Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite du 25 janvier 2021 par laquelle le maire d'Hyères-les-Palmiers a refusé de retirer l'arrêté du 12 septembre 2018 par lequel il a délivré à M. C... E... un permis de construire portant sur la surélévation et l'aménagement d'une maison existante sur une parcelle cadastrée section HB n° 0008, située 1840 route de la Madrague sur le territoire communal.
Par un jugement n° 2100654 du 8 décembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 janvier, 22 mai, 10 juillet et 16 septembre 2024, M. D..., représenté par Me Reghin, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2023 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2018 du maire d'Hyères-les-Palmiers ;
3°) d'annuler la décision implicite du 25 janvier 2021 du maire d'Hyères-les-Palmiers ;
4°) d'enjoindre au maire d'Hyères-les-Palmiers de procéder au retrait de son arrêté du 12 septembre 2018 ;
5°) de mettre à la charge de la commune d'Hyères-les-Palmiers et de M. E... la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la recevabilité de la demande dirigée contre l'arrêté du 12 septembre 2018 du maire d'Hyères-les-Palmiers ; la fraude entachant le permis de construire fait obstacle à ce que cet arrêté ait acquis un caractère définitif ;
- le permis de construire contesté est entaché de fraude, en ce qui concerne la superficie préexistante du garage à bateau afin de permettre une extension, puis une surélévation sur cette extension ; le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation quant aux règles d'urbanisme méconnues à raison de la fraude ; la fraude réalisée a permis de contourner les dispositions des articles UE 7 et UE 9 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) d'Hyères-les-Palmiers ;
- le permis de construire contesté méconnaît les dispositions des articles R. 423-21 du code de l'urbanisme et UE 7 du règlement du PLU d'Hyères-les-Palmiers, dans la mesure où la construction préexistante a été détruite sans l'obtention d'un permis de démolir ; le permis est entaché de fraude à cet égard, dans la mesure où la construction litigieuse doit être regardée comme une construction nouvelle qui n'aurait pas pu être autorisée au regard des dispositions des articles UE 7 et UE 9 du règlement du PLU d'Hyères-les-Palmiers ;
- il méconnaît les dispositions de l'article UE 7 du règlement du PLU d'Hyères-les-Palmiers ;
- il méconnaît les dispositions de l'article UE 9 du règlement du PLU d'Hyères-les-Palmiers.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 avril et 30 septembre 2024, M. et Mme E..., représentés par Me Vaison de Fontaube, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- la requête est irrecevable au regard des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- la demande de première instance était irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2018 du maire d'Hyères-les-Palmiers sont nouvelles en appel et, par conséquent, irrecevables.
Par des mémoires en défense enregistrés les 12 juin et 9 août 2024, la commune d'Hyères-les-Palmiers, représentée par Me Barbeau, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2018 du maire d'Hyères-les-Palmiers sont nouvelles en appel et, par conséquent, irrecevables ; elles sont également irrecevables au regard des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; les moyens soulevés au soutien de ces conclusions sont irrecevables ou inopérants ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, rapporteure ;
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ;
- les observations de Me Gonzales-Lopez représentant M. D..., et celles de Me Dabin représentant M. et Mme E....
Une note en délibéré, présentée pour M. D..., a été enregistrée le 6 juin 2025 et n'a pas été communiquée.
Une note en déliberé présentée pour les époux E... a été enregistrée le 11 juin 2025 et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 septembre 2018, le maire d'Hyères-les-Palmiers a délivré à M. E... un permis de construire portant sur la surélévation et l'aménagement d'une maison existante sur une parcelle cadastrée section HB n° 0008, située 1840 route de la Madrague sur le territoire communal. Le 25 novembre 2020, M. D... a demandé au maire d'Hyères-les-Palmiers de procéder au retrait de cet arrêté. Le requérant relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande dirigée contre la décision implicite du 25 janvier 2021 par laquelle le maire d'Hyères-les-Palmiers a refusé de procéder au retrait demandé.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Le requérant n'a présenté, dans le délai de recours en première instance, que des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 janvier 2021 par laquelle le maire d'Hyères-les-Palmiers a refusé de procéder au retrait de son arrêté du 12 septembre 2018. Les conclusions aux fins d'annulation de cet arrêté, présentées dans sa note en délibéré enregistrée le 27 novembre 2023, soit près d'un an après la clôture de l'instruction, intervenue le 9 décembre 2022, ne peuvent en tout état de cause être regardées comme ayant été valablement soulevées en première instance, dès lors que cette note n'a pas été soumise au débat contradictoire. Par suite, ces conclusions, qui doivent donc être regardées comme ayant été invoquées pour la première fois en appel, sont irrecevables. M. D... ne conteste pas sérieusement cette fin de non-recevoir, en se bornant à affirmer que ses écritures devant le tribunal n'ont eu " cesse de démontrer l'illégalité du permis délivré le 12 septembre 2018 ", alors qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que les conclusions présentées par celui-ci dans le délai de recours étaient exclusivement dirigées contre la décision susvisée du 25 janvier 2021 du maire d'Hyères-les-Palmiers.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Si le requérant soutient que le jugement attaqué est irrégulier car entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, ces moyens, qui relèvent d'ailleurs du contrôle du juge de cassation et non de celui du juge d'appel, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, et ne peuvent donc qu'être écartés comme inopérants.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. D'une part, un tiers justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai de recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin. Dans un tel cas, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, d'une part, de vérifier la réalité de la fraude alléguée, et, d'autre part, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l'acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait.
5. D'autre part, un permis ne peut faire l'objet d'un retrait, une fois devenu définitif, qu'au vu d'éléments, dont l'administration a connaissance postérieurement à la délivrance du permis, établissant l'existence d'une fraude à la date où il a été délivré. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s'étant livré à l'occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l'administration.
6. Aux termes de l'article UE 7 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) d'Hyères-les-Palmiers : " Les constructions doivent être implantées en ordre discontinu avec un recul minimum de 8 m des limites séparatives. / Des implantations différentes peuvent être autorisées : (...) - dans le cas d'une surélévation d'un bâtiment existant légalement autorisé à condition que celle-ci s'effectue en continuité du nu de la façade existante ". Selon le lexique du PLU, " La notion de façade du bâti s'apprécie comme celle du bâtiment située du côté de la voie publique ou de la limite séparative, de l'élévation avant et arrière d'un bâtiment dont le règlement du Plan Local d'Urbanisme peut fixer une longueur maximale ". Aux termes de l'article UE 9 de ce même règlement : " L'emprise au sol des constructions par rapport à la superficie totale du terrain, telle que définie dans les dispositions générales, ne peut excéder : (...) 10 % en UEf (...) ".
7. M. D... soutient que le pétitionnaire a présenté de manière frauduleuse le sous-sol de l'habitation préexistante, en indiquant qu'il était composé pour partie d'un garage à bateau et pour partie d'un vide sanitaire, alors que ce vide sanitaire n'existe pas. Il ressort des pièces du dossier que M. E..., après avoir indiqué, à tort, dans la notice descriptive du projet litigieux, que le garage à bateau avait une superficie de 65 m², a fait apparaître, sur les plans de la demande de permis de construire, un vide sanitaire en sous-sol de la partie ouest de la construction préexistante. Les photographies produites par l'appelant, prises durant les travaux de réalisation du projet contesté, démontrent toutefois que cette partie du sous-sol était entièrement remplie de terre et que des décaissements ont été réalisés pour la vider. Il ressort ainsi des pièces du dossier que cette partie de la construction n'était pas occupée par un vide sanitaire ni, au demeurant, par le garage à bateau, la limite de ce garage étant visible sur les photographies susmentionnées. Dans ces conditions, la présentation par le pétitionnaire du sous-sol de la partie ouest de la construction préexistante était erronée.
8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'une partie de la construction préexistante était implantée en limite nord-ouest de la parcelle cadastrée section HB n° 0008, au droit du sous-sol présenté à tort comme un vide sanitaire, et que la façade de cette partie de la construction s'élevait au-dessus du mur en pierres situé entre la limite de la parcelle et la mer, ainsi que le confirme le plan cadastral versé au dossier de demande de permis de construire. A la supposer frauduleuse, la présentation erronée de la consistance d'une partie du sous-sol n'a ainsi pas été de nature à permettre au projet litigieux, qui consiste en la surélévation d'une maison d'habitation existante, réalisée en continuité du nu de cette façade nord-ouest, d'échapper à l'application des dispositions précitées de l'article UE 7 du règlement du PLU d'Hyères-les-Palmiers, dès lors que celles-ci autorisent les surélévations effectuées en continuité du nu de la façade existante. Le projet de surélévation et de réaménagement en litige n'entraînant, par ailleurs, aucune modification de l'emprise au sol de la construction, la présentation du sous-sol que le requérant qualifie de frauduleuse n'a pas davantage été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative quant au respect des dispositions précitées de l'article UE 9 de ce même règlement. Au demeurant, l'arrêté du 12 septembre 2018 mentionnait de manière suffisamment claire et précise que le projet litigieux portait sur la surélévation et l'aménagement d'une maison existante et entraînait la création de 65 m² de surface de plancher. Dans ces conditions, la fraude alléguée sur ce point ne peut, en l'absence de méconnaissance d'une règle d'urbanisme, qu'être écartée.
9. Enfin, si M. D... soutient que le pétitionnaire aurait volontairement dissimulé au service instructeur la nécessité de procéder à une démolition préalablement à l'édification de la construction litigieuse, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dissimulation, à la supposer même établie, ait procédé d'une intention volontaire de la part de M. E.... A cet égard, les photographies produites par M. D..., prises durant la phase de travaux, démontrent que la façade nord-ouest a été conservée durant les travaux, le requérant n'apportant au demeurant aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle une démolition totale de la construction préexistante aurait été réalisée. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le pétitionnaire a obtenu, par un arrêté du 24 avril 2020, un permis de construire modificatif portant notamment sur la démolition de la toiture et des murs en R+1. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que la démolition litigieuse a été rendue nécessaire au cours de l'exécution des travaux, et que l'absence d'obtention d'un permis de démolir préalablement à l'obtention du permis de construire ne résulte pas d'une intention frauduleuse de la part du pétitionnaire.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres fins de non-recevoir opposées en défense, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 25 janvier 2021 du maire d'Hyères-les-Palmiers.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Hyères-les-Palmiers et de M. E..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par la commune d'Hyères-les-Palmiers et les consorts E... sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Hyères-les-Palmiers et par M. et Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la commune d'Hyères-les-Palmiers et à M. C... et Mme A... E....
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025
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N° 24MA00175