Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 11 mai 2001 sous le n° 01NC00516, la requête, complétée par le mémoire enregistré le 10 septembre 2001, présentée pour Mme Colette X demeurant à ..., par Me Goepp, avocat ;
Mme X demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement n° 971466 du 4 janvier 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994 ;
2°) - de prononcer la décharge demandée ;
3°) - d'ordonner que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête, il soit sursis à l'exécution des articles de rôle correspondants ;
4°) - de condamner l'Etat à lui payer la somme de 60 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Code : C
Plan de classement : 19-04-01-02-05-01
Elle soutient :
- qu'elle n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire, la vérification de comptabilité s'étant en partie déroulée dans les locaux de l'administration ;
- que la vérification s'est étendue sur une durée supérieure à trois mois ;
- que la reconstitution de chiffre d'affaires aboutit à des résultats exagérés ;
- que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses procèdent d'une appréciation excessive de la gravité de l'infraction commise ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistrés les 10 octobre 2001, 30 octobre 2001 et 29 novembre 2001, les mémoires en défense, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2004 :
- le rapport de M. STAMM, Président ;
- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que Mme X, qui exploitait un restaurant à Schiltigheim (Bas-Rhin), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos le 31 décembre des années 1993 et 1994, à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu lui ont été notifiés ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
- En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ; que dans le cas où la vérification de la comptabilité a été effectuée soit, comme il est de règle, dans les propres locaux de l'entreprise, soit, si le contribuable l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec lui-même, soit avec ses conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, qu'à la demande expresse de Mme X, les opérations de vérification ont été effectuées dans les locaux de son comptable et que le vérificateur s'est rendu à six reprises dans les locaux de l'entreprise ; que si un bilan du contrôle a été effectué lors d'un entretien avec le vérificateur dans les locaux de l'administration, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder les opérations de vérification de comptabilité comme ne s'étant pas déroulées sur place au sens de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, non plus qu'à faire regarder Mme X comme ayant été privée d'un débat oral et contradictoire pendant lesdites opérations ;
- En ce qui concerne le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à un certain montant : Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois... ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la vérification sur place de la comptabilité de Mme X a commencé le 12 février 1996 et que la dernière intervention sur place du vérificateur a eu lieu le 10 mai 1996, soit avant l'expiration du délai de trois mois prévu par les dispositions précitées ; que si un bilan du contrôle a été effectué, le 5 juin 1996, lors d'un entretien avec le vérificateur dans les locaux de l'administration, la tenue de cette réunion, au cours de laquelle il ne résulte pas de l'instruction que des documents comptables auraient été examinés, n'est pas de nature à faire regarder les dispositions de l'article L. 52 précitées comme ayant été méconnues ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que les impositions en litige seraient intervenues à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, la décharge ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X n'a pu, pour justifier du montant de ses recettes journalières, présenter, à l'appui de sa comptabilité, l'intégralité des bandes de caisse enregistreuse, notamment celles correspondant aux recettes des menus servis pour la période du 1er janvier au 31 août 1993, non plus que les justificatifs des recettes correspondant aux touches fromages et suggestions de sa caisse enregistreuse ; qu'elle a, par ailleurs, présenté une évaluation erronée de ses stocks, n'a pu justifier de certains apports en compte courant et n'a pas présenté de relevés bancaires ; qu'enfin le vérificateur a relevé l'existence d'une caisse créditrice pour la période postérieure au 1er août 1993 et a établi l'existence d'achats non comptabilisés de marchandises payés en espèces ; que, dans ces conditions, l'administration a pu, à bon droit, tenir la comptabilité de Mme X pour non probante et procéder à une reconstitution extra-comptable de ses recettes ;
Considérant, d'une part, que pour contester la reconstitution du chiffre d'affaires correspondant aux boissons servies, Mme X se borne à soutenir que le pourcentage de pertes et de consommations offertes retenu par le vérificateur, compris, selon les types de boissons, entre 2 et 7 % serait insuffisant, eu égard au pourcentage uniforme de 10 % habituellement retenu, selon elle, en ce qui concerne des établissements similaires ; d'autre part, qu'en ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires correspondant aux repas servis, il résulte de l'instruction, que, contrairement à ce que soutient ne Mme X, le vérificateur a procédé à la reconstitution de trois plats du jour, de neuf plats proposés sur la carte et d'une tarte flambée , ces plats étant représentatifs de l'activité du restaurant exploité par Mme X ; qu'il a, par ailleurs, justifié la composition des plats ainsi retenus et pris en compte un pourcentage de 10 % correspondant aux pertes et aux repas pris par le personnel ; qu'ainsi l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du bien-fondé des impositions en litige ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses... ;
Considérant qu'il est constant que Mme X s'est abstenue de porter une partie importante de ses achats ainsi que de ses recettes commerciales dans ses écritures comptables, notamment en procédant, de manière répétée, sous de faux noms, à des achats sans factures, réglés en espèces ; que de tels agissements, destinés à dissimuler une part importante des recettes de l'intéressée et propres à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle sont constitutifs de manoeuvres frauduleuses et justifiaient que lui fussent appliquées les pénalités prévues en pareil cas ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge des impositions et pénalités contestées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme Colette X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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