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05/06/2025 | FRANCE | N°23MA00763

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 05 juin 2025, 23MA00763


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société A7 Interactive Limited a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2010, 2011, 2012 et 2013, des rappels de de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2014, de la retenue à la source mise à sa charge au titre des exercices 2013 et

2014 et de l'amende prévue à l'article 1736 du code général des impôts qui lui a été infli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société A7 Interactive Limited a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2010, 2011, 2012 et 2013, des rappels de de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2014, de la retenue à la source mise à sa charge au titre des exercices 2013 et 2014 et de l'amende prévue à l'article 1736 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1905701 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 mars 2023 et 26 octobre 2023, la société A7 Interactive Limited, représentée par Me Martin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905701 du 30 janvier 2023 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la proposition de rectification n'a pas été régulièrement notifiée ;

- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier ;

- le délai de reprise prévu aux articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales en cas d'activité occulte n'est pas applicable ; l'absence de souscription de déclarations en France constitue ainsi une erreur justifiant qu'elle ne se soit pas acquittée de ses obligations ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas motivés, ce dont il résulte que la procédure de taxation d'office est irrégulière ; elle est fondée à se prévaloir de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- elle ne dispose pas d'établissement stable soumis à l'impôt sur les sociétés en France ;

- l'administration a méconnu les règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

- s'agissant de la détermination du résultat imposable, l'administration n'a pas motivé son rejet des charges et méconnu le principe de réalisme économique ; les sommes qui lui ont été facturées ont pour contrepartie des services rendus ;

- la retenue à la source prévue aux articles 182 B et 119 bis du code général des impôts a été établie sans tenir compte de la situation de résident du bénéficiaire au sens de l'article 3 de la convention franco-tunisienne ; les articles 11 et 28 de cette convention y font obstacle ;

- l'amende prévue à l'article 1736 du code général des impôts n'est pas applicable.

Par des mémoires en défense enregistrés les 25 septembre 2023 et 15 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société A7 Interactive Limited ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus, signée à Londres le 22 mai 1968 ;

- la convention entre la France et la Tunisie tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale, signée à Tunis le 28 mai 1973 ;

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Londres le 19 juin 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,

- et les observations de Me Martin, pour la société A7 Interactive Ltd.

Une note en délibéré a été enregistrée le 27 mai 2025 pour la société A7 Interactive Ltd.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit britannique A7 Interactive Limited, qui exerce l'activité de routage de courriels, d'enrichissement de bases de données et de gestion de sites Internet à destination de professionnels, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 4 août 2015 lui a été notifiée. Au terme de la procédure, elle a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 30 juin 2010 à 2013, à des rappels de de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2014 et à la retenue à la source au titre des exercices 2013 et 2014, assortis des intérêts de retard, de la majoration de 80 % pour activité occulte en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée et de la majoration de 10 % en ce qui concerne la retenue à la source, prévues à l'article 1728 du code général des impôts, l'amende prévue à l'article 1736 du même code lui ayant également été infligée au titre des années 2011 à 2013. La société A7 Interactive Limited relève appel du jugement du 30 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions et de ces amendes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Le tribunal a suffisamment exposé, aux points 10 à 16 du jugement attaqué, les motifs sur lesquels il s'est fondé pour écarter les moyens présentés en matière de taxe sur la valeur ajoutée par la société A7 Interactive Limited, qui ne peut utilement contester le bien-fondé de ces motifs pour contester la régularité de ce jugement. Le moyen tiré de ce que ce jugement serait insuffisamment motivé doit dès lors être écarté.

Sur le principe de l'imposition en France :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

4. D'une part, aux termes du I. de l'article 209 du code général des impôts : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 4 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968, applicable à l'exercice clos le 30 juin 2010 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a. Un siège de direction (...) ". Aux termes de l'article 6 de cette convention : " 1. Les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices industriels et commerciaux de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (...) ". Aux termes de l'article 5 de la convention franco-britannique du 19 juin 2008, applicable à compter de l'exercice ouvert au 1er juillet 2010 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) un siège de direction (...) ". Aux termes de l'article 7 de cette convention : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable (...) ".

6. A la suite de la mise en œuvre d'une procédure de visite et de saisie prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales autorisée par ordonnances des 27 juin et 1er et 2 juillet 2014 des juges des libertés et de la détention des tribunaux de grande instance de Paris, Grasse, Créteil et Lyon et d'une vérification de comptabilité initiée par un avis du 27 novembre 2014, l'administration fiscale a estimé que la société A7 Interactive Limited, qui exerçait au cours de la période en litige l'activité de " web agency ", gérant la création, la mise à jour et le suivi du site internet d'un client, et celle d'" emailing " au moyen d'une plateforme nommée " A7 emailing ", disposait d'un établissement stable en France. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 4 août 2015, que les pièces saisies dans le cadre de la procédure menée sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et les constatations opérées au cours de la vérification de comptabilité ont révélé que le siège social de la société A7 Interactive Limited était situé à une adresse de domiciliation au Royaume-Uni à Londres, où se déclaraient domiciliées plus de 330 entreprises. La société A7 Interactive Limited ne disposait en ce lieu d'aucun moyen matériel ou humain nécessaire à la réalisation de son activité. M. A..., fondateur à l'origine de la création de la société A7 Interactive Limited en 2009 par l'intermédiaire d'un cabinet anglais, associé unique à compter du mois de mars 2011 après avoir été associé à hauteur de 85 % et directeur de la société à compter de la même date, qui a été rémunéré au titre de sa gérance à compter du mois de janvier 2010, résidait en France dans les Alpes-Maritimes. Il a été le destinataire des documents validant l'ouverture du compte bancaire ouvert en Angleterre au nom de la société A7 Interactive Limited et les relevés bancaires saisis ont révélé des débits de sommes dépensées principalement en France. Si la société disposait d'un prestataire en matière comptable et fiscale en Angleterre qui présentait et tenait les comptes, celui-ci transmettait les factures et les documents de nature administrative, comptable, commerciale et de gestion par courriel à M. ..., qui avait également souscrit un contrat d'accueil téléphonique avec une société française permettant de répondre aux clients et de transférer les appels à son domicile et de les lui transmettre sur sa messagerie personnelle en cas d'absence.

7. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. A..., résidant en France, était en charge de la promotion de la solution d'" e-mailing " proposée par la société A7 Interactive Limited qu'il dirigeait, les pièces saisies ayant établi qu'il confectionnait les cartes de visite et supports de présentation et que la logistique de publicité et de marketing était faite à son domicile où il disposait des éléments d'images et de textes, dirigeait les travaux réalisés chez les clients français par ses collaborateurs en France, ainsi que l'ont révélé des courriels, était en relation avec les clients en vue de conclure les contrats, donnait l'ordre d'établir les factures après avoir fixé les tarifs et conditions de règlement, relançait les clients en cas de manquement aux règlements, conduisait les entretiens d'embauche de salariés et était cité dans des factures des fournisseurs. M. A..., qui a signé le seul contrat conclu au titre de l'activité de " web agency " au cours de la période vérifiée, a aussi déposé les marques " A7 Interactive " et " A7 Emailing " auprès de l'institut national de la propriété industrielle.

8. En outre, diverses pièces saisies, notamment des cartes de visite, des factures de fournisseurs et des courriers de clients, ont démontré que la société A7 Interactive Limited utilisait des locaux à Paris et il n'est pas contesté qu'au cours du débat oral, elle a précisé que l'adresse parisienne était principalement utilisée à des fins de représentation et de vitrine commerciale pour son compte par une personne physique dirigeant une autre société, qui facturait d'ailleurs des prestations commerciales de promotion et de vente de la solution " A7 Emailing ". Des fournisseurs et prestataires de services étaient également localisés en France, notamment pour des travaux de maintenance informatique dans le cadre de l'activité de " web agency ", et deux personnes physiques en France travaillaient à plein temps sur la plateforme " A7 Emailing " avec M. A.... L'une travaillait en relation directe avec les clients français, en réalisant des travaux liés à la plateforme, en transmettant des factures, avoirs et relances de règlements, en se déplaçant pour rencontrer les clients avec la collaboration à distance de M. A..., prospectait les clients et réceptionnait les candidatures pour des postes de commercial en informatique. L'autre facturait des prestations relatives à la plateforme et des prestations de représentation sur les salons. D'autres personnes physiques exerçant en France ont été identifiées, notamment en tant que support clients, chargé de problèmes techniques ou responsable commerciale. S'agissant des clients, il est constant que l'activité de " web agency " a été exercée au profit d'un client français et que l'activité d'" emailing " était essentiellement déployée à destination de clients établis en France.

9. Pour contester ces éléments dont aucun n'est précisément combattu, la société A7 Interactive Limited fait valoir qu'au cours des perquisitions menées au domicile de M. A..., l'administration n'y a pas saisi de comptabilité, de factures ou de relevés de banque. Toutefois, en l'absence de production de tout élément en sens contraire qu'elle seule est en mesure de produire, elle ne conteste ainsi pas que, si elle disposait d'un prestataire en matière comptable en Angleterre, son dirigeant contrôlait et dirigeait en fait l'ensemble de l'activité administrative, comptable, commerciale et de gestion depuis son domicile en France. Elle n'apporte pas plus d'éléments qui permettraient de présumer que la décision de conclure les contrats, avec des clients essentiellement français, aurait été prise ailleurs qu'en France. Par ailleurs, la société A7 Interactive Limited expose que, s'agissant de l'activité de " web agency ", les opérations de codage informatique et de traitement graphique sont réalisées par du personnel localisé essentiellement en Roumanie et en Tunisie, et, s'agissant de l'activité d'" emailing ", les logiciels et les applications sont configurés et développés par du personnel localisé dans ces Etats. Toutefois, outre que, ainsi qu'il a été dit précédemment, la société A7 Interactive Limited disposait de son dirigeant et de personnels en France, les principaux responsables commerciaux et techniques y étant basés, la circonstance qu'elle a sous-traité une partie des aspects techniques et de gestion nécessaires à la réalisation de ses prestations de " web agency " et d'" emailing " à des prestataires roumains et tunisiens est sans incidence sur l'exploitation autonome de ces activités depuis la France et sur l'existence d'une installation fixe d'affaires, notamment le siège de direction, dans cet Etat. Enfin, la société A7 Interactive Limited fait valoir que, s'agissant de l'activité de " web agency ", le site internet est hébergé en Suisse dans un centre de données qui appartient au client et, s'agissant de l'activité d'" emailing ", qu'elle est réalisée par l'intermédiaire de serveurs informatiques appartenant et facturés pour l'essentiel par la société anglaise B.... Mais, et alors que les éléments relevés par l'administration révèlent l'utilisation de moyens en France, la seule circonstance que la société exerce ses activités au moyen de serveurs situés hors de France sur lesquels elle ne dispose d'aucun droit de propriété ou d'exploitation est sans incidence sur l'existence d'une entreprise exploitée en France y disposant d'une autonomie de gestion et d'une installation fixe d'affaires caractérisée par un siège de direction en France.

10. Dans ces conditions, la société A7 Interactive Limited ne conteste pas utilement les éléments relevés par l'administration, qui sont de nature à établir qu'elle était une entreprise exploitée en France, y disposant d'une autonomie de gestion, pour l'application du I de l'article 209 du code général des impôts et une installation fixe d'affaires dans cet Etat caractérisant un établissement stable, comprenant notamment un siège de direction, au sens de l'article 4 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 et de l'article 5 de la convention franco-britannique du 19 juin 2008, qui ne font dès lors pas obstacle à l'imposition à l'impôt sur les sociétés en France. C'est par suite à bon droit que la société A7 Interactive Limited a été assujettie à l'impôt sur les sociétés en France. A cet égard, la société A7 Interactive Limited n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que les commentaires au modèle de convention établi par l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) publiés respectivement en décembre 2000 et en janvier 2003 impliqueraient que " les cyber-entreprises sont en principe imposables dans l'Etat de leur siège sur les bénéfices réalisés par internet où qu'ils soient réalisés ", dès lors que les critères permettant de caractériser l'existence d'un établissement stable en France sont, ainsi qu'il a été dit précédemment, remplis.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

11. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2010 : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle (...) ". Aux termes de l'article 283 du même code : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...) Toutefois, lorsque la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur (...) ".

12. Pour l'application de ces dispositions, qui résultent de la transposition en droit interne de l'article 9 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ainsi que de l'article 44 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dans sa version en vigueur au cours de la période d'imposition en litige, qui en reprenait le contenu, il convient, comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a jugé notamment dans ses arrêts Berkholz du 4 juillet 1985 (C-168/84, points 17 et 18) et ARO Lease BV du 17 juillet 1997 (C-190/95, points 15 et 16), de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services. L'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel les prestations de services sont fournies ne présentant d'intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle d'un point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre Etat membre. Un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées.

13. Ainsi, jusqu'au 31 décembre 2009, le rattachement de prestations de services soit à un établissement satisfaisant aux critères énoncés au point précédent dont le prestataire dispose en France, soit au siège de son activité économique situé sur le territoire d'un autre Etat membre, détermine si la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces prestations est due en France ou dans l'autre Etat membre.

14. Par ailleurs, aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 2010 à 2014 : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire : a) A établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis ; b) Ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, a en France son domicile ou sa résidence habituelle. ". Aux termes de l'article 283 du même code : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...) 2. Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur (...) ".

15. Il résulte de ces dispositions, issues de la transposition en droit interne des articles 44, 192 bis, 193, 194 et 196 de la directive du 28 novembre 2006 dans leur version en vigueur à compter du 1er janvier 2010, éclairées notamment par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne GST Sarviz AG Germania du 23 avril 2015 (C-111/14, points 20 à 25), ainsi que de l'article 53 du règlement n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 portant mesures d'exécution de la même directive, que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259 du code général des impôts, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui satisfait aux critères énoncés au point 12, lesquels demeurent pertinents sous l'empire des nouvelles dispositions, ainsi qu'il ressort notamment de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne Welmory du 16 octobre 2014 (C-605/12, points 53 à 58). Dès lors que les prestations peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire ".

16. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 10 que la société A7 Interactive Limited disposait en France des moyens humains rendant possible, de manière autonome, la fourniture de ses prestations de " web agency " et d'" emailing ", ces moyens lui ayant notamment permis, en ce qui concerne l'activité de " web agency ", et lui permettant, en ce qui concerne l'activité d'" emailing ", de souscrire des contrats permettant aux clients d'accéder aux services proposés. D'autre part, alors même que les centres de données utilisés n'auraient pas été situés en France, la société A7 Interactive Limited, qui n'apporte aucun élément qu'elle seule est en mesure d'apporter permettant même de supposer que l'accès aux fonctionnalités proposées contractuellement à ses clients dans chacune des deux branches de son activité aurait été subordonné à l'intervention de sociétés tierces, notamment en ce qui concerne la création et la gestion des comptes des clients, doit être regardée comme disposant en France des moyens techniques adaptés rendant possible, de manière autonome, la fourniture de ses prestations de " web agency " et d'" emailing ". A cet égard, la circonstance que la société A7 Interactive Limited a eu recours à des prestataires sous-traitants, principalement localisés en Roumanie et en Tunisie, pour la réalisation notamment de travaux de codage et de développement, ne prive pas l'établissement permanent en France de la société A7 Interactive Limited de sa structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possible, de manière autonome, la réalisation des prestations de services de " web agency " et d'" emailing ".

17. Dans ces conditions, s'agissant de l'année 2009, dès lors que le siège de la société A7 Interactive Limited au Royaume-Uni était une adresse de domiciliation dépourvue de moyens humains et techniques, le rattachement au siège ne conduisant ainsi pas à une solution rationnelle d'un point de vue fiscal, c'est à bon droit que l'administration a rattaché les prestations de services en litige à l'établissement de la société en France, la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces prestations y étant par suite due. S'agissant des années 2010 à 2014, dès lors qu'il n'est pas contesté que les prestations ayant donné lieu au rappel de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259 du code général des impôts, la réponse aux observations du contribuable du 6 octobre 2015 précisant d'ailleurs que l'administration a pris en compte les observations de la requérante en réduisant le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée à hauteur des encaissements reçus de clients étrangers, c'est également à bon droit que l'administration a estimé que la société A7 Interactive Limited, prestataire fournisseur établi en France, était le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

18. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ".

19. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 4 août 2015, après avoir rappelé les règles applicables en matière de territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée résultant des articles 259 et 259 B du code général des impôts avant et après le 1er janvier 2010, indique précisément les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée pour procéder au rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée, notamment ceux pour lesquels la société A7 Interactive Limited a été regardée comme la redevable et ceux relatifs au fait générateur et à l'exigibilité, et les modalités de calcul de ce rappel, procédant des encaissements bancaires retranscrits dans les écritures comptables produites en cours de contrôle à partir des relevés financiers, ainsi que son montant, en distinguant les taux applicables. Ce document expose ainsi suffisamment les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination, sans que la société A7 Interactive Limited puisse utilement contester le bien-fondé des motifs exposés par l'administration pour faire valoir une insuffisance de motivation s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, notamment ceux afférents à la période postérieure au 1er janvier 2010.

20. Compte tenu de ce qui précède, la société A7 Interactive Limited n'est pas fondée à se prévaloir de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, motif pris de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification. Elle n'est en tout état de cause pas plus fondée à soutenir que la procédure de taxation d'office serait irrégulière, faute de motivation du rappel de taxe sur la valeur ajoutée.

21. Par ailleurs, si la société A7 Interactive Limited soutient, s'agissant de la détermination de son résultat imposable des exercices clos en 2012 et 2013, que l'administration n'a pas motivé son rejet des charges comptabilisées à raison des prestations facturées par la société C..., il résulte de la proposition de rectification que l'administration a clairement exposé les motifs de droit et de fait qui ont justifié la remise en cause de ces charges, ainsi que le montant des charges admises et rejetées au titre de chacun de ces exercices dans un tableau récapitulatif.

22. En deuxième lieu, il est constant que le pli qui contenait la proposition de rectification du 4 août 2015, envoyé à l'adresse de l'établissement de la société A7 Interactive Limited en France au domicile de M. A..., son dirigeant, a été réceptionné le 7 août 2015, qu'une demande de prorogation du délai de réponse a été formulée le 14 août 2015 et que la société A7 Interactive Limited a effectivement présenté des observations contestant les rectifications notifiées le 18 septembre 2015. Dans ces conditions, contrairement à ce qui est soutenu, alors même que ce document n'a pas été envoyé au siège et que la requérante n'a pas donné suite à la demande de l'administration de désignation d'un représentant fiscal, il est établi que les impositions d'office et leurs conséquences financières ont été régulièrement portées à la connaissance de la société A7 Interactive Limited.

23. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) ".

24. Il résulte de l'instruction, ce que la société A7 Interactive Limited reconnaît elle-même, que l'avis de mise en recouvrement fait référence à la proposition de rectification du 4 août 2015, à la réponse aux observations du contribuable du 6 octobre 2015 et à la lettre d'information du 12 novembre 2018. L'avis de mise en recouvrement comporte ainsi les mentions prévues par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales et est dès lors régulier, la proposition de rectification ayant d'ailleurs été régulièrement notifiée ainsi qu'il a été dit précédemment.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le délai de reprise :

25. D'une part, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2010 : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce (...) " et, dans sa rédaction applicable aux autres années en litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable ou la personne morale mentionnée à la première phrase du présent alinéa n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite (...) ".

26. D'autre part aux termes de l'article L. 176 du même livre, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2010 : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce (...) " et, dans sa rédaction applicable aux autres années en litige : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite (...) ".

27. Il résulte des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.

28. Il résulte de l'instruction que la société A7 Interactive Limited n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Elle soutient toutefois que le délai de reprise prévu aux articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales n'était pas applicable.

29. D'une part, la société A7 Interactive Limited fait valoir qu'elle a rempli ses obligations déclaratives en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée au Royaume-Uni, où elle était immatriculée et où les taux d'imposition étaient d'environ 20 %, et se prévaut de la clause d'échange de renseignements stipulée à l'article 27 de la convention franco-britannique du 19 juin 2008 et des possibilités d'assistance mutuelle prévues par le droit communautaire en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, en matière d'impôt sur les sociétés, la société A7 Interactive Limited s'est bornée à produire une attestation des services fiscaux britanniques indiquant qu'elle est à jour de ses obligations fiscales, datée du 24 mars 2017, ainsi postérieure aux années en litige et à la proposition de rectification, et des déclarations qui portent seulement sur les périodes du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011 et du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013, qui ne sont en outre ni datées ni signées. En matière de taxe sur la valeur ajoutée, elle a produit des déclarations portant sur la période du 1er octobre 2009 au 30 juin 2010, qui ne font état d'aucune taxe due et à payer, et sur les périodes du 13 septembre 2011 au 30 juin 2013 et du 1er octobre 2013 au 30 juin 2014, qui, compte tenu des montants de taxe sur la valeur ajoutée due et de taxe sur la valeur ajoutée récupérée qui y sont mentionnés, aboutissent à une taxe à récupérer, sans commune mesure avec le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée due établie par l'administration fiscale française. D'autre part, la société A7 Interactive Limited fait valoir qu'elle justifie d'une erreur, dès lors que la jurisprudence relative à l'adaptation de la notion d'établissement stable à l'économie numérique n'a été rendue que postérieurement aux années en litige. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, la société A7 Interactive Limited remplissait les critères, déjà définis par la jurisprudence ou précisément exposés par la loi, caractérisant une activité exploitée en France, un établissement stable et des prestations rendues par cet établissement à des clients établis dans cet Etat. Et, contrairement à ce qui est soutenu, dans sa décision n° 420174 du 11 décembre 2020, le Conseil d'Etat s'est borné à éclairer l'application au cas particulier des critères permettant de caractériser un établissement stable tels qu'ils avaient déjà été dégagés mais n'a pas déterminé des critères nouveaux dans le domaine de l'économie numérique.

30. Dans ces conditions, et alors que la société A7 Interactive Limited, si elle était immatriculée au Royaume-Uni, n'y était pas exploitée et n'y avait aucune activité économique, ce qu'elle ne pouvait ignorer, cette société, qui ne justifie pas avoir satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales au Royaume-Uni, n'établit pas avoir commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ces obligations déclaratives en France, qui ne résulte pas du seul fait de l'existence de possibilités d'échanges de renseignements et d'assistance mutuelle. Par suite, l'administration apporte la preuve de l'exercice occulte de l'activité de la société A7 Interactive Limited en France et était donc fondée à mettre en œuvre les dispositions des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la détermination du résultat imposable :

31. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2°, 5° et 6° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 (...) ". Aux termes de l'article L. 193 de ce livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

32. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la société A7 Interactive Limited s'est livrée à une activité occulte en France. Elle a ainsi été régulièrement taxée d'office en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, la charge de la preuve de l'exagération des impositions en litige lui incombe.

33. La société A7 Interactive Limited soutient que c'est à tort que l'administration a remis en cause, pour la détermination de son résultat imposable, la déduction des charges facturées par la société tunisienne C..., en totalité au titre de l'exercice clos le 30 juin 2012 et partiellement au titre de l'exercice clos le 30 juin 2013.

34. S'agissant de l'exercice clos en 2012, il résulte de la proposition de rectification que l'administration n'a pas admis la déduction en charges des prestations facturées par la société tunisienne C..., d'un montant de 179 425 euros, au motif que cette société n'avait pas de personnel et d'activité réelle avant le mois d'octobre 2012, date à laquelle du personnel salarié a commencé à être employé. Si la société A7 Interactive Limited fait valoir que les sommes facturées auraient pour contrepartie des services informatiques effectivement rendus, elle ne conteste pas que la société tunisienne ne disposait pas du personnel nécessaire à l'exécution de prestations avant la date de clôture de l'exercice, ce que corrobore d'ailleurs la liste du " personnel tunisien " produite par la requérante en première instance qui ne fait état d'aucun personnel avant la date de début de l'exercice clos en 2013, le tableau produit en première instance nommé " Facturation A7 Suarl ", établi par la requérante, ne justifiant pas de la réalité de prestations effectuées par cette société. Par ailleurs, si la société A7 Interactive Limited fait valoir qu'elle a nécessairement eu recours à des sous-traitants compte tenu du chiffre d'affaires réalisé et se prévaut d'un tableau établi par ses soins produit en première instance mentionnant des pourcentages de charges ainsi que d'un principe de réalisme économique, ces arguments n'établissent aucunement la réalité de prestations rendues par la société C... au titre de l'exercice clos en 2012, alors qu'il résulte de la proposition de rectification que l'administration a admis un montant de charges déductibles au titre de cet exercice à hauteur de 518 625 euros, soit l'ensemble des charges comptabilisées à l'exception de celles facturées par la société tunisienne.

35. S'agissant de l'exercice clos en 2013, il résulte de la proposition de rectification que la société A7 Interactive Limited a comptabilisé un montant de charges de 1 075 643 euros, dont 326 623 euros facturés par la société C..., dont M. A... détenait la totalité du capital. Après avoir constaté que les contrats conclus entre les deux sociétés étaient dépourvus de date certaine et les factures de tout élément permettant de corroborer la réalité des prestations, l'administration, pour tenir compte de la réalité économique, a néanmoins accepté la déduction en charges de la somme de 202 980 euros, faisant application du pourcentage de charges par rapport au chiffre d'affaires réalisé en 2014, et remis en cause la déduction de la somme de 123 643 euros. Si la société A7 Interactive Limited, qui ne conteste pas les éléments ainsi relevés, soutient que l'intégralité des sommes facturées par la société C... était déductible, elle se borne à faire valoir que son chiffre d'affaires a augmenté par rapport à l'exercice précédent, alors que l'administration a admis un montant de charges déductibles au titre de l'exercice clos en 2013 à hauteur de 952 000 euros.

36. Dans ces conditions, la société A7 Interactive Limited n'apporte pas la preuve de l'existence de charges supplémentaires à celles admises par l'administration et, par suite, du caractère exagéré des cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

En ce qui concerne la retenue à la source :

37. D'une part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". Aux termes de l'article 119 bis du même code : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : " I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : (...) c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France (...) ".

38. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention franco-tunisienne du 28 mai 1973 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue (...) ".

39. L'administration, estimant que les sommes versées par la société A7 Interactive Limited à la société C... qui n'ont pas été admises en tant que charges déductibles constituaient des avantages occultes au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts a soumis, au titre de l'année 2013 compte tenu du montant du bénéfice distribuable, ces sommes à la retenue à la source prévue à l'article 119 bis du même code. Elle a également soumis à la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts au titre des années 2013 et 2014 les sommes versées par la société A7 Interactive Limited à la société C... admises en tant que charges déductibles. La société A7 Interactive Limited soutient que la société C... est résidente en Tunisie au sens de l'article 3 de la convention franco-tunisienne du 28 mai 1973 et en conclut que cette convention fait ainsi obstacle à l'application de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis du code général des impôts, dès lors que les sommes en litige ne constituent pas des dividendes au sens de l'article 14 de la convention et ne sont imposables que dans l'Etat de résidence en application de l'article 28, ainsi qu'à l'application de la retenue à la source prévue à l'article 182 B du même code, dès lors que les sommes en cause constitutives de bénéfices ne sont imposables que dans l'Etat de résidence à défaut d'établissement stable du bénéficiaire en France, en application de l'article 11.

40. Les stipulations de l'article 3 de la convention franco-tunisienne citées ci-dessus doivent être interprétées conformément au sens ordinaire à attribuer à leurs termes, dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but. Il résulte des termes mêmes de ces stipulations, qui définissent le champ d'application de la convention, conformément à son objet principal qui est d'éviter les doubles impositions, que les personnes qui ne sont pas soumises à l'impôt en cause par la loi de l'Etat concerné à raison de leur statut ou de leur activité ne peuvent être regardées comme assujetties au sens de ces stipulations. Par ailleurs, et pour les personnes qui ne sont assujetties que partiellement à l'impôt, il résulte des mêmes stipulations de l'article 3 de cette convention que, pour son application, la qualité de résident d'un État contractant est subordonnée à la seule condition que la personne qui s'en prévaut soit assujettie à l'impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence ou d'un lien personnel analogue et non en raison de la seule existence de revenus y trouvant leur source.

41. Il est constant que la société C... bénéficie en Tunisie du régime fiscal des sociétés dites " totalement exportatrices " édicté par les articles 10 et suivants du code tunisien d'incitation aux investissements alors en vigueur, l'article 10 disposant que " Sont considérées totalement exportatrices les entreprises dont la production est destinée totalement à l'étranger ou celles réalisant des prestations de services à l'étranger ou en Tunisie en vue de leur utilisation à l'étranger (...) ". Si en tant qu'une telle entreprise, la société C... pouvait n'être exonérée qu'à raison de bénéfices provenant de l'exportation mais non de ceux susceptibles de provenir d'une activité réalisée en Tunisie et ainsi y être soumise à l'impôt sur les sociétés à raison de son activité, alors même qu'elle n'aurait pas réalisé de chiffre d'affaires sur le marché local pendant la période en litige, et dès lors être regardée comme résidente de cet Etat, la société A7 Interactive Limited se prévaut néanmoins des articles 12, 16 et 17 du code tunisien d'incitations aux investissements, alors que selon l'article 14 de ce code invoqué par la requérante elle-même, " Les entreprises totalement exportatrices sont considérées non résidentes lorsque leur capital est détenu par des non résidents tunisiens ou étrangers au moyen d'une importation de devises convertibles au moins égale à 66% du capital ". En outre, ainsi que le fait valoir le ministre, la société A7 Interactive Limited se borne à produire une quittance d'impôt sur les sociétés délivrée par les autorités fiscales tunisiennes au titre de l'exercice 2021, sans lien avec la période en litige, et des quittances des mois de décembre 2012 et 2013 et juin 2014 qui n'identifient qu'un impôt nommé " RS ", sans apporter d'éléments permettant d'établir les modalités d'exonération ou d'imposition ou de résidence effectives en Tunisie de la société C.... Il est par ailleurs constant que cette société est détenue et dirigée par M. A..., résident français, également dirigeant de la société A7 Interactive Limited.

42. Dans ces conditions, compte tenu des éléments précédemment mentionnés et en l'absence de production par la société A7 Interactive Limited des éléments qu'elle seule est en mesure de produire, il ne résulte pas de l'instruction que la société C... aurait été considérée au titre des années en litige comme résidente de Tunisie, en y étant assujettie à l'impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue, pour l'application de l'article 3 de la convention fiscale franco-tunisienne. La société A7 Interactive Limited n'est par suite pas fondée à soutenir que cette convention ferait obstacle aux retenues à la source en litige.

43. Par ailleurs, si la société A7 Interactive Limited indique, s'agissant de la retenue à la source établie sur le fondement de l'article 119 bis du code général des impôts, que les sommes versées y ont été soumises " indépendamment de la date de leur versement ", à supposer qu'elle ait ainsi entendu contester l'année de rattachement de la retenue à la source, elle n'apporte aucune précision permettant d'apprécier le bien-fondé de ce moyen.

Sur l'amende prévue à l'article 1736 du code général des impôts :

44. Aux termes de l'article 240 du code général des impôts : " 1. Les personnes physiques qui, à l'occasion de l'exercice de leur profession versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes (...) 2. Les dispositions des 1 et 1 bis sont applicables à toutes les personnes morales ou organismes, quel que soit leur objet ou leur activité (...) ". Aux termes de l'article 1736 du même code : " I. 1. Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 (...) ".

45. Il résulte de l'instruction que l'administration, après avoir constaté que la société A7 Interactive Limited n'avait pas déposé la déclaration prévue à l'article 240 du code général des impôts au titre des années 2011, 2012 et 2013, lui a infligé l'amende prévue au 1. du I de l'article 1736 du même code. Au stade de la proposition de rectification, l'administration a inclus dans l'assiette de l'amende les sommes de 137 840 euros en 2011, 270 439 euros en 2012 et 619 255 euros en 2013, soit des amendes de montants respectifs de 68 920 euros, 135 220 euros et 619 255 euros, ramenées au stade de la réponse aux observations du contribuable du 6 octobre 2015 aux sommes de 98 990 euros en 2011, 225 991 euros en 2012 et 548 833 euros en 2013 pour tenir compte des attestations de bénéficiaires quant à l'encaissement des rémunérations, soit des amendes de 49 495 euros en 2011, 112 996 euros en 2012 et 274 317 euros en 2013. Au stade du recours hiérarchique, l'administration a exclu de l'assiette deux autres factures ainsi que les sommes versées à la société C..., aboutissant à un montant d'amende de 49 495 euros en 2011, 81 496 euros en 2012 et 110 367 euros en 2013.

46. Pour contester ces amendes, la société A7 Interactive Limited soutient que les sommes versées par une entreprise à une autre entreprise en règlement du prix de prestations de service ou de travaux que la seconde a exécutés pour le compte de la première, ne sont pas au nombre de celles qui sont visées par l'article 240 du code général des impôts. Toutefois, il résulte du récapitulatif qui figure dans la réponse aux observations du contribuable, après exclusion des sommes mentionnées dans le compte-rendu du recours hiérarchique, que l'assiette de l'amende en litige est constituée de sommes versées, au demeurant presque en totalité à des personnes physiques, à raison de prestations de consultant, de conseil en gestion, de conseil social, de développeur informatique, de designer informatique, de programmeur informatique, de consultant informatique, de comptable, d'avocat et de ressources humaines. Et la société A7 Interactive Limited n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles les sommes ainsi versées relèveraient d'une activité de conception et de développement de logiciels présentant un caractère commercial comme procédant de la spéculation sur le travail d'autrui.

47. Dans ces conditions, compte tenu de la nature des prestations précédemment décrites, réalisées pour l'essentiel par des personnes physiques dont aucun élément ne permet de supposer qu'elles n'étaient pas des prestataires indépendants, les sommes en cause revêtaient le caractère d'honoraires, pour l'application du 1. de l'article 240 du code général des impôts, et devaient dès lors faire l'objet d'une déclaration. En l'absence d'une telle déclaration, c'est par suite à bon droit que l'administration a infligé à la société A7 Interactive Limited l'amende prévue au 1. du I. de l'article 1736 du même code.

48. Il résulte de tout ce qui précède que la société A7 Interactive Limited n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions et des amendes en litige doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

49. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société A7 Interactive Limited demande au titre des frais qu'elle a exposés.

D E C I D E :

Article 1er: La requête de la société A7 Interactive Limited est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société A7 Interactive Limited et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.

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N° 23MA00763


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