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04/03/2025 | FRANCE | N°23MA01835

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 04 mars 2025, 23MA01835


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Financière Sagec a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2001629 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.



Procédure devant la

Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juillet 2023 et le 13 février 2024, la SAS Financ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Financière Sagec a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2001629 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juillet 2023 et le 13 février 2024, la SAS Financière Sagec, représentée par Me Bonnet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 juin 2023 ;

2°) de prononcer la décharge, ou à défaut la réduction des impositions et pénalités en litige.

Elle soutient que :

- elle n'est pas redevable de l'impôt sur les sociétés, dès lors que depuis le 1er octobre 2013, elle fait partie d'un groupe fiscalement intégré, dont la société Holding Sagec est la société mère ;

- l'administration n'apporte pas la preuve d'un acte anormal de gestion résultant de la vente par la société civile de construction vente (SCCV) Le Karat d'appartements pour un prix minoré ;

- elle est fondée à se prévaloir des fiches descriptives 3034 et 3035 de la direction générale des finances publiques sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- à titre subsidiaire, la rectification doit être réduite en ce qui concerne les appartements vendus à M. B... et à M. D... ;

- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration pour manquement délibéré ;

- l'application de la majoration pour manquement délibéré méconnaît en l'espèce le principe de personnalité des peines et celui de la présomption d'innocence ;

- l'établissement de la majoration pour manquement délibéré par la brigade de contrôle méconnaît le principe d'impartialité.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 février 2024 et le 22 août 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Financière Sagec ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Financière Sagec détient 25 % des parts de la SCCV Le Karat, société relevant de l'article 8 du code général des impôts, qui a entrepris à Annecy (Haute-Savoie) la réalisation d'un programme immobilier à usage d'habitation de 46 logements sur 7 niveaux. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SCCV Le Karat, portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, le service vérificateur a estimé que les ventes en l'état futur d'achèvement de trois appartements de type T3 de ce programme immobilier avaient été conclues pour un prix inférieur à leur valeur vénale, et a rehaussé son résultat au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012 de la différence entre le prix de vente des biens et leur valeur vénale. À l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a tiré les conséquences de cette rectification en ce qui concerne le résultat de la SAS Financière Sagec au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013. La SAS Financière Sagec relève appel du jugement du 29 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a ainsi été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, et des pénalités correspondantes.

Sur le redevable de l'impôt sur les sociétés :

2. Aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés (...) membres du groupe (...) / Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte, au regard des droits et des pénalités visées à l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, les conséquences des infractions commises par les sociétés du groupe. / Seules peuvent être membres du groupe les sociétés (...) qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 214 (...) / (...) Les options et les accords sont renouvelés par tacite reconduction (...) ". Aux termes de l'article 46 quater-0 ZD de l'annexe III au code général des impôts : " Les options mentionnées au premier et au deuxième alinéas de l'article 223 A du code général des impôts sont notifiées au service des impôts auprès duquel est souscrite la déclaration du résultat d'ensemble. / La société mère adresse à ce même service : / 1. Lors de la notification de l'option : / a) la liste des sociétés filiales et des personnes morales dénuées de capital qui seront membres du groupe (...) ; / b) Des attestations par lesquelles ces sociétés font connaître leur accord pour que la société mère retienne leurs propres résultats pour la détermination du résultat d'ensemble (...) ".

3. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que le groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts dont la SAS Financière Sagec fait partie, et dont la mère est la société Holding Sagec, n'a été constitué que le 1er octobre 2013. Par conséquent, et sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la date de mise en recouvrement de l'imposition en litige, c'est à bon droit que la cotisation a été émise au nom de la SAS Financière Sagec, qui était redevable de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos jusqu'au 30 septembre 2013.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

5. Il résulte de l'instruction que, par des actes des 20 et 21 décembre 2010, la SCCV Le Karat a vendu, en l'état futur d'achèvement, trois appartements de type T3 de la résidence " Le Karat " à M. B..., M. D... et M. C..., aux prix, respectivement, de 285 000 euros, 260 000 euros et 338 000 euros, soit un prix par tantième de 1 007,07 euros, 1 115,88 euros et 1 185,96 euros. L'administration, au cours de la vérification de comptabilité de la SCCV Le Karat, a constaté que des biens comparables du même programme avaient été cédés à des tiers non liés à la société à un prix moyen de vente par tantième de 1 398,86 euros soit un prix significativement supérieur à celui des trois appartements précités. Le service vérificateur a évalué la valeur vénale de ces trois appartements respectivement à 395 877,38 euros, 325 934,38 euros et 398 675,10 euros, et a estimé que le prix de vente des biens immobiliers cédés à MM. B..., D... et C... avait ainsi été minoré à des fins étrangères à l'intérêt de la SCCV Le Karat. La différence entre les valeurs ainsi déterminées et les prix stipulés dans les actes de vente, considérée comme un avantage consenti à titre gratuit, a donc été réintégrée dans le résultat de la société contrôlée, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012, et l'administration a mis à la charge de la SAS Financière Sagec l'imposition en résultant au prorata des 25 % de parts qu'elle détient en sa qualité d'associée de la SCCV Le Karat.

6. D'une part, il résulte de l'instruction que les tantièmes des appartements du programme immobilier réalisé par la SCCV Le Karat ont été calculés proportionnellement à la valeur du lot par rapport à la valeur des autres lots de l'immeuble qui résulte de la consistance, de la superficie et de la situation des lots. Ainsi, la société requérante, qui n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les tantièmes attribués aux appartements retenus comme comparables, qui sont de type T3, ont des superficies similaires aux trois appartements en cause, et sont situés aux mêmes étages, n'auraient pas été déterminés de la même façon que ceux de ces appartements, ne saurait faire valoir que la méthode d'appréciation par tantième ne serait pas pertinente, alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de procéder à l'évaluation de la valeur vénale d'un immeuble sur la base des mètres carrés habitables. Ainsi, la SAS Financière Sagec ne peut utilement faire valoir à cet égard que le prix de vente de l'appartement cédé à M. C..., ramené au m², serait presque identique à celui de dix autres appartements de type T3, alors qu'en tout état de cause le ministre fait valoir sans être contredit qu'en retenant également ces dix appartements, la moyenne du prix au tantième serait quasiment identique. Par ailleurs, la société requérante ne saurait revendiquer la prise en compte de dix autres appartements de type T3 vendus en bloc au profit d'un bailleur social, dès lors qu'ils sont situés dans les étages inférieurs, et que leurs superficies sont moindres que celles des trois appartements en cause. Enfin, la seule circonstance que quatre des appartements composant l'immeuble ont été finalement vendus pour un prix plus élevé que celui stipulé dans des réservations annulées ne permet pas d'expliquer l'écart relevé par l'administration, dès lors que les appartements retenus comme comparables ont fait l'objet, comme les trois appartements en cause, d'un contrat conclu au cours du mois de décembre 2010. Dans ces conditions, compte tenu de l'importance des écarts ainsi établis, qui sont suffisamment significatifs, s'agissant de lots d'un même bien immobilier vendus au cours du même mois, l'administration établit la cession des biens en litige à des prix significativement inférieurs à leur valeur vénale.

7. D'autre part, il est constant que les acquéreurs des trois appartements étaient liés à la SCCV Le Karat ou à la société Sagec Rhônes-Alpes qui en assure la gérance, ce qui laisse présumer l'intention conjointe du vendeur d'accorder un avantage sans contrepartie et des acquéreurs de recevoir cet avantage consenti à titre gratuit. En mettant ainsi en évidence, d'une part, la minoration des prix de vente de ces trois éléments de l'actif circulant de la SCCV Le Karat, et d'autre part, les liens entre les trois acquéreurs et la SCCV Le Karat ou la société Sagec Rhônes-Alpes, l'administration fiscale démontre un appauvrissement intentionnel décidé à des fins étrangères à l'intérêt de la SCCV Le Karat, témoignant ainsi de l'existence d'un acte anormal de gestion. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré la différence entre le prix de vente des trois appartements en cause et leur valeur vénale dans le résultat de la société contrôlée, et a mis à la charge de la SAS Financière Sagec l'imposition en résultant au prorata des 25 % de parts qu'elle détient en sa qualité d'associée de la SCCV Le Karat.

8. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, la SAS Financière Sagec n'est pas fondée à soutenir que la rectification devrait être réduite en ce qui concerne les appartements vendus à M. B... et à M. D... en tenant compte de la circonstance que quatre des appartements composant l'immeuble ont été finalement vendus pour un prix plus élevé de 10,22 % en moyenne que celui stipulé dans des réservations annulées, de l'absence de frais de commercialisation s'agissant d'appartements ayant fait l'objet d'une préservation, et de la valeur de dix appartements de type T3 cédés en bloc au profit d'un bailleur social.

9. En troisième lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des fiches descriptives 3034 et 3035, qui ne comprennent que de simples recommandations pour l'évaluation des immeubles.

Sur les pénalités :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

11. Pour assortir l'imposition en litige de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, l'administration fiscale s'est fondée sur le fait que les écarts entre le prix des appartements vendus par la SCCV Le Karat et leur valeur vénale ne pouvaient être ignorés de la SAS Financière Sagec, dès lors qu'elle est représentée par M. A..., qui est également le dirigeant de la société Sagec Rhône-Alpes, laquelle est gérante de la SCCV Le Karat, ainsi qu'il a été dit précédemment. Si la requérante fait valoir que M. B... est le dirigeant de la société Sagec Rhône-Alpes depuis le 5 octobre 2012, il est constant que M. A... en était le dirigeant lorsque les contrats de vente en l'état futur d'achèvement ont été conclus par la SCCV Le Karat. L'ensemble de ces constatations traduit une volonté délibérée d'éluder l'impôt sanctionnée par l'article 1729 du code général des impôts, dont les dispositions prévoient des taux de majoration différents selon que les inexactitudes ou omissions constituent un manquement délibéré, des manœuvres frauduleuses ou un abus de droit, et visent à sanctionner des manquements différents, proportionnés avec la gravité des agissements du contribuable dans la dissimulation des revenus et dans les omissions de déclarations constatés, sous le contrôle du juge de l'impôt. Par ailleurs, l'administration, qui ne s'est pas seulement bornée à relever l'importance des sommes éludées ou l'existence de simples irrégularités comptables, mais qui s'est attachée à caractériser l'élément intentionnel du manquement constaté, doit être regardée comme apportant la preuve d'un manquement délibéré de la société. De plus, l'administration ayant établi l'intention délibérée de la SAS Financière Sagec d'éluder l'impôt, elle n'a pas méconnu le principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La société requérante n'est ainsi pas fondée à demander la décharge des majorations pour manquement délibéré dont l'administration a fait application.

12. En second lieu, si la société requérante soutient que le principe d'impartialité a été méconnu au motif que la brigade de contrôle en charge de la vérification de comptabilité a également décidé des sanctions infligées, les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont résulte ce principe ne sont pas applicables à la procédure par laquelle l'administration fiscale établit les pénalités. Le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe ne peut, par suite, qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Financière Sagec n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Financière Sagec est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Financière Sagec et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 13 février 2025, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2025.

2

N° 23MA01835


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01835
Date de la décision : 04/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : BONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-04;23ma01835 ?
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