Vu le recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES, enregistré au greffe de la Cour le 28 août 2003. Il demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 juin 2003 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. Alain X la somme de 417 133,44 euros à titre d'indemnisation de l'abattage de son troupeau au titre de la police sanitaire pour cause d'encéphalopathie spongiforme bovine ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'elle porte sur le complément d'indemnité alloué par le Tribunal ;
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation en ce qu'il se réfère à des expertises qui ne justifient pas les taux de réforme retenus ;
- le Tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit en condamnant l'Etat à verser à M. X la somme de 417 133,44 euros sans tenir compte des 2 543 766 francs déjà versés ;
- la décision d'indemnisation n'avait pas à être motivée ;
- le préfet de la Moselle n'était pas lié par les évaluations des experts ;
- le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté à bon droit les conclusions à fin d'indemnisation de divers préjudices non liés au renouvellement du cheptel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2005, présenté pour M. Alain X élisant domicile ..., par Me Schamber, avocat au barreau de Nancy ;
Il conclut :
1° au rejet du recours, à cette fin il soutient qu'aucun moyen n'est fondé ;
2° par la voie du recours incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il a limité l'indemnité à 417 133,44 euros, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité supplémentaire de 81 847,74 euros, subsidiairement de 57 336,38 euros, plus subsidiairement de 41 901,51 euros ; à ces fins, il soutient que le Tribunal administratif de Strasbourg n'a pas répondu à tous ses moyens ; que les taux de réforme retenus par les experts étaient justifiés ; que le Tribunal administratif de Strasbourg a considéré à tort qu'il ne justifiait pas de son évaluation de la valeur marchande des taurillons, des frais financiers et des frais entraînés par la date de l'abattage ; que le Tribunal administratif a estimé à tort que la constitution d'une base de données informatiques et la perte d'activité n'étaient pas liés directement au remplacement du cheptel ; le moyen tiré de l'illégalité du retrait de la prime accordée le 14 septembre 2001 par le préfet et qui devait être retenue dans le calcul de l'indemnité était fondé ; que les experts ont omis plusieurs éléments ; que l'estimation des seconds experts devait être retenue ;
3° à la condamnation de l'Etat à lui verser 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance du 16 décembre 2004 portant clôture de l'instruction au 14 janvier 2005 ;
Vu le code rural ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2005 :
- le rapport de M. Sage, président,
- les observations de Me Schamber, avocat de M. X,
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
En tant qu'il porte condamnation de l'Etat :
Considérant que le Tribunal administratif de Strasbourg a modifié le taux de réforme des animaux retenus par l'administration en le portant de 15 % à 30 % en se bornant à se référer aux deux rapports d'expertise non motivés sur ce point alors que le préfet, dans son mémoire en défense enregistré le 21 janvier 2002, avait précisé qu'en prenant en compte les valeurs négociées au niveau national avec les organisations professionnelles, les besoins en réforme des vaches et génisses étaient portés à 15 % au lieu de 10 % précédemment admis ; que le jugement doit ainsi être regardé comme insuffisamment motivé ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ses articles 1er et 3 ;
En tant qu'il rejette le surplus des conclusions de la requête :
Considérant que le Tribunal administratif de Strasbourg n'a pas répondu aux moyens tirés de la prime à l'abattage de taurillons qui aurait été illégalement retirée et de la prise en compte des estimations des seconds experts ; qu'ainsi l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 25 juin 2003 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-2 du code rural : Des arrêtés conjoints du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances fixent les conditions d'indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus sur l'ordre de l'administration, ainsi que les conditions de la participation financière éventuelle de l'Etat aux autres frais obligatoirement entraînés par l'élimination des animaux ; qu'aux termes de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture et de la pêche en date du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration : Article 1er - Lorsqu'un troupeau fait l'objet d'un abattage total sur ordre de l'administration dans le cadre des dispositions prises pour application des article L. 221-1 ou L. 223-8 du code rural, les animaux abattus et faisant l'objet d'une indemnisation en application de l'article L. 221-2 du code rural sont estimés aux frais de l'administration par deux experts sur la base de leur valeur de remplacement ... / Article 3 - Le propriétaire des animaux qui doivent être abattus conformément aux dispositions de l'article 1er choisit un expert de chaque catégorie, l'un sur la liste du département d'implantation de l'élevage, l'autre sur la liste d'un département limitrophe / ... En cas de refus par l'éleveur de choisir des experts, le directeur des services vétérinaires y procède d'office ... / Article 4 - L'expertise a lieu, dans la mesure du possible, conjointement. Elle donne lieu à un rapport écrit commun signé par les deux experts, identifiant chaque animal ou groupe d'animaux et motivant leur estimation. En cas de désaccord, mention en est faite sur le rapport. Le cas échéant, deux rapports distincts sont établis. ... / Article 5 - Lorsque le montant de l'expertise visée à l'article 4 est supérieur au montant de base tel que défini en annexe en moyenne par catégorie d'animaux, le rapport doit détailler les raisons de cette majoration, notamment au regard des caractéristiques et des performances du troupeau. / Lorsque, à titre exceptionnel, ce montant dépasse le montant majoré tel que défini en annexe en moyenne par catégorie d'animaux, et dans l'hypothèse où des examens complémentaires justifiant le dépassement du montant majoré, ou s'il l'estime nécessaire, le directeur des services vétérinaires fait procéder à une nouvelle expertise dans les conditions prévues aux articles 3 et 4, par deux experts choisis par ses soins sur les listes prévues à l'article 2 ou, en dehors de ces listes, après avis de la directrice générale de l'alimentation ... / Article 6 - Le préfet arrête le montant définitif de l'estimation et le notifie au propriétaire des animaux. Si, à titre très exceptionnel, ce montant dépasse le montant majoré visé à l'article 5 ;
Sur le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision du préfet arrêtant le montant de l'indemnité :
Considérant qu'il appartient au juge de plein contentieux non d'apprécier la légalité de la décision liant le contentieux mais de se prononcer lui-même sur le droit du requérant à obtenir l'indemnité qu'il demande ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du préfet de la Moselle fixant le montant de l'indemnité due à M. X est inopérant ;
Sur l'indemnité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par décision du 29 octobre 2001, le préfet de la Moselle a attribué à M. X une indemnité de 2 543 766 francs (387 794,63 euros), à titre très exceptionnel au sens de l'article 6 précité de l'arrêté du 30 mars 2001, en conséquence de son arrêté du 17 juillet 2001 prescrivant l'abattage du troupeau de bovins appartenant à l'intéressé, pour cause d'encéphalopathie spongiforme bovine ;
Considérant que si M. X conteste les expertises, effectuées conformément aux dispositions précitées des articles 3, 4 et 5 de l'arrêté du 30 mars 2001, en ce qu'elles n'auraient pas retenu dans la valeur de remplacement de son troupeau sa valeur génétique, la base informatique qui avait été constituée pour sa gestion, les frais entraînés par l'acclimatation du nouveau troupeau, la perte d'activité entre l'abattage et la reconstitution du cheptel et les frais financiers supportés entre la date d'abattage des bovins et le versement de l'indemnité, il n'apporte aucun élément qui permettrait d'établir que son troupeau, dont il ne conteste d'ailleurs pas qu'il n'était pas inscrit au Herd Book charolais, et les conditions dans lesquelles il était élevé auraient présenté des caractéristiques exceptionnelles susceptibles de justifier le dépassement des frais moyens de toute nature inclus dans les montants de base et majorés fixés en annexe à l'arrêté du 30 mars 2001, seul cas où, en application de l'article 5, alinéa 1er, de cet arrêté, il était fait obligation aux experts de détailler ces caractéristiques ; qu'en outre, pour évaluer le prix des taurillons, les experts ont retenu à juste titre les cours de la viande à la date des opérations d'expertise, même si ces cours étaient alors particulièrement bas ; que M. X ne saurait utilement se prévaloir d'une erreur contenue dans les expertises et augmentant la valeur de remplacement de son troupeau ; que, s'il allègue que d'autres erreurs de calcul auraient été commises, cette allégation n'est assortie d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier la portée ;
Considérant qu'il ne résulte pas des dispositions précitées de l'arrêté du 30 mars 2001 que le préfet aurait été tenu de se conformer aux évaluations des premiers ou des seconds experts pour le calcul de l'indemnité, notamment en ce qui concerne le taux de réforme, estimé par les experts à 30 % et ramené à 15 % conformément à l'avis de la directrice générale de l'alimentation qui a pu, sur ce point comme sur les frais vétérinaires, de transport et de pertes de veaux et de taurillons liés au repeuplement, procéder à une juste appréciation des circonstances de l'espèce en prenant en compte les valeurs négociées au niveau national avec les organisations professionnelles ;
Considérant que l'indemnité litigieuse présente un caractère spécifique et est régie exclusivement par l'article L. 221-2 du code rural et par l'arrêté du 30 mars 2001, précités ; qu'il suit de là que M. X ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 4 septembre 1990 relatives à la prise en compte de la valeur des animaux à la date de leur abattage, ni prétendre, d'une part, à l'indemnisation particulière des frais qu'il a supportés pour l'entretien du troupeau entre les dates des expertises et celle de l'abattage, qui ne sauraient être regardés comme n'étant pas déjà inclus forfaitairement dans les frais de toute nature pris en compte dans les montants fixés par l'annexe à l'arrêté du 30 mars 2001, ou présentant un caractère exceptionnel, ainsi qu'en raison du refus de lui accorder un délai pour l'abattage de certains animaux, ces frais n'étant pas inhérents à la valeur de remplacement au sens de l'article 1er du décret du 30 mars 2001, et, d'autre part, au cumul de ladite indemnité avec une prime d'abattage instituée par d'autres dispositions législatives ou réglementaires, d'ailleurs non précisées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser un complément à l'indemnité de 387 794,63 euros qui lui a été allouée par le préfet de la Moselle ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 25 juin 2003 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE et à M. Alain X.
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N° 03NC00907