(Deuxième chambre)
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 29 octobre 1993 et 11 janvier 1994 présentés pour M. Michel Y... domicilié ... (Nièvre) par Me Jean-Alain X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 23 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa requête tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1984, 1985 et 1986 ;
2°) d'accorder les décharges demandées ;
VU le jugement attaqué ;
VU le mémoire en défense enregistré le 1er avril 1994 présenté par le ministre du budget ; il conclut au rejet de la requête ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 1996 :
- le rapport de Mme FELMY, Conseiller,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
En ce qui concerne les indemnités pour frais de fonction perçues par M. Y... de 1984 à 1986 :
Considérant qu'aux termes de l'article 80ter du code général des impôts : "Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu" ; qu'aux termes de l'article 81 du même code : "Sont affranchis de l'impôt : 1°/ les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet" ; qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle entend fonder une imposition sur les dispositions précitées de l'article 80ter-a, d'établir que les sommes réintégrées dans les bases d'imposition constituent des indemnités, rembourse-ments ou allocations forfaitaires pour frais ;
Considérant que l'administration fait valoir que les remboursements accordés à M. Y..., gérant minoritaire de la société SAMI, portaient systématiquement sur des repas avec invités lors des visites de la clientèle parisienne, et sur les frais d'hôtel et deux repas lors des tournées en province ; qu'ils étaient fixés respectivement à 400F pour 1984, 450F pour 1985 et 500F pour 1986 dans le premier cas et 800F pour 1984, 900F pour 1985 et 1 000F pour 1986 ; qu'invité à justifier de l'affectation de ces sommes aux frais ainsi évoqués, le requérant a indiqué qu'il s'agissait "d'une estimation plausible" ; que M. Y... n'ayant pas apporté des éléments plus précis sur les conditions d'utilisation des remboursements de frais litigieux ; l'administration rapporte la preuve du caractère forfaitaire des remboursements et était par suite fondée à réintégrer ces sommes dans les bases d'imposition des années 1984, 1985 et 1986 en application des dispositions de l'article 80ter précité sans que M. Y... puisse se prévaloir en la matière de la doctrine administrative édictée en matière de remboursements forfaitaires de frais kilométriques ;
Sur la réintégration des agios bancaires payés à raison des soldes débiteurs des comptes personnels de M. Y... :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : "1) Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. 2) Le revenu global net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets ... compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés à l'article 156-1 et 1bis, des charges énumérées au II dudit article ... 3) Le bénéfice ou revenu net de chacune des catégories de revenus visées au 2 est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d'elles" ; que s'agissant des revenus de créances, dépôts et cautionnements relevant des dispositions de l'article 124 du code général des impôts, l'article 125 du même code précise que : "Le revenu est déterminé par le montant brut des intérêts, arrérages ou tous autres produits des valeurs désignées à l'article 124" ;
Considérant que M. Y... a perçu au cours des années en cause les intérêts d'une somme de 510 000F déposée sur un compte à terme ouvert à la Banque HERVET, et affecté à la garantie du paiement de toutes sommes que la Société FOURCHAMBAULT TREFILERIES pourrait devoir à cette dernière ; qu'en supposant même que les soldes débiteurs qu'ont présentés ses comptes personnels aient eu pour cause l'immobilisation de cette somme, les agios que M. Y... a dû acquitter sur ces soldes ne peuvent être regardés comme des dépenses exposées en vue d'acquérir un revenu au sens des dispositions précitées de l'article 13 du code général des impôts ;
Sur la déductibilité des sommes prétendument versées en exécution d'engagement de caution :
Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts qui concerne l'imposition des revenus dans la catégorie des traitements et salaires : "le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés ... 3°/ les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales" ;
Considérant que les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué, à condition que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l'intéressé ou qu'il pouvait escompter au moment où il l'a contracté ; que l'examen de ces conditions ne peut résulter que d'un engagement précis dont le contribuable doit être à même d'apporter la justification indépendamment du fait qu'il aurait effectivement assumé des paiements au profit de ladite entreprise ;
Considérant que, pour justifier de la réalité de l'engagement de caution au bénéfice de la Société FOURCHAMBAULT TREFILERIES dont il se prévaut, le requérant invoque une lettre adressée le 25 octobre 1980 à cette entreprise et par laquelle la Banque Populaire de la Nièvre analysait sa situation financière et énonçait les mesures qu'elle exigeait, au nombre desquelles figurait notamment un apport d'argent frais de 3 000 000F, susceptible d'être financé par la vente aux associés d'immeubles hors exploitation ; que cette lettre, qui n'émane pas de M. Y... et ne traite pas d'une caution bancaire, ne saurait être regardée comme fondant un engagement de caution qu'aurait contracté le requérant, ni faire regarder les paiements effectués par M. Y... comme procédant de l'exécution d'un tel engagement ; que l'inscription des sommes ainsi payées au passif chirographaire de la Société FOURCHAMBAULT TREFILERIES ;
Article 1 : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'économie et des finances.