Vu la requête enregistrée au greffe le 11 février 2004, complétée par mémoire enregistré le 4 octobre 2004, présentée pour M. Guy X élisant domicile ..., par Me Vernier, avocat ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 11 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé, à la demande de la Société Industrielle Automobile de Besançon (SIAB), la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'emploi et de la solidarité à la suite du recours hiérarchique qu'elle a formé contre la décision de l'inspecteur du travail du 17 décembre 1999 refusant d'autoriser le licenciement de M X, salarié protégé ;
2°) de condamner la SIAB à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- il n'y avait pas lieu à statuer sur la demande présentée par la SIAB devant le tribunal administratif, les faits constituant le fondement de la demande d'autorisation de licenciement étant amnistiés ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les faits étaient établis ;
- la procédure suivie devant le comité d'entreprise n'a pas été régulière ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 août 2004, présenté pour la Société Industrielle Automobile de Besançon (SIAB), par Me Bouquard, avocat ; la société conclut :
- au rejet de la requête ;
- à la condamnation de M. X à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les faits reprochés à M. X constituent des manquements à la probité et sont, en tant que tels, exclus du champ d'application de la loi d'amnistie ;
- ils sont établis ;
- ils constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement ;
- il n'existe pas de lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat syndical exercé par M. X ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2005 :
- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller,
- les observations de Me BOUQUARD, de la société d'avocats Fidal Besançon, avocat de la Société Industrielle Automobile de Besançon (SIAB),
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Sur l'application de la loi d'amnistie :
Considérant que la demande d'autorisation de licenciement adressée à l'inspecteur du travail par la société Industrielle Automobile de Besançon (SIAB), le 23 novembre 1999, était motivée par le fait que M. X, délégué syndical et membre titulaire de la délégation unique du personnel, employé en qualité de mécanicien-dépanneur, avait détourné à son profit le paiement en espèces effectué par un client ; que ces faits sont constitutifs d'un manquement à la probité et sont, par suite, exclus du champ d'application de la loi du 6 août 2002 susmentionnée ; qu'en estimant, dès lors, qu'il lui appartenait de statuer sur la demande, dont l'avait saisi la SIAB, tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'emploi et de la solidarité a implicitement confirmé la décision en date du 17 décembre 1999 de l'inspecteur du travail rejetant la demande d'autorisation de licenciement, le Tribunal administratif de Besançon n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ;
Sur la légalité des décisions du ministre de l'emploi et de la solidarité et de l'inspecteur du travail :
Considérant que les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant, d'une part, que M. X dont l'autorisation de licenciement a été refusée par l'inspecteur du travail ainsi qu'implicitement par le ministre de l'emploi et de la solidarité ne saurait utilement invoquer un moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie par l'inspecteur du travail ;
Considérant, d'autre part, qu'il est constant que le 7 septembre 1999, à 15h45 M. X a reçu sur son portable, par l'intermédiaire de la société d'assurance Inter-Mutuelle-Assistance (IMA), un appel d'un client dont le véhicule était immobilisé du fait d'une roue défectueuse ; que si M. X soutient que le client n'a pas donné suite à cet appel en raison du coût du dépannage et que lui-même a travaillé en atelier jusqu'à 17 heures, ces affirmations se trouvent contredites tant par le relevé de la société IMA qui établit que la mission a été réalisée à 16 heures, que par les déclarations du client lors de son passage au garage le 10 septembre, confirmées par écrit le 5 novembre lors de la présentation de la facture de dépannage, ainsi que par le témoignage, fût-il postérieur de plusieurs mois auxdits faits, du responsable clientèle affirmant avoir constaté le départ de M. X dans l'après-midi du 7 septembre ; que, par ailleurs, la fiche de pointage de M. X fait apparaître, à la date des faits, un pointage manuel à 17 heures, contraire aux pratiques habituelles dans l'entreprise durant les horaires normaux de travail et non justifié par l'intéressé ; qu'enfin, il est établi qu'à la date du 7 septembre, le client a effectué, conformément à ses déclarations, un retrait bancaire d'une somme de 100 F pour lui permettre de compléter le paiement en espèces demandé par le dépanneur ; qu'ainsi, et nonobstant le temps écoulé, nécessaire à l'enquête menée par la direction, entre la survenue des faits et le lancement de la procédure de licenciement, les faits reprochés à M. X doivent être regardés comme établis ;
Considérant que si M. X fait état, devant la Cour, du climat de tension dans lequel a été négociée la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail et de l'importante pression qu'il aurait subi depuis le changement de direction en juillet 1999, il ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Industrielle Automobile de Besançon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. X à payer à société Industrielle Automobile de Besançon une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : M. X versera à la société Industrielle Automobile de Besançon la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Guy X, à la société Industrielle Automobile de Besançon et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
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N° 04NC00140