Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) E... B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et de taxe d'apprentissage qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.
Par un jugement n° 2102549 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 mai 2023, 13 décembre 2023, 28 février 2024, 3 avril 2024, 27 mai 2024 et 17 avril 2025, la société E... B... C..., représentée par Me Mathieu, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2102549 du 28 mars 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de déclarer sans fondement les saisies exécutoires pratiquées sur la société E... ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 907, 90 euros au titre de frais de traduction et de 5 400 euros au titre des honoraires d'avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- si elle a soutenu avoir débuté son activité le 22 janvier 2015, l'activité ayant auparavant été exercée sous la forme d'une entreprise individuelle, c'est à la suite d'un problème de communication avec son conseil et d'une erreur d'interprétation et il doit être considéré que deux structures ont coexisté, une entreprise individuelle E... B... C... existant depuis 2006 et une société E... B... C... créée à cette date ;
- l'entreprise individuelle n'était pas soumise à l'impôt sur les sociétés ;
- l'avis de vérification de comptabilité n'a pas été régulièrement notifié ;
- l'administration ne lui a pas proposé de débat oral et contradictoire ;
- la proposition de rectification n'a pas été régulièrement notifiée, ce qui l'a privée du droit d'y répondre et constitue une méconnaissance du devoir de loyauté ;
- en envoyant les pièces de procédure à une adresse erronée, l'administration a méconnu l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'avis de mise en recouvrement est nul ;
- ayant débuté son activité le 22 janvier 2015, elle n'a pas exercé d'activité occulte en France en fournissant de la main d'œuvre à la société A... ;
- elle n'avait pas à déclarer un établissement en France, où elle n'a exercé aucune activité et ne disposait d'aucune infrastructure nécessaire à l'exercice d'une activité économique ;
- la majoration de 80 % prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense enregistrés les 15 novembre 2023, 12 et 13 février 2024, 20 mars 2024, 17 avril 2024 et 4 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la société E... B... C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre la France et la Pologne du 20 juin 1975 tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Mathieu, pour la société E... B... C....
Considérant ce qui suit :
1. La société de droit polonais E... B... C... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 22 septembre 2017 lui a été notifiée. Au terme de la procédure, elle a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des années 2014 et 2015 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 suivant la procédure de taxation d'office pour activité occulte, ainsi qu'à des rappels de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et de taxe d'apprentissage suivant la procédure contradictoire, assortis des intérêts de retard, de la majoration de 80 % pour activité occulte s'agissant de l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée et de la majoration de 10 % s'agissant des autres taxes. La société E... B... C... relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.
Sur la recevabilité :
2. Si, dans le dernier état de ses écritures, la société E... B... C... demande à la cour de " déclarer sans fondement les saisies exécutoires du 12 avril 2019 pratiquées sur la société E... ", elle n'est pas recevable, ainsi que l'oppose le ministre, au cours de l'instance d'appel en matière d'assiette des impositions, à contester des actes de poursuites émis pour leur recouvrement, au surplus sans avoir présenté d'opposition préalable à l'encontre de ces actes.
Sur la qualité de redevable :
3. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier d'abord, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.
4. Pour contester sa qualité de redevable des impositions en litige, la requérante, qui a présenté l'ensemble de ses mémoires à l'en-tête de la SARL E... B... C... SP zoo (spólka z ograniczona odpowiedzialnoscia soit SARL), son avant-dernier mémoire en se présentant comme la " SARL E... B... C... ayant pour véritable raison sociale E... SP zoo " et son dernier mémoire en se présentant comme la " D...", a d'abord soutenu que se seraient succédés M. " E... " B... C..., entreprise individuelle de M. B... C..., puis, à compter de son immatriculation le 22 janvier 2015, la SARL E... B... C..., avant de faire valoir qu'auraient coexisté l'entreprise individuelle " E... " de M. B... C..., seule concernée par la période du contrôle, à qui auraient dû être adressés les pièces de la procédure d'imposition et qui n'a pas cessé son activité, et une SARL E... créée en 2015.
5. La requérante produit à l'appui de ses allégations un extrait du registre de l'activité commerciale du ministère du développement et de la technologie polonais qui confirme l'existence d'une " firma " portant le nom " E... B... C... " et le numéro d'identifiant fiscal 7343193893 ayant débuté son activité le 5 décembre 2006. L'existence de cette entreprise est confirmée par la réponse des autorités fiscales polonaises du 4 janvier 2017 à une demande d'assistance administrative internationale, qui confirme l'existence d'un contribuable " E... B... C... " portant ce numéro d'identification et ayant déclaré des recettes au titre des années 2010 à 2015. Toutefois, aucun de ces documents ne précise les statuts de cette " firma ", qui n'ont pas été produits, le registre se bornant à indiquer que " l'activité individuelle " est active. Et la requérante ne se prévaut d'aucun élément du droit polonais dont il découlerait qu'une " firma ", telle que celle identifiée comme " E... B... C... " et qui existait effectivement au titre de la période en litige, ne constitue pas une société ni, compte tenu de ses caractéristiques et du droit polonais qui en régit la constitution et le fonctionnement, une société à responsabilité limitée, ce qui ne résulte pas des formulaires fiscaux non traduits qui sont produits portant le nom de M. B... C..., alors que la requérante se présente en en-tête de ses écritures comme la SARL E... B... C.... Si la requérante produit également un extrait du registre national judiciaire polonais qui fait état de l'immatriculation le 22 janvier 2015 d'une société E... SP zoo, portant le numéro d'identification fiscale 7343529703, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, il s'agirait d'une entité tierce, qui, selon ses dernières allégations, ne lui aurait pas succédé. Ainsi, compte tenu des incohérences de l'argumentation présentée et des éléments précités, l'administration ne saurait être regardée comme ayant commis une erreur en estimant que la SARL E... B... C..., avec laquelle a été menée la procédure d'imposition, était la redevable des impositions en litige, mises en recouvrement à son nom.
Sur le principe de l'imposition en France :
6. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Il résulte de ces dispositions que ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que les seuls bénéfices réalisés dans des entreprises exploitées en France ou dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
7. D'autre part, aux termes de l'article 5 de la convention fiscale franco-polonaise du 20 juin 1975 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) Un siège de direction ; b) Une succursale ; c) Un bureau d'affaires commerciales ; d) Une usine ; e) Un atelier ; f) Une mine, une carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles ; g) Un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois (...) ". Aux termes de l'article 7 de la même convention : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (...) ".
8. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 22 septembre 2017 que, au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société de droit français A... (Société de Production du Bâtiment), l'administration a constaté que cette société a fait appel à la société E... B... C... en vue de la fourniture de main-d'œuvre en provenance de Pologne pour la réalisation de chantiers en France. Elle a estimé que cette société avait exercé une activité de travail temporaire à titre habituel en France, en y mettant à la disposition de la société A... une main d'œuvre polonaise pour réaliser des travaux de construction. A cet égard, si la société E... B... C... fait valoir qu'elle n'a eu aucune relation commerciale avec la société A..., l'administration a constaté l'existence d'un compte fournisseur au nom de " E... B... C... " dans la société A... au cours de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet, son gérant ayant d'ailleurs reconnu l'intervention de la société polonaise dans la fourniture de main d'œuvre dans le cadre d'un contrôle de facturation. La société requérante produit en outre des factures adressées à la société A... qui confirment la réalisation des prestations de fourniture de main d'œuvre. Par ailleurs, la réponse des autorités polonaises du 4 janvier 2017 à la suite de la demande d'assistance administrative internationale mentionnée au point 5 confirme que la société E... B... C... a déclaré des recettes résultant de factures émises au nom de la société A... et a expliqué que ces factures concernaient des travailleurs salariés en Pologne délégués à effectuer des services en France. Dans ces conditions, il est établi que la société E... B... C... est intervenue en tant que sous-traitant de la société A... pour la fourniture de main d'œuvre.
9. Toutefois, ainsi qu'il résulte notamment de la proposition de rectification, l'administration reconnaît elle-même que la société E... B... C... ne disposait pas d'infrastructures propres, ni de moyens matériels en France permettant de réaliser son activité de mise à disposition de main d'œuvre polonaise. Si la société A... disposait en France de locaux techniques, d'entrepôts et de bureaux, fournissait les matériaux et l'outillage et assurait le transport et l'hébergement du personnel pour la réalisation de travaux de construction en France, la durée totale des chantiers dépassant douze mois, il ne résulte pas de l'instruction que ces locaux et ces moyens auraient été mis à disposition de la société E... B... C... ou utilisés pour la réalisation de son activité d'agence de travail temporaire, qui ne se confond pas avec l'activité de construction de la société A.... La réponse des autorités polonaises à la demande d'assistance administrative internationale indique par ailleurs que la société est gérée par M. B... C..., résidant en Pologne. Les virements bancaires provenant de la société A... en rémunération de son sous-traitant qui a mis à sa disposition du personnel ont été encaissés par la société requérante sur un compte ouvert en Pologne et il est constant, s'agissant de la gestion du personnel détaché, que les ouvriers polonais employés par la société E... B... C... sont payés directement par cette société par virement en Pologne. L'administration ne produit aucun élément permettant même de supposer que le suivi de l'activité d'agence de travail temporaire aux plans administratif, comptable et financier de la société E... B... C... aurait été réalisé en France ou qu'elle y aurait été dirigée et gérée, notamment par l'intermédiaire du gérant de la société A..., ce qui ne résulte pas de la circonstance que cette société est à l'origine de la moitié du chiffre d'affaires déclaré en Pologne, de ce que la décision du donneur d'ordre de faire appel à la société E... B... C... pour la fourniture de main d'œuvre est prise en France où sont conclus les marchés de travaux et réalisés les chantiers et de ce que les gérants des deux sociétés se connaissaient. Ainsi, la société E... B... C... ne saurait être regardée comme étant exploitée en France par l'intermédiaire de la société A... pour la réalisation de son activité d'agence de travail temporaire, ni comme y ayant réalisé à ce titre un cycle commercial complet du seul fait que les salariés polonais ont été détachés en France, dès lors que l'activité de bâtiment de la société A... en France ne se confond pas avec l'activité de travail temporaire en Pologne.
10. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la société E... B... C... aurait exploité en France une entreprise autonome de mise à disposition de personnel au sens de l'article 209 du code général des impôts, en l'absence d'autonomie de gestion dans cet Etat, ou y aurait réalisé un cycle commercial complet ou qu'elle y aurait disposé d'un local permanent constituant une installation fixe d'affaires où elle aurait exercé une partie de cette activité, d'un siège de direction ou d'un bureau d'affaires commerciales au sens de l'article 5 de la convention fiscale franco-polonaise du 20 juin 1975. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce qu'elle n'était pas imposable à l'impôt sur les sociétés compte tenu de sa forme, la société E... B... C..., qui ne présente aucun moyen en ce qui concerne son assujettissement en France à la taxe sur la valeur ajoutée et aux autres taxes en litige, est fondée à soutenir qu'elle ne pouvait être assujettie à l'impôt sur les sociétés en France.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ".
12. Il résulte des mentions non contredites de la proposition de rectification que l'administration a envoyé à la société E... B... C..., avec laquelle a été régulièrement menée la procédure d'imposition ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5, l'avis de vérification de comptabilité du 19 février 2016 à l'adresse de son siège social en Pologne et qu'il a été accusé réception du pli qui le contenait le 23 février 2016. La société E... B... C... n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'avis de vérification de comptabilité n'a pas été régulièrement notifié.
13. En deuxième lieu, il résulte des mentions de la proposition de rectification qui ne sont pas plus contredites que la société E... B... C... n'a pas contacté le vérificateur à la suite de la réception de l'avis de vérification de comptabilité. Alors que celui-ci l'a informée de la demande d'assistance administrative adressée aux autorités fiscales polonaises par un courrier reçu à l'adresse du siège social en Pologne le 13 juin 2016, précisant qu'en l'absence de réponse à l'avis de vérification, il était demandé au gérant de bien vouloir le contacter afin de convenir d'un rendez-vous dans le cadre des opérations de contrôle fiscal, par un courriel du même jour, accompagné d'une lettre, M. C... a notamment indiqué que la société n'avait aucun siège social en France et qu'aucune vérification fiscale en France ne pouvait être opérée. Alors que le lendemain, un courriel a été envoyé par l'administration dans lequel il était rappelé les motifs du contrôle, par un courriel du 28 juin 2016, une salariée de la société a indiqué être en possession de documents sollicités par le service, qui n'ont pas été produits, le vérificateur renouvelant sa demande de documents par deux courriels qui n'ont donné lieu à aucune réponse. Dans ces conditions, dès lors qu'elle s'est elle-même soustraite à un tel débat, la société E... B... C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de débat oral et contradictoire.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, applicable à la procédure contradictoire : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article L. 76 du même livre, applicable à la procédure de taxation d'office : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions ".
15. Il résulte de l'instruction qu'une copie de la proposition de rectification du 22 septembre 2017 a été envoyée à l'adresse du siège social de la société E... B... C... en Pologne, le pli qui la contenait ayant été réceptionné le 16 octobre 2017. Par suite, et en tout état de cause, la société E... B... C... n'est pas fondée à soutenir que, faute d'avoir reçu le pli qui contenait la proposition de rectification, elle aurait été privée de la possibilité de présenter des observations et que l'administration aurait méconnu son devoir de loyauté.
16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ".
17. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'avis de mise en recouvrement du 30 mars 2018 a été régulièrement établi au nom de la SARL E... B... C.... Celle-ci n'est pas fondée à demander que cet avis de mise en recouvrement " soit déclaré nul ".
18. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que la société E... B... C... n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en envoyant les pièces de procédure à une adresse erronée.
Sur le bien-fondé des impositions :
19. Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.
20. Ainsi qu'il a été dit au point 8, la société E... B... C..., qui n'a déposé aucune déclaration ni fait connaître son activité, a effectivement exercé une activité de mise à disposition temporaire de salariés polonais au profit de la société A... qui a en France le siège de son activité économique. La société E... B... C... n'alléguant pas qu'elle aurait commis une erreur, justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives en France notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée, elle n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas exercé une activité occulte.
Sur les pénalités :
21. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration (...) entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ".
22. Dès lors que la société E... B... C... était défaillante quant à ses obligations déclaratives en France et n'établit pas qu'elle a commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives, l'administration apporte la preuve de l'exercice occulte d'une activité économique imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, que la requérante ne conteste pas utilement en se bornant à soutenir que " les faits constatés révèlent davantage une totale méconnaissance des lois françaises qu'une volonté délibérée d'exercer clandestinement l'activité d'une agence de travail intérimaire ". Par suite, l'application de la majoration de 80 % prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts est bien fondée.
23. Il résulte de tout ce qui précède que la société E... B... C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015. Ce jugement doit dès lors être réformé dans cette mesure et la requérante doit être déchargée, en droits et majorations, de ces impositions. Le surplus de ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge doit en revanche être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
24. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que la société E... B... C... demande au titre du remboursement de frais de traduction et au titre des autres frais qu'elle a exposés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er: La société E... B... C... est déchargée, en droits et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015.
Article 2 : Le jugement n° 2102549 du 28 mars 2023 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société E... B... C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée E... B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.
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N° 23MA01087