Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 18 mai 2002, complétée par un mémoire enregistré le 18 novembre 2002, présentée pour M. X... Y demeurant ... par Me Y..., avocat ;
M. Y demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement en date du 23 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 25 octobre 2001 du préfet de Meurthe-et-Moselle rejetant sa demande de titre de séjour ;
2) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire ;
- le préfet devait saisir la commission du titre de séjour ;
Code : C
Classement CNIJ : 335-01-03
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié est contraire aux articles 8, 12 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et les avenants du 22 décembre 1985 et du 28 septembre 1994 ont été publiés sans avoir fait l'objet d'une autorisation législative, en méconnaissance de l'article 53 de la Constitution et ne peuvent donc lui être appliqués ;
- la décision attaquée viole son droit à une vie familiale normale ;
Vu, enregistré le 24 mars 2003, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, tendant au rejet de la requête par adoption des motifs des premiers juges ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de Grande instance de Nancy, section administrative d'appel, en date du 18 juin 2002 accordant à M. Y le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et indiquant qu'il sera représentée par Me Kifpffer, avocat ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2003 :
- le rapport de Mme SEGURA-JEAN, Premier conseiller,
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen présenté par M. Y et tiré du non-respect du principe du contradictoire faute pour les services préfectoraux de le recevoir à la suite de sa demande de réexamen de son droit du séjour en France à la suite de son mariage avec une française ; que, par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et qu'il y a lieu de l'annuler ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer le litige et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Nancy ;
Sur la légalité du refus de séjour litigieux :
Considérant, en premier lieu, que M. Z..., directeur de la réglementation et des libertés publiques, dispose d'une délégation régulière du préfet de Meurthe-et-Moselle l'autorisant par arrêté du 22 mars 2001 public au recueil des actes administratifs de la préfecture du 3 avril 2001, à signer les décisions relatives au séjour des étrangers ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition n'impose que l'instruction d'une demande de titre de séjour soit effectuée de façon contradictoire et après audition du demandeur ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : Les étrangers sont, en ce qui concerne leur entrée et leur séjour en France, soumis aux dispositions de la présente ordonnance, sous réserve des conventions internationales ; que, si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour, dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'au nombre de ces dispositions figurent notamment celles qui résultent des articles 12 bis 7° et 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée qui prévoient que le préfet doit consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser un titre de séjour à un étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que ce refus porterait au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus ; que le préfet n'est toutefois tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement cette condition, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y, dont les parents vivent en Algérie, est entré en France en mai 2000 ; que ces circonstances, notamment la durée relativement courte de son séjour en France ne permettent pas de le regarder comme remplissant effectivement la condition susmentionnée ouvrant droit à la saisine de la commission du titre de séjour par le préfet ; que de même, si M. Y fait valoir qu'il a épousé une ressortissante française le 7 juillet 2001, le caractère récent de cette union, contractée un peu plus de trois mois seulement avant le refus contesté, fait obstacle à ce que le refus de séjour litigieux soit regardé comme ayant porté à la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard de ses motifs ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a porté à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences dudit acte sur sa situation personnelle ;
Considérant, en cinquième lieu, que si M. Y soutient que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et ses deux premiers avenants méconnaissent les dispositions des articles 8, 12 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la compatibilité d'une norme internationale avec une autre norme internationale ; que, dès lors, et en tout état de cause, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 53 de la Constitution : Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi (...) ; qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution : Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les traités ou accords relevant de l'article 53 de la Constitution et dont la ratification pour l'approbation est intervenue sans avoir été autorisée par la loi, ne peuvent être regardés comme régulièrement ratifiés ou approuvés au sens de l'article 55 précité ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la Constitution qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer qu'un traité ou accord a été régulièrement ratifié ou approuvé, non seulement lorsqu'un tel moyen est invoqué à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir directement formé à l'encontre du décret de publication qui en a permis l'introduction dans l'ordre juridique interne, mais aussi, par voie d'exception, à l'occasion d'un litige mettant en cause l'application de cet engagement international ; que, par suite, à l'appui de sa contestation de la décision préfectorale du 25 octobre 2001 qui lui a refusé un titre de séjour au motif que l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sa rédaction issue de l'avenant du 28 septembre 1994, subordonne la délivrance d'un certificat de résident à un ressortissant algérien à la présentation d'un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour, M. Y est recevable à se prévaloir de ce que ni cet avenant, ni l'accord initial qu'il modifient n'auraient été régulièrement approuvés faute d'avoir fait l'objet d'une autorisation d'approbation par la loi ;
Considérant, toutefois, qu'en adoptant la loi du 29 octobre 2002 autorisant l'approbation du troisième avenant à l'accord du 27 décembre 1968, le législateur a nécessairement entendu autoriser l'approbation de l'ensemble des stipulations de l'accord initial et de ses deux premiers avenants, dont ce nouvel avenant n'était pas séparable, y compris celles de ces stipulations qui, exprimant tout autant que les autres la commune intention des parties, comportaient une date d'entrée en vigueur ; qu'ainsi, à la suite de la publication du troisième avenant au journal officiel de la république française le 26 décembre 2002, l'accord et ses deux premiers avenants devaient être regardés, selon leurs termes mêmes, comme étant entrés en vigueur à la date de leur signature ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne pouvait opposer à la demande de titre de séjour de l'intéressé le défaut de visa prévu par les stipulations de l'accord et de ses deux avenants, faute pour ceux-ci d'avoir été approuvés en vertu d'une loi, doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Nancy doit être rejetée ;
D E C I D E
ARTICLE 1er : Le jugement n° 012052 du Tribunal administratif de Nancy est annulé.
ARTICLE 2 : La demande présentée par M. X... Y devant le Tribunal administratif de Nancy est rejetée.
ARTICLE 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des collectivités locales.
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