(Deuxième Chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 décembre 1994, sous le n 94NC01774, présentée par la S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES, représentée par son président-directeur général, dont le siège est ..., (Aisne) ;
La S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES demande à la Cour :
- d'annuler le jugement n 90836 et 91705 en date du 10 septembre 1994 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1985 et 1986 et de la cotisation supplémentaire de participation à l'effort de construction à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1985 ;
- de lui accorder la décharge desdites impositions ;
- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 30 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à raison des frais exposés depuis la première instance ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 1998 :
- le rapport de Mme GESLAN-DEMARET, Premier Conseiller,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 54 du code général des impôts : "Les contribuables mentionnés à l'article 53-A sont tenus de présenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration" ;
Considérant que la vérification de comptabilité de la S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES a révélé qu'une somme de 800 000 F avait été inscrite au compte "charges à payer" à la clôture de l'exercice 1985 ; qu'en vertu des dispositions susrappelées, l'administration était fondée à solliciter de la requérante la production de tous documents, tels bons de commandes ou devis, nonobstant le fait qu'il ne s'agisse pas à proprement parler de documents comptables, de nature à établir que le montant des charges inscrites au compte "charges à payer" à la clôture de l'exercice 1985, dont le règlement n'a été effectué qu'en 1986, se rapportait à des travaux engagés ou facturés en 1985, la seule constatation de l'enregistrement des factures correspondantes au début de l'exercice 1986 ne pouvant en tenir lieu ; que la requérante ne peut utilement faire grief à l'administration de ne pas apporter la preuve de la carence alléguée de la société qui n'aurait pas déféré à une demande verbale du vérificateur de lui produire d'autres pièces que celles présentées, ni soutenir que la doctrine exigerait une demande écrite pour affirmer qu'il n'y aurait pas eu de débat oral et contradictoire sur ce point ;
Considérant par ailleurs que, si la S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES soutient qu'elle n'a pas eu droit à un contrôle fiscal destiné à déterminer équitablement sa situation car ce contrôle aurait été motivé par l'animosité personnelle du vérificateur, elle ne l'établit pas en se bornant à cette allégation dépourvue de tout commencement de preuve ;
Sur le bien-fondé des redressements :
En ce qui concerne les factures à recevoir comptabilisées en charges à payer :
Considérant qu'il appartient toujours au contribuable, quelle qu'ait été la procédure suivie, de justifier tant dans leur principe que dans leur montant, des charges qu'il entend déduire de ses bénéfices imposables ; que la requérante se refuse toujours à produire ces justificatifs pour les sommes restant en litige, inscrites au compte "charges à payer" à la clôture de l'exercice 1985 ; qu'il suit de là que les redressements litigieux ne peuvent qu'être maintenus ;
En ce qui concerne la provision pour dépréciation du compte client des établissements Boubiela:
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment ... 5 les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables ..." ; qu'aux termes de l'article 38 du même code : "3 ... les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour à la clôture de l'exercice si ce cours est inférieur au prix de revient ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES a constitué, à la clôture de l'exercice 1986, une provision pour dépréciation correspondant à 50% du montant des créances qu'elle détenait sur les établissements Boubiela, son principal client, représentant 40% de son chiffre d'affaires ; qu'en se bornant à faire état de l'injonction de son commissaire aux comptes et du refus de prise à l'escompte de certains effets de ce client par la banque Scalbert-Dupont en novembre 1986, dont le montant n'est d'ailleurs pas précisé, la S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES n'établit pas que ladite provision était justifiée par la situation alarmante des établissements Boubiela dès lors qu'à cette date, aucun incident de paiement n'avait été enregistré ;
En ce qui concerne la participation des employeurs à l'effort de construction :
Considérant qu'aux termes de l'article 235 bis du code général des impôts : "Les employeurs qui, au 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des salaires, n'ont pas procédé, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, aux investissements prévus à l'article L.313-1 du code de la construction et de l'habitation sont, dans la mesure où ils n'ont pas procédé à ces investissements, assujettis à une cotisation de 2% calculée sur le montant des salaires payés par eux au cours de l'année écoulée, déterminée selon les modalités prévues aux articles 231 et suivants" ;
Considérant qu'il est constant que la S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES n'a pas réalisé, au 31 décembre de l'année 1985, au regard du montant des salaires versés en 1984, le montant d'investissements exigé par ces dispositions ; qu'elle était donc redevable de la cotisation susmentionnée ; qu'une imposition supplémentaire à la participation des employeurs à l'effort de construction de 820 F concernant l'année 1985 a donc été établie avec comme période de référence l'année 1984 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'avis d'imposition mentionne à tort que l'imposition concerne l'année 1984 ; que la société soutient, sans être contredite, que cette erreur ne saurait constituer une simple erreur matérielle et qu'elle a nécessairement affecté le rôle lui-même ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'accorder à la S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES la décharge de la cotisation supplémentaire de participation à l'effort de construction à laquelle elle a été irrégulièrement assujettie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 10 septembre 1994, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire de participation à l'effort de construction, d'un montant de 820 F, à laquelle elle a été assujettie ;
Sur la demande de remboursement des frais exposés :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 30 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à raison des frais exposés depuis la première instance ;
Article 1er : La S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES est déchargée de la cotisation supplémentaire de participation à l'effort de construction d'un montant de 820 F à laquelle elle a été assujettie.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES est rejeté.
Article 3 : Le jugement en date du 10 septembre 1994 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. ETABLISSEMENTS BRIATTE FRERES et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.