(Deuxième Chambre)
VU, enregistrée au greffe le 10 janvier 1994 la requête présentée par Mme Guyslaisne DEPREZ, demeurant à ... ;
Mme DEPREZ demande à la Cour :
- d'annuler les jugements 90-6 et 90-7 du tribunal administratif de Nancy en date du 9 novembre 1993 par lequel le tribunal a d'une part, rejeté ses conclusions tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1982, 1983, 1984 et 1985 et, d'autre part, rejeté ses conclusions tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignées pour la période du 1 er janvier 1982 au 31 décembre 1985 ;
- de prononcer la décharge desdites cotisations ;
VU, enregistré le 19 septembre 1994 le mémoire présenté par Mme DEPREZ et tendant à obtenir le sursis de paiement et le sursis à exécution du jugement attaqué ;
VU, enregistré le 18 octobre 1994, le mémoire complémentaire présenté par Mme DEPREZ et tendant aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;
VU le mémoire en défense enregistré au greffe le 24 juillet 1995 et présenté au nom de l'Etat par le ministre du budget (Direction de la Comptabilité Publique )et tendant au rejet de la requête à fins de sursis ;
VU le mémoire en défense, enregistré au greffe le 4 septembre 1995 et présenté au nom de l'Etat par le ministre du budget et tendant au rejet de la requête ;
VU le mémoire en réplique, enregistré le 21 février 1996 et présenté pour Mme DEPREZ par Me X..., avocat au Barreau de Paris et tendant aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ; Mme DEPREZ demande de plus que l'Etat soit condamné à lui payer 10 000F au titre des frais irrépétibles ;
VU enregistré le 6 mai 1996 le mémoire présenté au nom de l'Etat par le ministre de l'économie et des finances, et tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;
... ... ... ... ... ... .... VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces des dossiers ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 1997 :
- le rapport de M. GOTHIER, Président-Rapporteur,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que Mme DEPREZ, exerçant l'activité d'antiquaire, a fait l'objet en 1985 d'un contrôle de la part de la brigade interrégionnale d'intervention visant à la recherche d'infraction économique et menée en application de l'ordonnance n 45-1484 du 30 juin 1945 ; que ce contrôle ayant relevé des infractions en matière de prix et de facturation réprimées par l'ordonnance n 86-1243 du 1er décembre 1986, Mme DEPREZ a fait l'objet d'une condamnation par le tribunal correctionnel de Nancy le 26 mai 1988 ; que par ailleurs, elle a fait l'objet en 1986, d'une vérification de comptabilité tant en matière de bénéfices industriels et commerciaux pour les exercices clos au 31 décembre 1982, 1983, 1984 et 1985, que de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1985, et d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble pour les revenus perçus au cours des mêmes années ; qu'à la suite de ces vérifications elle a fait l'objet de redressements, notifiés le 17 décembre 1986, et ayant pour origine la fixation de nouveaux forfaits pour les années 1982 et 1983, et la rectification d'office de ses résultats pour les années 1984 et 1985, années pour lesquelles elle relevait du régime réel simplifié d'imposition ; que Mme DEPREZ demande à la Cour : d'annuler les jugements 90-6 et 90-7 du tribunal administratif de Nancy en date du 9 novembre 1993 par lequel le tribunal a, d'une part, rejeté ses conclusions tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1982, 1983, 1984 et 1985 et, d'autre part, rejeté ses conclusions tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignées pour la période du 1 er janvier 1982 au 31 décembre 1985, de prononcer la décharge desdites cotisations et à titre subsidiaire, de lui accorder la réduction de 51 500 F sur ses bases d'imposition, de prononcer le sursis de paiement et le sursis à exécution du jugement attaqué, et de condamner l'Etat à lui payer 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Sur la régularité des jugements attaqués :
Considérant que si l'administration fiscale a produit un mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif de Nancy le 30 janvier 1992, et qui a été notifié à la requérante le 7 février suivant, alors que la clôture de l'instruction avait été fixée au 10 février, cette circonstance ne faisait pas obligation au président dudit tribunal, de rouvrir l'instruction afin de permettre à Mme DEPREZ de produire à son tour un mémoire en réplique ; que, par suite, Mme DEPREZ, qui a par ailleurs elle-même produit un mémoire enregistré au greffe dudit tribunal le 7 février 1992, n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait intervenu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration, en cours de procédure devant le tribunal administratif, a dégrevé le supplément d'impôt sur le revenu assigné à la requérante pour l'année 1985 ; qu'ainsi les conclusions de la requête dirigées contre ce supplément d'impôt sont irrecevables ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la vérification :
Considérant que l'intervention de brigade interrégionnale d'intervention en vertu des ordonnances n 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945, ne constituait pas une vérification de comptabilité au sens des dispositions des articles L.12 ou L.13 du livre des procédures fiscales ; que dés lors, Mme DEPREZ ne peut utilement soutenir que les opérations de contrôle menées dans le cadre de cette procédure auraient dû être précédées de la remise d'un avis de vérification, ni que la vérification de comptabilité doit être regardée comme ayant commencé le 22 février 1985, date de la saisie de documents effectuée au cours de ce contrôle ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que des documents saisis dans le cadre de la procédure économique auraient été utilisés au cours de vérifications dont Mme DEPREZ a fait l'objet ;
Considérant que si l'administration, usant du droit de communication que lui attribue l'article L.85 du livre des procédures fiscales a demandé des renseignements à l'expert comptable de la requérante après le 28 août 1986, une telle demande, effectuée en dehors du cadre de la vérification de comptabilité, ne peut être regardée comme ayant porté la durée de cette vérification au-delà de trois mois, contrairement aux prescriptions de l'article L.52 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que la circonstance que l'administration n'aurait pas informé Mme DEPREZ du caractère non contraignant des demandes de justifications qu'elle lui avait adressées n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure de vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le local commercial du fonds exploité par Mme DEPREZ était inclus dans la maison servant de domicile cette dernière ; que dés lors, à supposer que la vérification de comptabilité de l'entreprise de Mme DEPREZ se serait déroulée en partie dans une pièce de son domicile sans qu'elle ait formalisé son accord sur cette modalité, n'est pas de nature à rendre irrégulière ladite vérification ;
En ce qui concerne la notification de redressement
Considérant qu'aucune disposition ne fait obstacle à l'envoi d'une notification unique faisant suite d'une part à une vérification de comptabilité et à une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ; que d'autre part la circonstance que la notification de redressement que l'administration a adressée à Mme DEPREZ aurait porté la mention "Antiquaire ", alors que cette notification concernait en partie son revenu global n'est pas de nature à remettre en cause la régularité de ladite notification ; que Mme DEPREZ n'établit pas par ailleurs que cette notification unique, portant à la fois sur ses revenus professionnels et sur son revenu global l'aurait privée de garanties ; qu'il résulte également de l'instruction que la réponse aux observations qu'elle avait formulées à la suite de ladite notification de redressements lui a été adressée par courrier dont elle a accusé réception le 12 mars 1987 ; que si l'administration a produit en cours de procédure une copie non datée et non signée de sa réponse, la requérante n'établit pas que l'exemplaire dont elle a accusé réception serait dépourvu de date et de signature ;
En ce qui concerne la fixation des forfaits
Considérant que si Mme DEPREZ soutient que la fixation de ses forfaits en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée serait intervenue à la suite d'une procédure irrégulière, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations, étant observé que la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas tenue de prendre en compte le rapport que lui aurait adressé le Syndicat National du Commerce des Antiquités et de l'Occasion ;
Sur la régularité de la mise en oeuvre de la rectification d'office :
Considérant que l'administration fait valoir sans être utilement contredite que la vérification de la comptabilité de la requérante a fait apparaître des dissimulations de recettes et que cette comptabilité présentait de graves irrégularités, et notamment : des soldes de compte caisse créditeurs à plusieurs reprises au titre des années 1984-1985, l'absence de livre d'achat et de brouillard de caisse pour ces mêmes années, des recettes portées globalement à la journée sur le livre de caisse sans être assorties de pièce justificative, des achats enregistrés sur un document appelé 'livre de stock" avec mention de prix quelquefois différents de ceux portés sur le livre de police, des inscriptions d'opération ne faisant référence à aucune date de facture, à aucun nom de fournisseur, et à aucun mode de paiement ; qu'ainsi l'administration a pu, à bon droit, regarder la comptabilité de Mme DEPREZ comme irrégulière et dépourvue de valeur probante, et mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L.75 du livre des procédures fiscales alors applicable ;
Considérant, contrairement à ce que prétend Mme DEPREZ, que la notification de redressement en date du 16 décembre 1986 expose de façon détaillée les reconstitutions de recettes pratiquées par le service, et permettait à la requérante de contester les éléments retenus par ce dernier ;
Considérant que le rapport des inspecteurs de la brigade d'intervention interrégionnale a été communiqué à Mme DEPREZ en cours de procédure ; que ce rapport ne porte que sur les infractions à caractère économique, et ne présentait aucune utilité au niveau de la procédure d'imposition ; que par ailleurs il ne résulte pas de l'instruction que les pièces saisies lors de l'intervention de cette brigade auraient été utilisées pour déterminer les impositions contestées ; qu'au demeurant, à supposer cette circonstance établie, l'administration avait en tout état de cause le pouvoir de prendre connaissances desdites pièces en exerçant son droit de communication ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que les forfaits en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée ont été fixés par la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires pour les années 1982 et 1983, et que les résultats des années 1984 et 1985 ont fait l'objet d'une rectification d'office, qu'ainsi en application des articles L.191 et L. 193 du livre des procédures fiscales, il appartient à Mme DEPREZ de rapporter la preuve que les bases d'impositions retenues par l'administration présentent un caractère exagéré ;
Considérant que si Mme DEPREZ soutient que l'administration a pris en compte pour l'établissement de ses bases imposables, de sommes correspondant à des prêts en espèces que lui auraient consentis des membres de sa famille, elle n'apporte aucun élément sérieux à l'appui de ses allégations ; que l'attestation qu'elle produit, établie dix ans après les faits, ne présente pas un caractère probant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme DEPREZ n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nancy a refusé de faire droit à sa demande de décharge ou de réductions des impositions qu'elle contestait ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'il n'y a pas lieu de condamner l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, à verser une quelconque somme à Mme DEPREZ au titre des frais irrépétibles ;
Article 1 : La requête de Mme DEPREZ est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme DEPREZ et au ministre de l'économie, des finances et du plan.