Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Les Chalets de la Meije a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 19 octobre 2020 par laquelle le maire de La Grave ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la société les Balcons de la Meije, et tendant à la réfection de la toiture de la résidence de tourisme dont elle est propriétaire.
Par un jugement n° 2010044 du 9 avril 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 juin 2024 et le 24 mars 2025, la société par actions simplifiée (SAS) Les Chalets de la Meije, représentée par Me Le Gulludec, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de La Grave du 19 octobre 2020 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Grave et du syndicat de copropriété Les Balcons de la Meije chacun la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité dès lors que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que, les couvertures en ardoise ou en bois constituant des caractères particuliers des architectures à l'ancienne au sens de l'article UA 11.3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, lesquels doivent être conservés à l'identique, le projet du syndicat de copropriété Les Balcons de la Meije méconnaît ces dispositions et il devait lui être imposé de réaliser une toiture en bois conformément à l'existant ;
- la déclaration préalable a été présentée en méconnaissance de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme dès lors que M. A..., représentant le syndic de copropriété AVR'IMMO, n'avait aucune qualité à cette fin faute de disposer d'un mandat, et la demande aurait dû être présentée par le syndicat de la copropriété des Balcons de la Meije ;
- ce projet aggrave la méconnaissance des dispositions de l'article UB 10 du règlement du PLU relatives à la hauteur des constructions en réhaussant la toiture de 10 cm, alors que les travaux de réfection d'une toiture ne peuvent être regardés comme étrangers à l'application de ces dispositions ; à cet égard, les dispositions de l'article L. 152-5 du code de l'urbanisme permettant d'y déroger dès lors qu'il s'agit de travaux d'isolation par surélévation des toitures existantes sont inapplicables, les immeubles en cause se trouvant aux abords d'un ensemble religieux protégé au titre des monuments historiques ;
- ce projet méconnaît les dispositions l'article UB 11 du règlement du PLU qui imposent de ne pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, alors que le village de La Grave est situé dans le parc naturel des écrins et que les toitures alentours sont en couvertures traditionnels bois, ardoises ou tuiles aspect ardoise ; l'application combinée des points 11.2 et 11.4 de cet article imposait la réalisation d'une couverture en bois, à tout le moins en tuiles béton aspect ardoise ou ardoises naturelles, et non en bac acier ; les couvertures en ardoise ou en bois constituent des caractères particuliers des architectures à l'ancienne qu'il convient de préserver au sens de l'article UB 11.3 du règlement du PLU.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2024, la commune de La Grave, représentée par Me Pinet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Les Chalets de la Meije en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la société appelante ne justifie pas que le projet litigieux est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien et ne justifie pas d'un intérêt suffisant lui donnant qualité pour agir en sa seule qualité de voisine immédiate ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2025, le syndicat de copropriété Les Balcons de la Meije, représenté par Me Kais, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Les Chalets de la Meije en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Hebert, substituant Me Kaïs, représentant le syndicat de copropriété Les Balcons de la Meije.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 19 octobre 2020, le maire de la commune de La Grave ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par le syndic de copropriété AVR'IMMO en vue de la réfection de la toiture d'un ensemble immobilier à usage de résidence de tourisme dénommé Les Balcons de la Meije. La société par actions simplifiée (SAS) Les Chalets de la Meije relève appel du jugement du 9 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du dossier de première instance que la SAS Les Chalets de la Meije a soulevé devant le tribunal administratif de Marseille un moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA 11.3 du règlement du plan local d'urbanisme de La Grave, qui prescrit de conserver à l'identique les caractères particuliers des architectures à l'ancienne ne rentrant pas dans le cadre de ce règlement. Le jugement attaqué ne se prononce pas sur ce moyen ni ne le vise et, alors même qu'il vise le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 11 qui comporte une disposition identique en son point 11.3, ne se prononce pas davantage sur la méconnaissance de cette règle. Ce jugement est dès lors irrégulier et doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SAS Les Chalets de la Meije devant le tribunal administratif de Marseille.
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Aux termes de l'article R. 431-35 du même code : " La déclaration préalable précise :/ a) L'identité du ou des déclarants (...) ; / (...) La déclaration comporte également l'attestation du ou des déclarants qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une déclaration préalable. "
5. Il résulte de ces dispositions que les déclarations préalables doivent seulement comporter, comme les demandes de permis de construire en vertu de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 précité. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une déclaration ou d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Les tiers ne sauraient donc utilement, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, faire grief à l'administration de ne pas en avoir vérifié l'exactitude. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une telle déclaration ou d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de s'opposer à la déclaration ou de refuser la demande de permis pour ce motif.
6. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas même allégué, que M. A..., qui a signé le formulaire Cerfa de la déclaration préalable en cause, ne serait pas le représentant légal de B... au nom de laquelle a été déposée ladite déclaration, ni que cette société n'était pas habilitée par la copropriété des Balcons de la Meije pour déposer cette déclaration pour son compte. Au demeurant, et ainsi qu'il a été dit au point précédent, la SAS Les Chalets de la Meije ne peut, pour contester la légalité de l'arrêté litigieux, faire grief au maire de La Grave de n'avoir pas vérifié l'exactitude de cette attestation. Alors qu'elle n'allègue pas que cette attestation aurait été établie frauduleusement davantage qu'elle ne soutient qu'elle serait inexacte, ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article UB 10.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de La Grave, relatif à la hauteur maximale des constructions : " La hauteur des constructions entre le point le plus haut (faîtage) et le point le plus bas, sera au plus égale à 11 m et R+3 "
8. Ainsi que le rappelle le point 4.1 de l'article 4 relatif aux dispositions particulières du règlement du PLU de la Grave, la circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un document d'urbanisme régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'une autorisation de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions.
9. Il est constant que la hauteur de l'ensemble immobilier objet des travaux en litige s'établit à plus de 14 mètres. Cependant, les travaux en cause, qui ne portent que sur le remplacement de la toiture existante en bardeaux de bois de mélèze par une couverture en bac acier gris lauze, sont étrangers à l'application des règles régissant la hauteur des constructions, lesquelles ne sauraient s'opposer à la réfection des toitures. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 10.1 du règlement du PLU de La Grave doit donc, en tout état de cause, être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article UB 11 du règlement du PLU de La Grave relatif notamment à l'aspect extérieur des constructions : " L'article R. 111-21 du code de l'urbanisme continue de s'appliquer en plus des prescriptions édictées dans le présent article. Il dispose que " le permis de construire peut-être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". / 11.2 : L'aspect général des constructions, compris les annexes et clôtures, devra s'harmoniser par les volumes et les proportions, par la composition générale des façades, par les matériaux et les couleurs, avec la typologie architecturale dominante du secteur. (...) / 11.3 Les caractères particuliers de l'architecture ancienne ne rentrant pas dans le cadre du présent règlement sont à conserver à l'identique / 11.4 (...) Les caractères obligatoires dominants de la construction sont les suivants : (...) Toitures / (...) Les toitures seront réalisées en matériaux suivants : tuiles béton aspect ardoise, ardoises naturelles et bac acier gris lauze (réf. RAL 7006). "
11. Il ressort des pièces du dossier que les toitures des immeubles du secteur où est implanté l'ensemble immobilier de la copropriété des Balcons de la Meije sont soit en tuiles béton, soit en bac acier gris lauze, soit, dans une moindre proportion, en bois. Le projet de réfection objet de l'arrêté litigieux, en recourant au bac acier gris lauze, est ainsi en harmonie avec ceux des bâtiments du secteur et ne porte pas atteinte au caractère des lieux avoisinants. En autorisant ce projet, le maire de La Grave n'a donc pas méconnu les dispositions des points 11.1 et 11.2 de l'article UB 11 du PLU de la commune. Il n'a pas davantage méconnu celles du point 11.4 de ce même article qui autorise à utiliser uniquement du bac acier gris lauze en alternative aux tuiles béton aspect ardoise et aux ardoises naturelles, contrairement à ce que soutient la société appelante. Enfin, ladite société ne peut utilement se prévaloir de ce que les toitures des immeubles de La Grave constituent des caractères particuliers de l'architecture ancienne au sens du point 11.3 de cet article, qui sont à conserver, alors qu'identifiées comme caractères obligatoires dominants par le point 11.4, en rentrant donc dans le cadre du règlement du PLU, elles peuvent être réalisées notamment, ainsi qu'il vient d'être dit, en bac acier gris lauze.
12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de La Grave en défense, la SAS Les Chalets de la Meije n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le maire de cette commune ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la société les Balcons de la Meije.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Grave et du syndicat de copropriété Les Balcons de la Meije, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SAS Les Chalets de la Meije au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société la somme de 500 euros au titre des frais exposés par la commune de La Grave et le syndicat de copropriété Les Balcons de la Meije et non compris dans les dépens.
D É C I D E
Article 1er : Le jugement n° 2010044 du 9 avril 2024 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La requête de la SAS Les Chalets de la Meije est rejetée.
Article 3 : La SAS Les Chalets de la Meije versera une somme de 500 euros à la commune de La Grave et une somme de 500 euros au syndicat de copropriété Les Balcons de la Meije en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Les Chalets de la Meije, à la commune de La Grave et au syndicat de copropriété Les Balcons de la Meije.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, où siégeaient :
- M. Duchon-Doris, président de la cour,
- Mme Courbon, présidente-assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.
2
N° 24MA01467
nb