(Deuxième Chambre)
Vu, sous le n 97NC01172, la requête enregistrée au greffe de la cour le 30 mai 1997 présentée pour la société Y... GEORGES et SCHMITT (SA), dont le siège est ..., ZI de Fléville (Meurthe-et-Moselle), par Me X... et Bricet, avocats à la Cour ;
La SA Y... GEORGES et SCHMITT demande à la Cour :
1 ) - d'annuler le jugement n 95-1656 en date du 25 mars 1997 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1991 dans les rôles de la commune de Fléville-devant-Nancy ;
2 ) - de lui accorder la décharge demandée ;
3 ) - de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 F au titre de 'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 31 janvier 2001 du président de la deuxième fixant la clôture de l'instruction au 20 février 2001 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;
Vu la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n 49-1473 du 14 novembre 1949 modifié relatif à la coordination et à l'harmonisation des transports ferroviaires et routiers ;
Vu le décret n 86-567 du 14 mars 1986 relatif aux transports routiers de marchandises ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2001 :
- le rapport de M. COMMENVILLE, Président,
- les observations de Me BARDON, avocat de la société des TRANSPORTS GEORGES et SCHMITT,
- et les conclusions de M. STAMM, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment :
5 les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou des charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice" ; qu'aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au même code dans sa rédaction alors en vigueur : "La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5 du 1 de l'article 39 du code général des impôts" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Y... GEORGES et SCHMITT, qui exploite un fonds de commerce de transport routier de marchandises, était propriétaire à la clôture de son exercice 1991 de licences de transport de zone longue figurant à l'actif de son bilan pour une valeur totale de 100 000 F, qui lui avaient été délivrées dans le cadre du régime du contingentement au niveau national de ces licences résultant notamment des dispositions du décret susvisé du 14 novembre 1949 modifié relatif à la coordination et à l'harmonisation des transports ferroviaires et routiers ; que le décret susvisé du 14 mars 1986 relatif aux transports routiers de marchandises a prévu le remplacement des licences de transport délivrées en application des dispositions du décret du 14 novembre 1949 par des autorisations de transport délivrées par les préfets de région en fonction des besoins et qui ne sont pas cessibles indépendamment du fonds de commerce ; que si le même décret a prévu que les licences de transport de zone longue délivrées sous l'empire de l'ancienne réglementation resteraient valables jusqu'au 1er janvier 1996 et seraient échangées à cette date nombre pour nombre par des autorisations d'une durée également illimitée, son entrée en vigueur a ouvert aux entreprises de transport routier la possibilité de se créer ou de se développer sans avoir à acquérir des licences auprès d'autres entreprises ; que la SA Y... GEORGES et SCHMITT, estimant que ce changement de réglementation avait fait perdre une partie de leur valeur aux licences qu'elle détenait, a constitué une provision pour dépréciation de celles-ci, à concurrence de 95 000 F au 31 décembre 1991 ; que l'administration, refusant le principe de la déductibilité de cette provision, a réintégré son montant dans la base d'imposition de la requérante à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 1991 ;
Considérant qu'il résulte des dispositions susrappelées du décret du 14 mars 1986 que le changement de réglementation alors intervenu constituait un événement ayant pu rendre probable au cours des années suivantes la dépréciation de licences de transport acquises sous l'empire de la réglementation antérieure ; qu'il suit de là que ce changement de réglementation ayant justifié la constitution de la provision litigieuse, dont le montant n'est pas utilement contesté, la SA Y... GEORGES et SCHMITT est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés résultant de sa réintégration ;
Sur les conclusions de tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à la SA Y... GEORGES et SCHMITT une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : La SA Y... GEORGES et SCHMITT est déchargée du complément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 1991.
Article 3 : l'Etat versera à la SA Y... GEORGES et SCHMITT une somme de 10 000 F au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : le présent arrêt sera notifié à la SA Y... GEORGES et SCHMITT et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.