(Deuxième Chambre)
VU, enregistrée au greffe le 6 juin 1994, la requête présentée pour M. Robert X..., demeurant à 21000 DIJON, 34 Cours du Parc, par la SCP d'avocats CHARMONT UZAN ;
M. X... demande à la Cour :
1°)- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 7 avril 1994 par lequel le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à obtenir l'annulation de la décision du trésorier-payeur général du Jura du 12 septembre 1991 refusant de faire droit à sa demande de décharge de responsabilité de propriétaire du fonds de commerce pour le paiement des impôts directs dus par Mme Y... pour un montant total de 1 075 875 F ;
2°) - d'annuler ladite décision et de lui accorder la décharge de sa responsabilité solidaire des dettes fiscales de Mme Y... ;
VU le mémoire en défense, enregistré au greffe le 7 juillet 1994 et présenté au nom de l'Etat par le ministre de l'économie et des finances et tendant au rejet de la requête ;
Le ministre expose :
- que la solidarité légale instituée par l'article 1684 du code général des impôts a un caractère absolu et que le propriétaire d'un fonds de commerce ne peut se soustraire par aucun moyen aux obligations qui lui sont imposées ; que notamment la circonstance que M. X... était en règlement judiciaire est sans effet sur la mise en jeu de sa responsabilité solidaire ;
- que le requérant ne démontre pas que la décision du trésorier-payeur général serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- que M. X... aurait pu exiger une caution de sa locataire et se renseigner auprès du comptable du Trésor sur la situation fiscale de celle-ci ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces des dossiers ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience du 23 mai 1996 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 1996 :
- le rapport de M. GOTHIER, Président-Rapporteur,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation solidaire instituée par l'article 1684 du code général des impôts :
Considérant que cet article dispose : " ...3. Le propriétaire d'un fonds de commerce est solidairement responsable avec l'exploitant de cette entreprise, des impôts directs établis à raison de l'exploitation de ce fonds" ; qu'il résulte de l'instruction que la somme réclamée à M. X... en application de ces dispositions correspond bien aux impositions directes dues par sa locataire, Mme Y..., et qui ont été établies à raison de l'exploitation du fonds de commerce qu'il lui donnait à bail commercial ; que contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement attaqué a répondu sur ce point à la demande qu'il avait formé devant les premiers juges ; qu'il suit de là que M. X... ne peut, pour ce motif, ni contester l'étendue de l'obligation de payer à laquelle il est soumis, ni soutenir que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la somme en question ne se rapportait pas en totalité aux impôts directs dus par Mme Y... ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin de décharge présentées par le requérant ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du trésorier payeur général du Jura en date du 12 septembre 1991 :
Considérant que la décision rejetant une demande formée auprès de l'administration en vue d'obtenir la remise gracieuse du paiement d'une imposition peut être déférée à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir ; que cette décision ne peut, dans ce cas, être annulée que si elle est entachée d'erreur de droit, d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'un détournement de pouvoir ; qu'ainsi c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. X... dirigées contre la décision du 12 septembre 1991 précitée ; que le jugement précité doit être réformé sur ce point ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens présentés à l'appui de ces conclusions par M. X..., tant en première instance qu'en appel ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Y..., à qui M.BRETAGNE avait loué un local commercial, s'est livrée à des manoeuvres frauduleuses en vue d'éluder l'impôt, et que ses agissements n'ont été découverts par l'administration fiscale qu'en 1991, à l'occasion d'un contrôle;que Mme Y... a été, pour ces motifs, condamnée pour fraude fiscale ; qu'en invoquant cette circonstance, M. X..., qui par ailleurs justifie avoir accompli vis à vis de sa locataire, les diligences qui incombent normalement au propriétaire d'un fonds de commerce, établit que les dissimulations à raison desquelles Mme Y... a fait l'objet des rappels d'impôts en cause, ne procédaient pas d'un manque de vigilance de sa part;que dans ces conditions, M. X... est fondé à soutenir que la décision en date du 12 septembre 1991 par laquelle le trésorier-payeur général du Jura a rejeté sa demande gracieuse tendant à être déchargé de sa responsabilité,repose sur une appréciation manifestement erronée et, pour ce motif, à en poursuivre l'annulation ;
Article 1 : La décision du trésorier-payeur général du Jura en date du 12 septembre 1991 susvisée est annulée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 7 avril 1994 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre délégué au budget,,porte-parole du Gouvernement.