(Deuxième Chambre)
VU la requête, enregistrée le 22 août 1994 présentée par Mme X... Colette pour le compte de l'indivision Gaston X..., domiciliée Les Vannières à La Cadière d'Azur (Var) ;
Mme X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 14 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa requête tendant à obtenir la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement le 7 janvier 1988 au titre de la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985 ;
2°/ d'accorder la décharge demandée ;
3°/ d'accorder le remboursement des frais exposés tant en première instance qu'en appel ;
VU le jugement attaqué ;
VU le mémoire en défense enregistré le 7 septembre 1995 présenté par le Ministre de l'économie et des finances ; il conclut au rejet de la requête ;
VU le mémoire en réplique enregistré le 15 décembre 1995 présenté par Mme X... ; elle conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 1996 :
- le rapport de Mme FELMY, Conseiller,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Sur l'existence d'une société de fait :
Considérant que Mme X... est, avec son fils Eric, copropriétaire indivise d'une exploitation viticole sise à BEAUNE ; que l'administration, à la suite d'une vérification de comptabilité, considérant qu'elle devait être regardée comme exploitante individuelle pour la part lui revenant dans cette indivision, a estimé qu'elle avait, pour les années 1982 et 1983, dépassé le seuil au delà duquel elle relevait de plein droit, en application des dispositions de l'article 298bis 5° du code général des impôts, du régime simplifié agricole ; que, faute pour Mme X... d'avoir souscrit les déclarations de TVA auxquelles elle était, dans ce régime, astreinte, l'administration l'a taxée d'office au titre de la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985 ;
Considérant que la contestation par Mme X... des rappels d'imposition auxquels a conduit cette taxation d'office repose sur l'affirmation que le domaine de BEAUNE n'était pas exploité par elle à titre individuel, mais en société de fait constituée avec son fils ;
Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que Mme X... et son fils déposaient auprès de l'administration fiscale chacun ses propres déclarations de stocks et de récoltes en vue de l'établissement d'impositions séparées dans le cadre du régime du forfait ; que l'administration est par suite en droit de s'en tenir à l'apparence ainsi créée d'une exploitation individuelle, par chaque co-indivisaire, de la part des biens d'exploitation lui revenant dans l'indivision pour écarter, en tout état de cause, la présomption de société de fait qui s'attacherait, selon la requérante, à l'exploitation par les héritiers du domaine agricole faisant partie de l'indivision successorale ;
Sur les irrégularités invoquées des procédures de vérification et d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 298bis du code général des impôts "I/ Pour leurs opérations agricoles, les exploitants agricoles sont placés sous le régime du remboursement forfaitaire ... II/ Sont soumis de plein droit au régime simplifié prévu au I ... 5°/ les exploitants agricoles lorsque le montant moyen des recettes de l'ensemble de leurs exploitations calculé sur deux années consécutives dépasse 300 000F. L'assujettissement prend effet à compter du 1er janvier de l'année suivante ..." ;
Considérant que Mme X... a été taxée d'office, au titre de la période en cause, pour avoir omis de souscrire la déclaration annuelle CA 12 A dont le dépôt est prévu, en application des dispositions susrappelées de l'article 298bis, dès lors que le montant moyen annuel des recettes réalisées sur deux années consécutives dépasse 300 000F ; que le dépassement a été établi à partir des renseignements recueillis auprès de la Recette des impôts et auprès des clients de l'exploitante dans le cadre de la vérification ; qu'il y a donc lieu de statuer sur les moyens de Mme X... visant à critiquer la régularité de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet et de la procédure d'imposition ;
Considérant, en premier lieu, et ainsi qu'il a été dit ci-avant, que Mme X... n'exploitait pas en société de fait avec son fils le domaine vinicole de BEAUNE ; qu'il suit de là que l'administration était fondée à suivre avec Mme X..., exploitante individuelle, la procédure de vérification de comptabilité critiquée ; qu'est inopérant dans ces conditions le moyen selon lequel le domaine vinicole serait soumis au régime du forfait et ne serait pas astreint à la tenue d'une comptabilité ;
Considérant, en second lieu, que si au cours d'une vérification il doit être offert au contribuable d'avoir avec l'agent vérificateur un débat oral et contradictoire relatif aux constatations auxquelles donne lieu ce contrôle, cette disposition n'est susceptible d'être mise en oeuvre que pour autant que le débat puisse se nouer autour de l'examen des documents comptables ; que Mme X... ne conteste pas qu'elle ne tenait pas de comptabilité ; que du fait de cette carence le vérificateur était dans l'impossibilité d'effectuer la vérification sur place ; qu'il était par contre en droit de tirer les conséquences de la carence constatée et de reconstituer les recettes de l'exploitation à partir des renseignements recueillis auprès de la Recette locale des impôts et des recoupements effectués chez les clients du contribuable ; qu'il résulte de ce qui a été dit que Mme X... ne peut dans ces conditions ni se prévaloir de l'absence de débat oral et contradictoire, ni d'un emport de documents comptables inexistants, ni de ce que le contrôle sur place aurait duré plus de trois mois ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur, qui était en droit, du fait de l'absence de la déclaration annuelle CA 12 A, de notifier les redressements opérés par voie de taxation d'office , a indiqué les éléments servant au calcul des bases d'imposition ainsi que les modalités de leur détermination ; qu'il n'était pas tenu de communiquer spontanément, pour qu'il soit soumis à un débat contradictoire, les documents obtenus éventuellement auprès de tiers ;
Considérant qu'il suit de là que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que la vérification de comptabilité et la procédure d'imposition seraient entachées d'irrégularités de nature à lui permettre d'obtenir la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa requête tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985 ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante, la demande tendant au paiement de frais exposés ne peut être que rejetée ;
Article 1 : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X... et au ministre délégué au budget.