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19/06/2025 | FRANCE | N°24MA02308

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 19 juin 2025, 24MA02308


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.



Par un jugement n° 2309732 du 16 mai 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. r>


Procédure devant la Cour :



I. Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2024 sou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2309732 du 16 mai 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2024 sous le numéro 24MA02309, M. B..., représenté par Me Ibrahim, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2309732 du 16 mai 2024 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 3-1 et 10-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 septembre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Par une décision du 26 juillet 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a admis M. B... à l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2024 sous le numéro 24MA02308, M. B..., représenté par Me Ibrahim, demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2309732 du 16 mai 2024 du tribunal administratif de Marseille sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens qu'il soulève sont sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 septembre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Par une décision du 26 juillet 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a admis M. B... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant comorien, a sollicité son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 16 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Les requêtes n° 24MA02308 et n° 24MA02309 présentées par M. B... sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis l'année 2014, il ne justifie pas de sa date d'entrée sur le territoire français et n'apporte aucun élément probant pour la période antérieure au mois d'août 2018 en se bornant à produire un récépissé de transfert d'argent et une facture pour l'année 2015, une facture pour l'année 2016 et deux ordonnances médicales pour l'année 2017. En outre, ainsi que l'a relevé le tribunal, M. B... n'a produit aucun document démontrant son séjour sur le territoire français pour la période d'octobre 2022 à juillet 2023. Par ailleurs, M. B... fait valoir qu'il entretient une vie commune depuis 2020 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, avec qui il a conclu un pacte civil de solidarité le 28 juillet 2021. Toutefois, il se borne à produire au titre de l'année 2020 quatre factures de sociétés commerciales et deux factures d'une société de téléphonie et les quittances de loyer manuscrites produites, à les supposer probantes, ne débutent qu'à compter du mois de juin 2021, la vie commune restant ainsi récente à la date de l'arrêté attaqué. M. B... soutient également qu'il a eu un enfant né le 3 janvier 2021 avec sa compagne, qu'il a deux enfants nés en 2017 issus d'une précédente union avec une ressortissante comorienne et qu'il s'occupe de deux autres enfants de sa compagne nés en 2015 et 2017. Toutefois, outre qu'il ne précise pas la situation au regard du séjour en France de ses enfants nés en 2017, M. B... n'apporte aucun élément probant de nature établir la réalité et l'intensité de ses relations avec l'ensemble de ces enfants en se bornant à produire des certificats de scolarité postérieurs à octobre 2021 et quelques attestations de médecins établies entre septembre 2021 et mai 2022. Enfin, en se bornant à produire une promesse d'embauche pour un emploi de commis de cuisine établie le 14 septembre 2023, postérieurement à l'arrêté en litige, M. B... ne fait état d'aucune insertion sociale et professionnelle particulière. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. B..., le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté en cause a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté contesté sur sa situation personnelle. A supposer le moyen invoqué, il n'est en tout état de cause pas plus fondé à se prévaloir de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour.

6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. B... ne justifie pas de la réalité et de l'intensité des liens qu'il soutient entretenir avec ses enfants et ceux de sa compagne. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'en édictant l'arrêté attaqué, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu l'intérêt supérieur de ces enfants mineurs en violation du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

8. En quatrième lieu, le paragraphe 1 de l'article 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant que M. B... mentionne, fait obligation à l'administration de considérer " toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale " " dans un esprit positif, avec humanité et diligence ". La demande de M. B... n'ayant pas cet objet, l'arrêté contesté n'a pu, en tout état de cause, méconnaître ces stipulations.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'annulation de jugement et de l'arrêté du 1er mars 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... doivent ainsi être rejetées.

Sur la requête n°24MA02308 :

11. Dès lors qu'elle se prononce sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation du jugement contesté, il n'y a pas lieu pour la Cour de statuer sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés.

D E C I D E :

Article 1er: Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24MA02308 de M. B....

Article 2 : La requête n° 24MA02309 de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Ibrahim et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2025.

2

N° 24MA02308 - 24MA02309


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA02308
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : IBRAHIM

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;24ma02308 ?
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