Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 28 février 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de sa destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2406503 du 22 octobre 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I- Par une requête enregistrée le 9 décembre 2024 sous le n° 24MA03040, M. A..., représenté par Me Bakayoko, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 22 octobre 2024 du tribunal administratif de Marseille ;
3°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous les mêmes conditions d'astreinte ;
5°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de mettre fin à son signalement au système d'information Schengen (SIS), sans délai à compter de la notification de la décision à intervenir ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un vice de procédure, au regard des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, par la voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- la décision fixant le pays de sa destination est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale, par la voie d'exception de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 décembre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 mars 2025, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
Par ordonnance du 22 avril 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mai 2025.
II- Par une requête enregistrée le 26 décembre 2024 sous le n° 24MA03258, M. A..., représenté par Me Bakayoko, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de surseoir à l'exécution du jugement du 22 octobre 2024 du tribunal administratif de Marseille ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de sept jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables, au sens des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;
- il existe, en l'état de l'instruction, des doutes sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 28 février 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône ; cet arrêté est entaché d'erreurs manifestes d'appréciation, méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entaché d'un vice de procédure, méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est insuffisamment motivé, méconnaît les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur d'appréciation.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 décembre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 mars 2025, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 avril 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mai 2025.
Par une lettre du 27 mai 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible, dans les affaires citées en référence, de soulever d'office l'illégalité de l'interdiction du territoire français par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement du 5 juillet 2007 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Portail, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité gabonaise, demande, sous le n° 24MA03040, l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 28 février 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de sa destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Sous le n° 24MA03258, il demande à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les deux requêtes susvisées sont présentées par le même requérant et sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les demandes d'aide juridictionnelle provisoire :
3. Par décisions du 27 décembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a statué sur les demandes d'aide juridictionnelle présentées par le requérant et a admis celui-ci au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour les deux instances susvisées. Dès lors, les conclusions présentées par M. A... tendant à ce que la Cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet à la date du présent arrêt.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 (...) ". Selon l'article L. 435-1 de ce même code : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... produit, pour la période de dix années comprise entre le 28 février 2014 et le 28 février 2024, des documents suffisamment probants et diversifiés pour établir le caractère habituel de sa présence en France. Ainsi, s'agissant plus particulièrement de la période allant du 31 octobre 2021, date d'expiration du dernier titre de séjour en qualité d'étudiant dont il a été titulaire, au 28 février 2024, date de la décision contestée, l'intéressé fournit notamment des quittances de loyer, des documents médicaux et bancaires, des documents relatifs à ses études, des attestations d'Electricité de France (EDF), ou encore des promesses d'embauche. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure pour avoir été pris sans saisine préalable de la commission du titre de séjour et à en demander l'annulation.
6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de séjour, invoqué contre la décision du même jour obligeant M. A... à quitter le territoire français, doit être accueilli.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".
8. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte. En l'occurrence, il y a lieu d'annuler la décision portant interdiction de retour sur le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 28 février 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'administration mette fin au signalement de M. A... dans le système d'information Schengen, qu'elle procède au réexamen de sa situation et lui délivre, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, d'une part, de mettre fin, sans délai, au signalement de M. A... dans le système d'information Schengen, et, d'autre part, de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de celui-ci, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans cette attente, de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par M. A....
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser Me Bakayoko au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Sur la requête n° 24MA03258 :
12. Par le présent arrêt, la Cour se prononce sur la demande d'annulation du jugement du 22 octobre 2024 du tribunal administratif de Marseille. Par conséquent, les conclusions de la requête aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues, dans cette mesure, sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes d'aide juridictionnelle provisoire présentées par M. A....
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement du 22 octobre 2024 du tribunal administratif de Marseille de la requête n° 24MA03258.
Article 3 : Le jugement n° 2406503 du 22 octobre 2024 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 28 février 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 4 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône, d'une part, de mettre fin, sans délai, au signalement de M. A... dans le système d'information Schengen, et, d'autre part, de procéder au réexamen de la demande de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans cette attente, de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour.
Article 5 : L'Etat versera à Me Bakayoko une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Bakayoko et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025
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Nos 24MA03040, 24MA03258
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