre 2020, pour expirer le vendredi 22 janvier 2021 à minuit. Dès lors, le mémoire en réclamation de la société Asten, réceptionné par l'OPHTHM le 25 janvier 2021, a été présenté hors les délais prévus par les stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux. Le décompte général établi par l'OPHTHM étant ainsi devenu définitif.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel par l'OPHTHM, que la société Asten n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande comme contractuellement irrecevable.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit versé à la société Asten, une quelconque somme sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Asten une somme de 1 500 euros à verser à l'OPHTHM, une somme de 1 500 euros à verser à M. B... et la même somme à la société Betem PACA au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Asten est rejetée.
Article 2 : La société Asten versera à l'office public de l'habitat Toulon Habitat Méditerranée, à M. B... et à la société Betem PACA, chacun, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Asten, à l'office public de l'habitat Toulon Habitat Méditerranée, à M. C... B..., à la société Betem PACA et à M. A... D....
Délibéré après l'audience du 3 février 2025, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère,
- M. Laurent Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2025.
2
N° 24MA01996