VU la requête, enregistrée le 27 juin 1991 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Henri Y..., demeurant ... (Nord) ;
VU le mémoire complémentaire, enregistré le 8 avril 1992 au greffe de la Cour, présenté par M. Y... ;
VU la requête, enregistrée le 2 avril 1993, présentée pour M. Y... par Me BAYLAC, avocat au barreau de Nancy ;
M. Y... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement du 19 mars 1991 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que le maire de la commune d'Orchies soit condamné à remettre en état le terrain ayant fait l'objet d'une réquisition en 1945, laquelle a été levée le 3 juillet 1984 par le préfet du Nord, et à le dédommager du retard mis à effectuer cette remise en état ;
2°/ de déclarer la commune d'Orchies responsable des dégradations altérant ledit terrain ;
3°/ d'ordonner une expertise afin de fixer le préjudice subi du fait de l'absence de remise en état du terrain et du retard mis à effectuer cette remise en état ;
VU le mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 1993, présenté pour la commune d'Orchies, représentée par son maire en exercice ; la commune d'Orchies conclut au rejet de la requête et à ce que M. Y... soit condamné aux dépens de l'instance ;
VU le mémoire complémentaire, enregistré le 10 décembre 1993, présenté pour M. Y... ; M. Y... conclut aux mêmes fins que sa requête et à ce que le préjudice dont il demande réparation soit évalué à la somme de 100 000F au titre de l'absence de remise en état de son terrain et de 72 000F au titre du retard à effectuer cette remise en état ;
VU le mémoire complémentaire, enregistré le 29 décembre 1993, présenté pour M. Y... ; M. Y... conclut aux mêmes fins que ses mémoires antérieurs et à ce que le préjudice afférent à la remise en état de son terrain soit évalué à la somme de 101 136,15F ;
VU l'ordonnance en date du 29 janvier 1992 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'État a, sur le fondement de l'article R.80 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, attribué à la Cour le jugement de la requête susvisée de M. Y... ;
VU la décision du Président de la deuxième chambre de la Cour, portant clôture de l'instruction à compter du 10 juin 1994 à 16 heures ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi du 11 juillet 1938 modifiée sur l'organisation générale de la Nation pour le temps de guerre ;
VU l'ordonnance n°59-63 du 6 janvier 1959 relative aux
réquisitions de biens et de services ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 1994 :
- le rapport de M. VINCENT, Conseiller ;
- les observations de Me BAYLAC, avocat de M. Y..., et de Me X..., du cabinet GAUCHER, avocat de la commune d'Orchies ;
- et les conclusions de M. DAMAY , Commissaire du Gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à engager la responsabilité de la commune d'Orchies :
Considérant qu'aux termes de l'article 20 de l'ordonnance n°59-63 du 6 janvier 1959 relative aux réquisitions de biens et de services : "L'État est responsable des dommages causés aux biens requis en usage et constatés en fin de réquisition, à moins qu'il ne prouve que ceux-ci résultent du fait du prestataire ou du propriétaire, du vice de la chose, d'un cas fortuit ou de force majeure y compris les faits de guerre ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que toute action en responsabilité intentée par le propriétaire à raison des dommages subis du fait de la réquisition d'usage de son immeuble doit être dirigée contre l'Etat ;
Considérant que M. Y... demande réparation du préjudice qui lui aurait été causé par le défaut de remise en son état antérieur de culture d'un terrain dont il est propriétaire, ayant fait l'objet en 1945 d'une réquisition dont la levée a été prononcée par un arrêté du préfet du Nord en date du 3 juillet 1984, annulé et remplacé par un nouvel arrêté du 1er juin 1987 ; qu'alors même que le maire de la commune d'Orchies a été habilité, par arrêté préfectoral en date du 29 novembre 1945 prononçant la réquisition pour une durée indéterminée de l'usage du terrain concerné en vue d'y édifier des constructions provisoires destinées au logement des sinistrés, à prendre possession desdites parcelles, et ce d'ailleurs au nom de l'État, et qu'il en aurait géré l'utilisation, ladite commune ne saurait, eu égard aux dispositions précitées, voir sa responsabilité engagée à raison des dommages causés à la propriété du requérant ; que la commune d'Orchies ne saurait davantage être déclarée responsable de l'absence ou du retard de remise en état du terrain à compter de la levée de la réquisition ; que si M. Y... fait enfin valoir que la commune d'Orchies ne lui aurait communiqué que le 3 avril 1987 l'arrêté précité du 3 juillet 1984, qui faisait obligation au maire de notifier la levée de réquisition aux propriétaires concernés, une telle abstention, à supposer qu'elle ait entraîné un préjudice distinct de celui résultant du défaut de remise en état de son terrain, ne serait également susceptible que d'engager la responsabilité de l'Etat ; que par suite, les conclusions de M. Y... tendant à la réparation de son préjudice, exclusivement dirigées contre la commune, doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête ;
Sur les conclusions de la commune d'Orchies tendant à mettre les dépens de l'instance à la charge de M. Y... :
Considérant que les premiers juges n'ont ordonné aucune mesure d'instruction à l'occasion de laquelle des dépens auraient pu être mis à la charge de la commune ; que celle-ci n'établit pas qu'elle aurait engagé de tels frais ; que, par suite, les conclusions susénoncées ne peuvent qu'être rejetées ;
Article 1 : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y..., à la commune d'Orchies, au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.