Vu le recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES, enregistré au greffe de la Cour le 8 août 2003. Il demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 mai 2003 du Tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme Pierrette une indemnité supplémentaire de 12513,02 euros pour l'abattage de son cheptel bovin au titre de la police sanitaire pour cause d'encéphalophathie spongiforme bovine ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Nancy en tant qu'elle porte sur ce complément d'indemnité ;
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en la forme, dès lors que les mémoires en défense ne sont analysés ni dans les visas ni dans le dispositif du jugement et qu'il est entaché d'un défaut de motivation ;
- la décision d'indemniser Mme X n'avait pas à être motivée ;
- il ne pouvait être reproché au préfet de Meurthe-et-Moselle aucune erreur manifeste d'appréciation sur le montant de l'indemnité ;
- le législateur a clairement exclu toute autre forme d'indemnisation que celle prévue par l'article L. 221-2 du code rural ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2005, présenté pour Mme Pierrette X, élisant domicile ..., par Me Schamber, avocat au barreau de Nancy ; elle conclut, d'une part, au rejet du recours ; à cette fin elle soutient qu'il est tardif ; qu'aucun moyen n'est fondé ; d'autre part, par la voie du recours incident, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité portée à 17 659,70 euros, subsidiairement à 13 665,53 euros ; à cette fin, elle soutient qu'il y a lieu de retenir l'évaluation des experts sur la valeur unitaire des quarante-huit boeufs de 10 840 francs ; qu'une indemnité supplémentaire de 24 728, 46 euros était justifiée par la date d'abattage du troupeau et les frais d'entretien ; enfin, à la condamnation de l'Etat à lui verser 1 500 euros de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance du 16 décembre 2004 portant clôture de l'instruction au 14 janvier 2005 ;
Vu le code rural ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2005 :
- le rapport de M. Sage, président,
- les observations de Me Schamber, avocat de Mme X,
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée au recours :
Considérant que le jugement attaqué a été notifié au ministre chargé de l'agriculture le 10 juin 2003 ; que le recours adressé par télécopie a été enregistré le 8 août 2003, dans le délai d'appel de deux mois fixé par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, et régularisé par production de l'original, enregistré le 12 août 2003 ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par Mme X et tirée d'une tardiveté du recours doit être écartée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'analyse du mémoire en défense du préfet :
Considérant qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que le mémoire en défense présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle et enregistré le 8 mars 2002 a été dûment visé et analysé ; qu'ainsi, le moyen manque en fait ;
En ce qui concerne le moyen tiré d'un défaut de motivation :
Considérant qu'en admettant même que le jugement attaqué mentionne à tort que le préfet ne justifie pas du bien-fondé de la modification qu'il a opérée sur la base d'évaluation des experts concernant l'indemnité due à Mme X pour l'abattage de son troupeau, cette appréciation portée par les premiers juges n'est pas de nature à entacher la régularité du jugement ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-2 du code rural : Des arrêtés conjoints du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances fixent les conditions d'indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus sur l'ordre de l'administration, ainsi que les conditions de la participation financière éventuelle de l'Etat aux autres frais obligatoirement entraînés par l'élimination des animaux ; qu'aux termes de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture et de la pêche en date du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration : Article 1er - Lorsqu'un troupeau fait l'objet d'un abattage total sur ordre de l'administration dans le cadre des dispositions prises pour application des article L. 221-1 ou L. 223-8 du code rural, les animaux abattus et faisant l'objet d'une indemnisation en application de l'article L. 221-2 du code rural sont estimés aux frais de l'administration par deux experts sur la base de leur valeur de remplacement ... / Article 3 - Le propriétaire des animaux qui doivent être abattus conformément aux dispositions de l'article 1er choisit un expert de chaque catégorie, l'un sur la liste du département d'implantation de l'élevage, l'autre sur la liste d'un département limitrophe / ... En cas de refus par l'éleveur de choisir des experts, le directeur des services vétérinaires y procède d'office ... / Article 4 - L'expertise a lieu, dans la mesure du possible, conjointement. Elle donne lieu à un rapport écrit commun signé par les deux experts, identifiant chaque animal ou groupe d'animaux et motivant leur estimation. En cas de désaccord, mention en est faite sur le rapport. Le cas échéant, deux rapports distincts sont établis. ... / Article 5 - Lorsque le montant de l'expertise visée à l'article 4 est supérieur au montant de base tel que défini en annexe en moyenne par catégorie d'animaux, le rapport doit détailler les raisons de cette majoration, notamment au regard des caractéristiques et des performances du troupeau. / Lorsque, à titre exceptionnel, ce montant dépasse le montant majoré tel que défini en annexe en moyenne par catégorie d'animaux, et dans l'hypothèse où des examens complémentaires justifiant le dépassement du montant majoré, ou s'il l'estime nécessaire, le directeur des services vétérinaires fait procéder à une nouvelle expertise dans les conditions prévues aux articles 3 et 4, par deux experts choisis par ses soins sur les listes prévues à l'article 2 ou, en dehors de ces listes, après avis de la directrice générale de l'alimentation ... / Article 6 - Le préfet arrête le montant définitif de l'estimation et le notifie au propriétaire des animaux. Si, à titre très exceptionnel, ce montant dépasse le montant majoré visé à l'article 5, le préfet arrête le montant définitif de l'estimation après avis de la directrice générale de l'alimentation et au vu du rapport de l'expert et des pièces justificatives des examens visés à l'article 5 ; que l'annexe a cet arrêté distingue quatre catégories de bovins : veaux de moins de douze mois, jeunes bovins, génisses de vingt-quatre à trente-six mois et vaches de plus de trente-six mois, et fixe pour les jeunes bovins un montant de base de 700 euros, soit 4 592 francs et un montant majoré de 1 050 euros, soit 6 888 francs ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en vue d'indemniser Mme X de la perte de son troupeau de bovins de race charolaise, dont l'abattage avait été ordonné le 17 juillet 2001 par le préfet de Meurthe-et-Moselle au titre de la police sanitaire pour cause d'encéphalopathie spongiforme, le même préfet a, par décision du 18 septembre 2001, fixé la somme due à l'intéressée à 1 567 100 francs, dont, dans la catégorie jeunes bovins, 7 520 francs par tête pour vingt-sept bovins de douze à vingt-quatre mois et 10 560 francs par tête pour vingt-et-un boeufs de dix-huit à vingt-quatre mois, valeurs excédant le montant majoré résultant de l'arrêté précité du 30 mars 2001 et donc admis à titre très exceptionnel, après avoir suivi la procédure instituée par les articles 3 à 6 précités dudit arrêté ; que si, pour contester cette distinction opérée à l'intérieur de la catégorie jeunes bovins, Mme X soutient que son troupeau ne contenait aucun taurillon de douze à vingt-quatre mois évaluable à 7 520 francs, elle n'établit pas que le recensement des animaux de son exploitation contenu dans les rapports d'expertise serait erroné, notamment en incluant à tort des animaux d'une autre exploitation, ni que les erreurs qu'a pu commettre le préfet sur l'âge des animaux l'aient été à son détriment ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour condamner l'Etat à verser à Mme X une indemnité supplémentaire de 12 513,02 euros, le Tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur les seules expertises qui, dans la catégorie des jeunes bovins, n'avaient retenu qu'un ensemble de quarante-huit boeufs, sans prendre en compte les justifications précises fournies par le préfet de Meurthe-et-Moselle, sur la distinction à opérer à l'intérieur de cet ensemble ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés tant devant le Tribunal administratif de Nancy que devant la Cour par Mme X ;
Considérant qu'il appartient au juge de plein contentieux non d'apprécier la légalité de la décision liant le contentieux mais de se prononcer lui-même sur le droit du requérant d'obtenir l'indemnité qu'il demande ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle fixant le montant de l'indemnité due à Mme X est inopérant ;
Considérant qu'il y a lieu d'adopter les motifs par lequel le Tribunal administratif de Nancy a écarté le moyen tiré de la prise en compte des frais entraînés par la date d'abattage du troupeau, ainsi que le moyen tiré de ce que le montant de l'indemnité ne pouvait être inférieur au montant fixé par les experts ;
Sur l'appel incident de Mme X :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les moyens invoqués par Mme X et tirés de la date d'abattage du troupeau et de la valeur des boeufs retenue par la seconde expertise, identiques à ceux qui viennent d'être examinés, doivent être écartés ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etat à verser à Mme X une somme de 12 513,02 euros et que l'appel incident de Mme X doit être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 20 mai 2003 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées devant le Tribunal administratif de Nancy par Mme X et tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité à raison de 12 513,02 euros, l'appel incident de Mme X et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE et à Mme Pierrette X.
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N° 03NC00839