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19/12/1991 | FRANCE | N°89NC00853

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 19 décembre 1991, 89NC00853


Vu la décision en date du 1er février 1989, enregistrée au greffe de la Cour le 8 février 1989, par laquelle le président de la 2ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour Me Z..., syndic de la liquidation des biens des sociétés Planquart et S.C.O.C.E.M. ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 19 décembre 1988 et le 17 avril 1989, présentés pour Me Z..., syndic de la liquidation des biens des sociét

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Me Z... demande au Conseil...

Vu la décision en date du 1er février 1989, enregistrée au greffe de la Cour le 8 février 1989, par laquelle le président de la 2ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour Me Z..., syndic de la liquidation des biens des sociétés Planquart et S.C.O.C.E.M. ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 19 décembre 1988 et le 17 avril 1989, présentés pour Me Z..., syndic de la liquidation des biens des sociétés Planquart et S.C.O.C.E.M., demeurant ... ;
Me Z... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 12 octobre 1988 par lequel le tribunal administratif de LILLE a condamné les sociétés Planquart et S.C.O.C.E.M. à payer à l'office public d'HLM de la communauté urbaine de Lille, la première, la somme de 5 277 952 F, la seconde, la somme de 49 812 F, ainsi que, conjointement et solidairement, à lui payer la somme de 39 000 F, a mis à leur charge les frais d'expertise, à concurrence de 30 470,84 F pour la première et de 400 F pour la seconde, et a condamné conjointement et solidairement les sociétés Planquart et Gothiere à payer audit office la somme de 57 000 F ;
2°) de rejeter la demande de l'office public d'HLM de la communauté urbaine de Lille devant le tribunal administratif de LILLE ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation de biens, la faillite personnelle et les banqueroutes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 1991 :
- le rapport de M. VINCENT, Conseiller,
- les observations de Me CASSET, avocat de l'office public d'HLM de la communauté urbaine de Lille,
- et les conclusions de Mme FRAYSSE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, dans un mémoire enregistré le 19 avril 1988 au greffe du tribunal administratif de LILLE, l'office public d'HLM de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing a mis en cause les architectes et entrepreneurs ayant contribué à la réalisation d'un ensemble de 700 logements à Roubaix en invoquant expressément leur responsabilité contractuelle ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il a accueilli lesdites conclusions alors que l'office aurait agi exclusivement sur un autre fondement manque en fait ;
Sur la recevabilité de la demande de l'office public d'HLM devant le tribunal administratif :
Considérant que les dispositions des articles 35, 36 et 40 de la loi du 13 juillet 1967 d'où résultent, d'une part, le principe de la suspension des poursuites individuelles sur les meubles et les immeubles à compter du jugement portant règlement judiciaire, d'autre part, l'obligation qui s'impose à l'administration comme à tous autres créanciers de produire ses créances dans les conditions et délais fixés, ne comportent aucune dérogation aux dispositions régissant les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires ; que la juridiction administrative étant seule compétente pour constater la créance d'une collectivité publique et en fixer le montant, les premiers juges étaient ainsi habilités à se prononcer sur les conclusions de l'office public d'HLM de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing tendant à la condamnation des architectes et entrepreneurs à réparer le préjudice qu'il a subi, alors même que ledit office n'aurait pas produit au passif des sociétés Planquart et S.C.O.C.E.M., placées en liquidation de biens ;
Sur le fondement des conclusions formulées par l'office public d'HLM devant les premiers juges :
Considérant, que dans sa requête introductive d'instance enregistrée le 7 novembre 1980, l'office public d'HLM de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing a recherché la responsabilité des constructeurs en se fondant sur les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que, lorsqu'il a ultérieurement invoqué la responsabilité contractuelle des intéressés, comme il vient d'être dit, il n'a pas expressément abandonné le premier fondement juridique précité, dont il s'est implicitement prévalu dans son mémoire en réplique en date du 20 septembre 1988 en soutenant, afin d'écarter le moyen des défendeurs tiré de la forclusion de l'action en responsabilité décennale, que la forclusion opposée n'était pas encourue ; que, par suite, l'office public d'HLM doit être regardé comme ayant entendu invoquer tant la responsabilité contractuelle des architectes et entrepreneurs que leur responsabilité décennale ;
Sur la responsabilité contractuelle des entrepreneurs :

Considérant, d'une part, que la réalisation d'un ensemble de 700 logements à la ZUP des Trois Ponts à Roubaix, entreprise par l'office public d'HLM de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing, a fait l'objet de deux marchés passés le 30 janvier 1967 visant respectivement l'édification de 226 logements HLM et de 180 logements PSR, puis d'un troisième marché conclu le 13 février 1970 portant sur la construction de 294 logements HLM ; qu'il ne résulte de l'instruction ni que la dernière opération précitée ait fait l'objet d'une réception définitive ni que celle-ci puisse être regardée comme acquise ; qu'alors même que les logements en cause auraient été occupés dès 1970, l'office public d'HLM était ainsi recevable à invoquer dans son mémoire susrappelé en date du 19 avril 1988 la responsabilité contractuelle des entrepreneurs à raison des désordres dont seraient affectés les immeubles faisant l'objet du dernier marché précité, dès lors par ailleurs qu'à l'exception de travaux confortatifs indispensables, il ne ressort des pièces du dossier ni que les travaux remédiant aux vices constatés portant sur le gros-oeuvre aient été effectués à cette dernière date, ni que les travaux de réfection des menuiseries extérieures, réalisés de 1981 à 1985, aient été accomplis par les entrepreneurs cocontractants ou pour le compte de ceux-ci ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif que les immeubles linéaires 8 et 29 ainsi que la tour F, qui correspondent au troisième marché précité, comportent de nombreux éclats, boursouflures et fissures affectant les éléments de béton armé des élévations, causés principalement par l'oxydation des armatures insuffisamment enrobées, ainsi que des dégradations des menuiseries extérieures dues à des défauts d'étanchéité des châssis ; que certains logements présentent en outre des infiltrations d'humidité ; qu'il n'est pas contesté que les défauts d'exécution à l'origine de ces désordres sont le fait de l'entreprise Planquart, chargée du gros-oeuvre, et de l'entreprise Gothiere, chargée des menuiseries ; que, chacune pour ce qui la concerne ou, selon le cas, conjointement et solidairement, les entreprises intéressées ont ainsi engagé leur responsabilité contractuelle vis-à-vis du maître de l'ouvrage, à l'exclusion de celle des architectes et de l'entreprise SMAC-Aciéroïd, dont la responsabilité a été expressément écartée par les premiers juges et qu'aucune partie au litige ne met en cause devant la Cour ;
Sur la responsabilité décennale des entrepreneurs :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'on estimé les premiers juges, les opérations susvisées concernant l'édification de 180 logements PSR et de 226 logements HLM ont fait l'objet d'une réception définitive, en date respectivement du 11 septembre 1974 et du 12 août 1980 ; qu'alors même qu'il fait allusion à des désordres constatés auparavant, le procès-verbal afférent à cette dernière opération doit, compte tenu de ses termes, être regardé comme prononçant une réception définitive sans réserves ; qu'il résulte de l'instruction que les désordres précités, affectant également les immeubles dont s'agit, ont eu pour effet, selon le cas, de compromettre leur solidité ou de les rendre impropres à leur destination ; que, par suite, dès lors par ailleurs que le moyen tiré du caractère apparent du vice, qui n'est pas d'ordre public, n'est pas soulevé par les entrepreneurs, l'office public d'HLM de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing est fondé à rechercher la responsabilité de l'entreprise Planquart, chargée du gros-oeuvre, et de l'entreprise S.C.O.C.E.M., chargée des menuiseries, chacune pour ce qui la concerne ou, selon le cas, conjointement et solidairement, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des clauses de l'article 28 du cahier des prescriptions spéciales applicable aux marchés conclus le 30 janvier 1967 que le point de départ du délai de l'action en garantie décennale est fixé à la date du procès-verbal de réception provisoire des travaux de gros-oeuvre ; que ledit procès-verbal étant daté du 13 novembre 1970, l'office public d'HLM était ainsi recevable à invoquer la responsabilité décennale des constructeurs par une requête enregistrée le 7 novembre 1980 au greffe du tribunal administratif ; que, compte tenu de cette disposition contractuelle, la circonstance que le maître d'ouvrage ait pris possession de la plupart des immeubles concernés plus de dix ans avant cette dernière date est sans incidence sur la recevabilité de l'action en responsabilité décennale ;
Sur la réparation :
Considérant que le maître d'ouvrage étant fondé, compte tenu de ce qui précède, à rechercher la responsabilité des entrepreneurs tant en ce qui concerne les désordres affectant les tours D et E, faisant partie de l'ensemble précité de 226 logements HLM, qu'en ce qui concerne ceux relatifs à la tour F, intégrée dans l'opération portant sur 294 logements HLM, il n'y a pas lieu d'ordonner un complément d'expertise à l'effet de déterminer, au sein du montant non contesté des travaux de réfection des désordres, le coût propre à la réfection du gros-oeuvre de la tour F ;
Sur les intérêts :

Considérant que les intérêts moratoires sont destinés à indemniser le créancier du simple fait que la somme impayée n'a pu produire de revenu, et n'ont pas pour objet de compenser la dépréciation monétaire ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé le point de départ des intérêts calculés au taux applicable au marché à la date du 7 novembre 1980, jour d'enregistrement de la requête de l'office public d'HLM, et non à compter du 1er juillet 1986, date à laquelle l'expert a arrêté l'évaluation des sommes dues au maître d'ouvrage ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Me Z... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de LILLE a accueilli les conclusions de l'office public d'HLM de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing tendant à condamner les entreprises Planquart et S.C.O.C.E.M. à réparer les conséquences dommageables des désordres affectant les immeubles dont s'agit ;
Article 1 : La requête de Me Z..., syndic de la liquidation des biens des sociétés Planquart et S.C.O.C.E.M. est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Z..., syndic de la liquidation des biens des sociétés Planquart et S.C.O.C.E.M., à l'office public d'HLM de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing, aux ayants-droit de M. Pierre A..., à M. Gilles A..., au cabinet d'architectes GERHA, à la société SMAC-Aciéroïd, à Me Y..., syndic de la liquidation des biens de la société Gothiere et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace. Une copie en sera adressée à M. X..., expert.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 89NC00853
Date de la décision : 19/12/1991
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES - CREANCES ET DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - CREANCES.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - INTERETS - POINT DE DEPART DES INTERETS.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - QUESTIONS GENERALES - MISE EN JEU DE LA RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR EN REGLEMENT JUDICIAIRE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - CHAMP D'APPLICATION.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DELAI DE MISE EN JEU - POINT DE DEPART DU DELAI.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - SUBSTITUTION DE MOTIFS.


Références :

Code civil 1792, 2270
Loi 67-563 du 13 juillet 1967 art. 35, art. 36, art. 40


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: VINCENT
Rapporteur public ?: FRAYSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1991-12-19;89nc00853 ?
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