La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2025 | FRANCE | N°24MA03103

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 03 avril 2025, 24MA03103


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 8 mars 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'inform

ation Schengen.



Par un jugement n° 2405094 du 15 octobre 2024, le tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 8 mars 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2405094 du 15 octobre 2024, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision fixant le pays de destination et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour

I. Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2024 sous le n° 24MA03103, M. B..., représenté par Me Bakayoko, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 mars 2024, en tant qu'il porte refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et information de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de mettre fin, sans délai, à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnait l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle méconnaît les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et présente un caractère disproportionné ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'inscription aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :

- il devra y être mis fin en conséquence de l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français.

Par un mémoire, enregistré le 30 décembre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2024 sous le n° 24MA03149, M. B..., représenté par Me Bakayoko, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 15 octobre 2024 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour renouvelable jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur sa requête, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué aura des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens présentés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire, enregistré le 30 décembre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les deux instances par des décisions du 27 décembre 2024.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 27 janvier 2000, est entré en France le 18 mars 2019 selon ses déclarations. Il a fait l'objet, les 19 novembre 2019 et 30 septembre 2021, de décisions de refus de séjour assorties de mesures d'éloignement. Le 12 septembre 2023, il a sollicité son admission au séjour au regard de son état de santé. Par un arrêté du 8 mars 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 15 octobre 2024, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision fixant le pays de destination et rejeté le surplus de la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.

2. Les affaires enregistrées sous les n° 24MA03103 et 24MA03149 concernent un même ressortissant étranger et sont dirigées contre le même jugement et les mêmes décisions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 24MA03103 :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen :

3. M. B... ne conteste pas en appel l'irrecevabilité opposée par les premiers juges aux conclusions de sa demande tendant à l'annulation de son signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen. Par suite, ses conclusions d'appel tendant à l'annulation de ce signalement ne peuvent qu'être rejetées.

S'agissant des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

5. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

6. Pour refuser d'admettre M. B... au séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est appuyé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 9 janvier 2024 indiquant que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque.

7. M. B..., qui réside habituellement en France depuis 2019, souffre de plusieurs pathologies, en particulier une épilepsie sévère pharmacorésistante, un retard cognitif, une hémiparésie droite et une malformation du bras droit avec atrophie. Il bénéficie à ce titre, en France, d'une prise en charge globale, et notamment, s'agissant de son épilepsie, d'un traitement médicamenteux associant, à la date de la décision attaquée, la Dépakine (dont la substance active est le valproate de sodium), l'Urbanyl (clobazam) et le Vimpat (lacosamide), ce dernier médicament, introduit en avril 2022, ayant permis, selon le neurologue qui le suit au centre de référence des épilepsies rares de l'hôpital de la Timone, de réduire la fréquence des crises d'épilepsie. Ce même praticien a indiqué, notamment dans le certificat médical du 18 octobre 2023 transmis à l'OFII, d'une part, qu'en cas d'inobservance de son traitement, M. B... était exposé à un risque de traumatisme et de blessure pouvant aller jusqu'au décès et, d'autre part, que le Vimpat n'est pas commercialisé en Algérie. L'indisponibilité du Vimpat et également de l'Urbanyl en Algérie est confirmée par le médecin algérien ayant assuré le suivi de M. B... avant son arrivée en France, et par trois pharmaciens algériens. M. B... produit également des copies d'écran du site internet Pharm'Net.dz, qui reprend la nomenclature officielle des médicaments utilisés en Algérie confirmant l'absence de commercialisation tant de ces deux spécialités que de leur substance active en Algérie. Si la base de données Medcoi, basée sur la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques au 28 février 2023, produite par l'OFII en première instance, indique qu'un autre médicament à base de lacosamide est disponible en Algérie, les prescriptions établies par le neurologue de M. B... mentionnent que les médicaments qui lui sont prescrits ne sont pas substituables. Par ailleurs, cette même base de données confirme l'absence de disponibilité de l'Urbanyl ou de sa substance active, le clobazam, en Algérie. Dans ces conditions, M. B..., dont le traitement doit être en permanence réajusté, établit, par les éléments qu'il produit, que contrairement à ce qu'a estimé le collège de médecins de l'OFII, il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cette décision doit, dès lors, pour ce motif, être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. En premier lieu, eu égard au motif d'annulation retenu, et en l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'autorité préfectorale délivre un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à M. B.... Il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de délivrer à l'intéressé, sans délai, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

10. En second lieu, l'annulation de l'interdiction de retour prise à l'encontre de M. B... implique nécessairement la suppression du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dont il fait l'objet résultant de cette décision. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de faire procéder à cette suppression sans délai.

Sur la requête n° 24MA03149 :

11. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 décembre 2024. Dans ces conditions, sa demande tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire est devenue sans objet.

12. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement contesté, et les conclusions à fin d'injonction y afférentes, sont devenues sans objet.

Sur les frais liés aux litiges :

13. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Bakayoko, conseil de M. B..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

D É C I D E:

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24MA03149 tendant à l'admission de M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 octobre 2024 et sur les conclusions à fin d'injonction y afférentes.

Article 2 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2405094 du 15 octobre 2024 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 mars 2024 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour et de prendre, sans délai, toute mesure utile afin qu'il soit procédé à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Article 4 : L'Etat versera à Me Bakayoko une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Bakayoko et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président de chambre,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.

2

N° 24MA03103-24MA03149


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA03103
Date de la décision : 03/04/2025

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : BAKAYOKO;BAKAYOKO;BAKAYOKO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;24ma03103 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award